L’humanitaire face au dérèglement géopolitique généralisé

Château d’eau endommagé, 2021, Gaza Crédits : Robin LloydECHO

L’humanitaire que nous connaissons aujourd’hui et depuis des décennies va-t-il succomber à la multiplication des conflits, au terrorisme comme au retour de la guerre de haute intensité sur fond de fragmentation-recomposition du monde et du retour des peuples, des nations et des empires.

L’humanitaire dont nous parlons ici est celui de l’accès des victimes des conflits, catastrophes et grandes épidémies aux secours dont ils ont un urgent besoin pour vivre. Cet humanitaire est celui des principes de neutralité politique, de l’impartialité de l’aide fondée sur les seuls besoins sans distinction d’aucune sorte ainsi que de l’indépendance des ONG à l’égard des acteurs politiques. Enfin, notre humanitaire est celui du Droit International humanitaires (DIH) qui a pour objectif de règlementer et au fond d’humaniser le déroulement des guerres.

La guerre aujourd’hui change-t-elle les conditions de l’action humanitaire ?

Que constatons-nous aujourd’hui ? Nous voyons d’une part une expédition sanglante du Hamas aller massacrer des civils israéliens, enlever des otages et d’autre part l’Etat D’Israël, qui a le droit de se défendre, employer des moyens militaires massifs sur le territoire minuscule de Gaza ou combattants et population palestinienne sont très imbriqués au prix de nombreuses victimes civiles. Le DIH risque bien de se perdre si on ne revient pas à minima à un approvisionnement régulier de la population et des hôpitaux, avec des zones de sécurité sures, sans parler de la protection des otages et des civils.

En Ukraine, nous avons vu la Russie, membre permanent du Conseils de sécurité de l’ONU, envahir un pays aux frontières internationalement reconnues, au nom d’une guerre de reconquête préventive, générant des crimes contre l’humanité, une guerre de très haute intensité, ainsi qu’une certaine incompréhension de la neutralité comme de l’impartialité des secours. La guerre dure, les Ukrainiens sont la première réponse à leurs propres besoins, les territoires séparatistes de la Crimée, de Donetsk et de Louhansk à l’est du pays sont inaccessibles aux humanitaires qui, par ailleurs, doivent encore et toujours démontrer leur raison d’être et leur plus-value.

En Afghanistan, après 20 ans de guerre des Etats-Unis et de l’OTAN contre les Talibans afghans, ceux-ci l’ayant finalement emporté, imposent la charia et conduisent les humanitaires à devoir choisir entre secours pour des millions d’Afghans face à la famine et respect des droits humains de ces mêmes Afghans, singulièrement des Afghanes. Chacun détermine son action en fonction de la priorité de son mandat !

Sur la route de l’exode forcé de plus de 100 000 Arméniens du Haut-Karabagh vers l’Arménie. @Twitter

Dans le Caucase du sud, nous avons vu un Etat, l’Azerbaïdjan, soutenu par la Turquie et par une Russie passive, imposer un blocus total durant 9 mois à 120.000 Arméniens du Haut-Karabakh ou Artsakh qu’aucune organisation humanitaire ne pouvait plus secourir. Puis lancer une attaque éclair pour les chasser en quelques jours de leur terre ancestrale en violation du DIH et des négociations qui avaient alors lieu. L’enjeu de l’aide internationale est déterminant maintenant pour l’Arménie elle-même menacée.

Nous pourrions multiplier les exemples à d’autres régions comme dans le cas de pays du Sahel qui exportent une déstabilisation à tout l’ouest de l’Afrique ou encore à l’Asie Pacifique en voie de militarisation accélérée autour de Taïwan. Il n’est pas non plus nécessaire d’examiner en détail le Moyen-Orient au bord de l’explosion à partir de l’épicentre de Gaza qui est tout à la fois un révélateur et un accélérateur des antagonismes. Ce n’est un mystère pour personne que de constater que l’offensive sanglante du Hamas est une guerre par procuration entre l’Iran et les pays arabes visant à faire échouer les Accord d’Abraham entre Israël et ces pays Arabes sur fond de cause palestinienne.

De 1980 à 2023, quel changement d’époque ?

La guerre n’est pas nouvelle, ni le terrorisme, ni les crimes de guerre, ni même les génocides. Ce qui change en revanche c’est cette multiplication des guerres sur fond de recomposition conflictuelle du monde et l’affaiblissement manifeste de l’ONU.

Dans les années 1980, au temps du conflit Est-Ouest, les guerres se déroulaient pour l’essentiel à la périphérie des « deux grands ». Nous avions affaire à des « petites guerres » sans fin où les humanitaires ont alors trouvé leur place entre légitimité de la solidarité et nécessité des secours dans des pays pauvres peu structurés et en guerre civile. Ce type de situation existe encore mais il n’est plus le seul modèle.

De surcroit, ce qui complique toute approche binaire entre guerre injuste et paix juste, c’est la théorie de la guerre dite juste qui répond à des critères énoncés depuis l’antiquité romaine par Cicéron, puis par Saint Thomas d’Aquin au Moyen-Age jusqu’aux Conventions de Genève de l’après-seconde guerre mondiale. Et de bien distinguer en latin le « jus ad Bellum » sur les causes justes d’une guerre, le « jus in Bello » sur les comportements justes et le « jus post Bellum » sur les accords de paix équitables. Sans oublier le devoir de résistance, développé par les partisans du devoir d’ingérence comme Bernard Kouchner.

Des soldats de l’armée irakienne patrouillent dans les rues le 1er mars 2006 à Mossoul, en Irak, à l’appui de l’opération Iraqi Freedom pour reprendre la ville contrôlée par Daech. (Photo de l’armée américaine par Spc. Clydell Kinchen)(Photo de l’armée américaine par Spc. Clydell Kinchen)

En 2023, nous vivons un double mouvement de fond qui se superpose. Il y a le foyer actif du terrorisme porté par des minorités agissantes de l’islamisme le plus radical. Il y a simultanément une puissante aspiration à un monde multipolaire de ce que l’on nomme le sud global qui s’affirme face au monde dit occidental et ses valeurs et qui pourrait affaiblir le DIH si nous ne savons pas le promouvoir comme une valeur commune pour tous sans distinction. Si l’on veut éviter le risque d’une guerre des civilisations, il va falloir trouver une alternative commune à des civilisations distinctes.

Le danger d’une politisation de l’humanitaire.

Dans ce contexte extrêmement déstabilisant pour le monde humanitaire, certains pourraient avoir la tentation dangereuse de politiser l’humanitaire pour faire valoir leurs propres préférences personnelles et promouvoir tel ou tel système de pensée ou idéologie. Nous devons les mettre en garde de s’imposer à eux-mêmes la critique récurrente qu’ils opposent aux Etats ou organisations internationales quand ils les accusent d’instrumentaliser parfois l’aide humanitaire à des fins politiques.

Pour celles et ceux qui souhaiteraient néanmoins poursuivre dans cette voie partisane, il me semble que le chemin le plus court serait de s’engager politiquement sans utiliser un paravent humanitaire qui aurait tout à perdre en légitimité, en cohérence et en confiance, notamment auprès de leurs partenaires et des opinions publiques, ici comme sur le terrain. Sans même parler des divisions internes que cela générerait au sein de chaque organisation et de la communauté humanitaire elle-même.

Henri Dunant
« Un souvenir de Solférino »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Poursuivre dans la voie humanitaire dite « dunantiste » en référence au fondateur de la Croix Rouge, Henri Dunant, lors de la bataille de Solférino en 1859, qui fonde les principes humanitaires déjà évoqués (humanité, neutralité, impartialité, indépendance), ce qui ne nous dispense pas de réfléchir à ce que les Allemands appellent « zeitenwende » ou changement d’époque et ses conséquences sur les nouveaux contextes conflictuels de l’aide humanitaire.

La nécessité de s’adapter sans se renier.

Cela ne dispense pas non plus les humanitaires de faire leur « aggiornamento » et d’évaluer leurs limites comme force de proposition, d’influence et d’efficacité au service des populations en danger. Le système humanitaire lui-même semble atteindre des limites, connait des contraintes à l’utilité discutable, est l’objet d’« injonctions contradictoires », est victime de la bureaucratie, d’une normalisation devenue folle et tuant l’initiative, exacerbe souvent la concurrence plutôt que de promouvoir la complémentarité !

Dans cette revue en ligne « Défis Humanitaires », nous avons engagé cette réflexion et nous allons la poursuivre comme avec cet éditorial qui y participe.

Ainsi, je crois que le respect de valeurs dites universelles peut et doit être compatible avec le respect de la diversité humaine qui est une richesse. Diversité des peuples et des cultures qui veulent être reconnues et respectées et dont les plus minoritaires sont par définition les plus menacées de disparition ou d’oppression. On protège bien et à raison la biodiversité. Protégeons également l’humanité une et diverse.

L’humanitaire est plus que jamais nécessaire pour sauver de plus en plus de vies menacées. La ligne de crête humanitaire est toujours la voie de l’engagement humaniste, de l’impartialité, de la prise de risque pour permettre l’accès des populations en danger aux secours.

La situation humanitaire internationale comme les modalités de son action seront au cœur de la 5ème Conférence Nationale Humanitaire (CNH) qui se tiendra à Paris et qui sera l’occasion de présenter la 3ème édition de la Stratégie Humanitaire de la France pour la période 2023 – 2027.

Alain Boinet.

Président de Défis Humanitaires.

 

PS/ Votre soutien même modeste (faireundon) est essentiel pour continuer de publier cette revue et pour la développer.

 

Alain Boinet

Alain Boinet est le président de la Revue en ligne Défis Humanitaires www.defishumanitaires.com  et le fondateur de l’association humanitaire Solidarités Humanitaires dont il a été directeur général durant 35 ans. Par ailleurs, il est membre du Groupe de Concertation Humanitaire auprès du Centre de Crise et de Soutien du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, membre du Conseil d’administration de Solidarités International, du Partenariat Français pour l’eau (PFE), de la Fondation Véolia, du Think Tank (re)sources.

 

 

Découvrez l’édition 82 de Défis Humanitaires :

 

Humanitaire-développement, quelles synergies pour les populations ?

Le Grand Débat de la Coordination Humanitaire et Développement (CHD) pour son 40ème anniversaire.

Lors du 40ème anniversaire de la CHD, le grand débat s’est tenu devant une salle comble. Photo CHD / Besnard

Ce Grand Débat s’est tenu le 21 septembre à Paris dans les locaux de l’association des Apprentis d’Auteuil à l’occasion du 40ème anniversaire de la Coordination Humanitaire et Développement (CHD) qui regroupe 55 ONG et est membre de Coordination Sud.

La CHD qui regroupe des ONG de terrain est particulièrement soucieuse de leur complémentarité, tout particulièrement entre humanitaires et développeurs, ce qui est au centre de ce grand débat.

Présentation des panelistes :

–             Justine Muzik Piquemal, Directrice régionale chez Solidarités International (SI)

–             Anne Panel, Directrice de Fert

–             Olivier Routeau, Directeur des opérations de Première Urgence Internationale (PUI)

–             Nathalie de Sousa Santos, Directrice générale adjointe de La Chaîne de l’Espoir

–             Alain le Roy, grand témoin, ancien ambassadeur, ancien Secrétaire général adjoint de l’ONU chargé du Département des opérations de maintien de la paix

–             Alain Boinet, modérateur, Fondateur et ancien directeur général de Solidarités International, président de la revue en ligne Défis Humanitaires.

Alain Boinet : Comme ancien coprésident de la CHD, Je suis heureux d’animer aujourd’hui ce débat, qui portera sur trois enjeux majeurs de notre action :

  1. Les enjeux de l’accès à l’aide pour les populations les plus vulnérables
  2. Les actions humanitaires et de développement et leur complémentarité pour répondre aux besoins des plus vulnérables dans des contextes différents
  3. Les perspectives d’avenir pour l’humanitaire et le développement

Je dois aussi me présenter, Alain Boinet, fondateur de Solidarités International, représentée ici par son directeur général Kevin Goldberg. J’en ai été le directeur général pendant 35 ans et je suis aujourd’hui président de la Revue en ligne « Défis Humanitaires ». Revue qui vient de publier un long entretien avec Xavier Boutin et Thierry Mauricet coprésidents de la CHD à l’occasion de son quarantième anniversaire.

Commençons par les contextes et les conditions dans lesquels nous intervenons. La première question est pour Olivier Routeau de PUI : comment les enjeux de l’accès se caractérisent-ils pour toi, dans ton action quotidienne au travers des 25 missions de Première Urgence Internationale ?

Olivier Routeau : Merci Alain pour cette question. Effectivement, en préparant ce débat nous nous sommes demandé comment aujourd’hui nous accédions aux populations les plus vulnérables pour mettre en œuvre nos programmes. Une des premières questions était de dire que nous étions dans des contextes de crises particulièrement complexes. Pourquoi tenons-nous à dire qu’elles sont complexes ? Qu’est ce qui caractérise cette complexité ? Les contextes n’ont-ils pas toujours été complexes ? Peut-on finalement décrire la complexité de manière plus précise ?

Trois notions me semblent importantes à souligner :

Tout d’abord, on constate une multiplication des crises. En regardant les dernières années qui ont marqué mon histoire humanitaire, je me rappelle une époque où nous parlions de la « génération Haïti », de la « génération Darfour » etc… Aujourd’hui, en 2023, on ne saurait pas choisir une crise en particulier pour qualifier notre génération. Ne serait-ce que sur les six derniers mois de l’année, nos équipes sur le terrain ont été particulièrement mobilisées pour quelques semaines autour du tremblement de terre en Syrie, puis l’urgence a explosé au Soudan, on est passé par Gaza, il y a eu la crise au Sahel cet été… Je serais bien incapable de définir la génération actuelle. Cette incapacité à définir une crise à cause de la multiplication de ces dernières est un facteur indéniable de complexité.

Le deuxième élément est la variabilité ou le caractère changeant d’une même crise. Cela peut être lié à sa durée, car par exemple la crise en Afghanistan dure depuis plus de 40 ans. Elle a traversé différentes époques, vécu différents enjeux et nous avons dû y apporter différents types de réponses. Récemment nous avons assisté au retour des opérations d’urgence, qui étaient très différentes de ce qu’on y faisait il y a quelques années. Je pense aussi au Congo, où pour un seul et même pays nous avons eu de multiples missions, avec pour enjeux de toujours se réinventer et fermer des zones pour en ouvrir des nouvelles. Les contextes conduisent impérativement à se réinventer très vite dans un même pays. PUI intervenait en Libye depuis 7-8 ans sur des problématiques humanitaires liées à du conflit, en zone de crise politique et cette semaine une catastrophe naturelle a surgi. Les équipes sur le terrain ont dû se réinventer pour porter secours aux populations victimes des inondations sans y être préparées. Lors de la stratégie Libye pour 2023, nous n’avions jamais imaginé devoir développer une réponse d’urgence pour cette raison. Ce caractère changeant, qui nous empêche de résumer une crise par le nom du pays dans lequel elle se déroule (comme nous le faisons trop souvent), me semble être un grand facteur de complexité.

La troisième dimension est celle de l’environnement et des écosystèmes des territoires d’intervention. Pour de multiples raisons, comme celles liées aux enjeux de politisation (au Sahel par exemple) ou de conformité, il faut intégrer aujourd’hui davantage de facteurs et d’acteurs pour apporter une réponse d’urgence. On en arrive à l’enjeu de l’accès, primordial, qui peut être conditionné par des enjeux de logistique ou de sécurité, mais pas uniquement.

Anne Panel, Olivier Routeau, Alain Le Roy, Photo CHD / Besnard

Alain Boinet : Merci, le mot complexité revient à plusieurs reprises dans les propos d’Olivier Routeau. Justine, toi qui es en contact quotidien avec les équipes au Mozambique, au Soudan, en République Centrafricaine et en République Démocratique du Congo, comment envisages-tu cette question de l’accès ?

Justine Muzik-Piquemal : Je pourrais reprendre ce qu’a dit Olivier, car nous sommes d’accord et avons la même approche, SI et PUI, sur l’accès à l’aide dans des zones de plus en plus complexes. Par exemple avant le 15 avril au Soudan, SI menait des programmes de développement sur des zones à l’Est. Nous faisions de la réponse aux réfugiés dans les camps d’Erythréens et d’Ethiopiens mais aussi de la relance agricole, du suivi de la malnutrition aigüe avec les hôpitaux et de la relance de sécurité alimentaire. Donc au moment où le coup d’Etat est arrivé, le 15 avril, personne ne l’avait prévu et nous nous sommes retrouvés avec un pays divisé en deux. Aujourd’hui il y a deux nouvelles « entrées » qui comportent des vraies prises de risques. De réelles discussions internes à l’ONG montent jusqu’au conseil d’administration à propos de l’accès. En effet, traverser par le Darfour via le Tchad ne confère pas d’accès humanitaire officiel, pas de visas et pas d’autorisation, car le Darfour n’est pas reconnu comme un Etat autonome. Pour ceux qui sont de la « génération Syrie » comme le disait Olivier, ça nous rappelle malheureusement le Nord-Est syrien, quand nous sommes entrés en premier en bateau et qu’à la douane on nous a donné un papier à ne pas perdre : c’était notre visa. Nous savions qu’en rentrant par-là, passer ensuite par Damas serait plus compliqué. Donc ce sont de réelles discussions, certains sont entrés par le Nord-Est syrien, d’autres par Damas et selon l’endroit par lequel on entrait on ne pouvait pas aller dans l’autre. Au Darfour aujourd’hui c’est la même chose, les enjeux sont énormes. La crise au Darfour a été balayée ce weekend par la Libye… vendredi dernier avec Olivier nous parlions du Soudan comme étant la dernière crise et en trois jours le Maroc et la Libye ont de nouveau apporté de nouvelles urgences et préoccupations…

Je tiens à mettre l’accent sur l’aspect humain. Nous travaillons avec des gens qui sont sur le terrain, nos équipes nationales bien entendu, qui sont les premières victimes de ce qui se passe dans leur pays. Il y a donc une énorme complexité d’approche. Il faut pouvoir prendre du recul, arriver à travailler en inter-ethnie (Darfour, Syrie, Afghanistan). Ces personnes sont en première ligne du drame de leur pays. Je pense aussi à nos expatriés qui doivent s’adapter au quotidien aux contextes difficiles et changeants et réapprendre de façon permanente. Il est important pour l’humanitaire et le développement d’aujourd’hui de constamment se demander : où en est-on ? Qu’est-ce qu’on veut faire ? Comment travailler et avec qui ? Comment aider efficacement les populations vulnérables ?

Alain Boinet : Merci Justine. Nathalie, pour une ONG de santé comment la question de l’accès est-elle appréhendée ?

Nathalie de Sousa Santos : Je vais parler au nom d’une ONG dite « de développement », même si nous aurons l’occasion d’y revenir, mais je pense que la vision séparatiste entre l’humanitaire et le développement est révolue aujourd’hui. La Chaîne de l’Espoir apporte une formation à des équipes chirurgicales locales sur des pathologies très complexes de l’enfant et de la femme et construit également des hôpitaux. Les actions menées sont donc souvent effectuées en ville, en capitale. C’est donc une problématique inverse qui se pose en comparaison avec PUI et SI : comment faire en sorte que les populations puissent accéder aux offres de services et de soins que notre ONG apporte ? Dans de nombreux pays il y a énormément de barrières qui empêchent le déplacement des populations jusqu’à nous.

Il y a évidemment des problématiques de sécurité (Mali, Burkina etc…) : comment se déplacer en toute sécurité dans un contexte complexe ? Il faut trouver des parades pour faire venir les populations. Des problématiques économiques se posent aussi : par exemple au Liban, la prise en charge des frais de transport pose souvent des problèmes, l’essence coûte cher, etc… En Afghanistan on opère gratuitement 400 enfants par mois mais c’est uniquement parce qu’on prend en charge leurs frais de transport, sinon ils ne pourraient pas venir. Des barrières administratives existent aussi au Liban ou en Jordanie où les réfugiés syriens ont de grandes difficultés pour se déplacer du fait de leur statut. Enfin des problématiques sont liées à l’ethnie ou au genre : par exemple en Afghanistan, certaines ethnies sont plus vulnérables et moins soutenues par les autorités en place ; au niveau du genre, les femmes qui viennent bénéficier de chirurgies ou qui viennent accoucher doivent être accompagnées d’un homme majeur, ce qui ne facilite pas l’accès aux services proposés par les ONG. On travaille aussi dans des pays où l’Etat est très fragilisé, comme en Irak où le pouvoir central est à Bagdad mais il y a zones contestées avec des pouvoirs locaux, en opposition totale. Par exemple, nous travaillons dans la plaine de la Ninive, une région qui a été particulièrement détruite par Daesh et où les autorités centrales et locales sont en désaccord sur certains sujets en lien avec notre action. Nous devons donc en permanence trouver des parades pour permettre aux personnes d’accéder à nos services et à nos soins en surmontant ces obstacles.

Nathalie de Sousa Santos, Photo CHD / Besnard

Alain Boinet : Merci, Anne Panel, tu représentes une association de coopération internationale de développement agricole, comment cette question se pose-t-elle pour les ONG de développement ?

Anne Panel : Fert est en effet une ONG de développement, de développement agricole donc qui intervient dans un contexte très rural. Je vais prendre l’exemple du Burkina Faso, où nous sommes nombreux à intervenir. Il s’agissait d’un terrain très calme où l’on pouvait se déplacer facilement. Fert y effectuait des activités de développement avec les agriculteurs. Puis en 2015-2016, malgré la montée de l’insécurité, le conseil d’administration de notre organisation a souhaité continuer d’accompagner les agriculteurs. L’enjeu et le leitmotiv ici étaient de ne pas se mettre en danger et de protéger tout le monde, autant le personnel de l’association que les techniciens et les agriculteurs locaux. Les techniciens qui allaient sur le terrain étaient particulièrement ciblés donc nous avons inversé nos façons de faire en demandant aux agriculteurs de venir. Les agriculteurs devaient beaucoup se déplacer pour venir en formation, nous avons quand même mis leur vie en danger, il y a plus d’accident de la route des agriculteurs à moto qu’avant. Cependant c’était la solution la plus efficace pour continuer à travailler avec eux. Nous avons continué d’innover, avec le numérique notamment pour faire du développement agricole par l’utilisation de WhatsApp pour faire les formations.

A cela s’est ajoutée récemment une nouvelle difficulté. Le coup d’Etat au Niger a engendré une suspension de l’aide publique au développement française au Niger et au Burkina. Rien à voir en apparence, mais les conséquences sont les mêmes ; alors même que Fert voulait s’adapter à ces territoires et à ces nouveaux défis on nous retire les moyens issus des fonds publics. Encore une fois, l’ONG doit faire preuve d’adaptabilité et se tourner vers les fonds privés pour pouvoir continuer de conduire ses actions de développement. C’est nouveau pour une ONG de développement comme Fert qui intervient dans des pays « tranquilles », de devoir autant s’adapter. Nous avons aussi vu arriver sur les zones où nous travaillions d’autres acteurs comme PUI, ce qui n’était pas dans nos habitudes. En ce sens, la CHD a beaucoup aidé, le réseau a permis de communiquer avec nos pairs dans la même situation et de coopérer avec les acteurs de l’humanitaire qui arrivaient dans la zone. Nous avons pu ainsi collaborer sachant que Fert avait développé sur ces territoires un savoir-faire et des connaissances qui ont servi aux acteurs humanitaires.

Alain Boinet, Justine Muzik Piquemal, Nathalie de Sousa Santos, Photo CHD / Besnard

Alain Boinet : Merci Nathalie.  Anne, nous allons maintenant aborder le sujet du Nexus humanitaire développement. Comment peut-on gagner en complémentarité entre organisations distinctes ? Le cas du Burkina Faso est un bon exemple puisque certaines ONG y ont des programmes « Nexus humanitaire développement » sur des budgets de 5 millions d’euros avec des partenaires internationaux. A la suite du coup d’Etat au Niger, l’AFD a décidé d’interrompre ses financements sur un programme en cours… Donc le Nexus sensé accompagner les populations de l’urgence à la reprise d’activités génératrices de revenus est fragilisé. La grave dégradation de la situation, l’action des groupes armés qui veulent renverser le pouvoir, fragilise dangereusement les conditions de vie de la population. La complexité c’est donc aussi de toujours se battre pour l’accès, avec des risques non seulement sur le terrain en matière de sécurité des équipes mais aussi de désengagement possible des financements.

Dans ce type de contexte, quelle complémentarité construire entre humanitaire et développement et quels liens tisser avec les populations locales et les acteurs locaux (ONG-OSC locales, services publics, entreprises) sur le terrain ?

Justine Muzik-Piquemal : D’abord, je suis de la génération LLRD (lien urgence-réhabilitation-développement) qui date d’avant le Nexus humanitaire développement. Dans le cas de SI, l’arrivée dans les pays se fait toujours au moment d’un choc, imminent ou en cours, dans l’urgence. Nous n’arrivons pas dans une perspective de travailler dans l’urgence sur le long terme, nous sommes peut-être plus urgentistes que d’autres ONG. Nous pensons que la réponse à long terme se pense dès l’arrivée.  Donc le terme de Nexus ne s’emploie pas souvent car l’ONG fait le lien dès que nous arrivons. En effet, cela fait presque 40 ans que nous sommes en Afghanistan… depuis notre création. Nous sommes en RDC depuis 22 ans, en arrivant sur cette crise, nous y sommes restés. Parfois, la crise persiste, s’enlise et peut devenir une crise longue avec des problématiques de développement, dans les camps de déplacés ou réfugiés particulièrement. Au bout de 2 à 3 ans, on ne déplace pas des personnes qui se sont tout juste réinstallées. Le terme de Nexus nous sert plus en termes de marketing auprès des bailleurs qu’au quotidien. En apportant des réponses à Ebola avec PUI en RDC, si SI intervient pour refaire un réseau d’eau, comme c’est arrivé il y a 3 ans, nous concevons des infrastructures destinées à durer bien plus que 6 mois au-delà de l’urgence. Autant que faire se peut, SI met en œuvre des activités durables, qui peuvent parfois s’apparenter davantage à des activités de développement que d’urgence. Par exemple, un réseau d’eau a été construit pour la crise Ebola avec des matériaux et contenances d’eau adaptés pour être durables, en accompagnant la régie des eaux de la RDC. Une fois la crise terminée, les réseaux restent et fonctionnent. C’est le cas également au Soudan où nos équipes d’urgence distribuent pour l’instant des seaux et du savon mais négocient déjà pour envoyer des semences et éviter qu’on se retrouve avec une famine de niveau 5, qui risque tout de même d’arriver, mais nous travaillons déjà avec les agriculteurs et avec les forces armées, pour leur demander de ne pas redétruire nos installations car les gens en ont besoin.

Pour ce qui est de travailler avec la société civile, nous ne rentrons pas dans un pays sans rien dire à personne donc nous travaillons évidemment avec elle. ECHO vient de sortir une nouvelle guideline nous disant de travailler avec des ONG locales, les Américains nous recommandent la même chose… Honnêtement, nous travaillons avec les ONG locales depuis notre création. En Afghanistan on travaillait avec les ONG locales, avec les gouvernements, talibans ou non. Je réitère l’importance de travailler avec les ONG et autorités locales car ce sont eux qui expriment les besoins, nous n’imposons pas notre idée des besoins, et qui nous procurent les accès.

Nous sommes obligés de travailler avec des ONG locales mais en termes d’urgence pure pour être très honnête quand je suis rentrée au Darfour mi-juin, nous étions deux femmes françaises de SI à entrer. Nous avons échangé avec nos collègues d’ONG locales avec qui nous travaillions avant pour leur dire que nous entrions et ils nous ont dit d’y aller d’abord sans eux avant qu’ils s’engagent à venir ou non avec nous par la suite. C’est tout à fait normal, car les équipes locales sont des victimes directes qui craignent les groupes armés qui sont dans leur zone. Ainsi, pour l’urgence pure, il est parfois compliqué de partir avec les ONG locales et de travailler directement avec elles mais elles doivent rapidement être impliquées par la suite. La réponse d’urgence est apportée plus souvent par des ONG internationales ou des ONG locales qui ne sont pas victimes directes. Forcément, nous travaillons très rapidement avec des groupements d’agriculteurs, des hôpitaux, des groupements de pêche (au Mozambique par exemple) … L’idée est toujours d’avoir une vision globale et de ne pas aider une seule personne au détriment des autres.

Je fais partie de la génération qui pense que les Nations Unies doivent arrêter de nous pondre de nouveaux termes tous les trois ans : LLRD, Nexus, le terme va certainement bientôt changer à nouveau… on parle déjà du « continuum ». Il est surtout important de toujours réfléchir à l’action humanitaire et sa mise en œuvre : que va-t-elle devenir dans 10 ans ? dans 15 ans ? dans 30 ans ? Le principe de neutralité des ONG internationales leur impose déjà de travailler avec tous les acteurs, nous allons forcément travailler avec les personnes qui sont en face de nous, qu’il s’agisse d’imans, de prêtres, d’évangélistes… nous allons les écouter et travailler avec tout le monde.

Justine Musik Piquemal, Alain Boinet, Photo CHD / Besnard

Alain Boinet : Merci Justine. Olivier, en écho aux propos de Justine, quelle est votre expérience et vos modalités d’action ?

Olivier Routeau : La question du continuum de l’humanitaire vers le développement est également présente chez PUI, mais j’aimerais parler également du fait qu’il faille parfois penser au Nexus inversé. Je pense à des zones qui, comme l’évoquait Anne, étaient très calmes et dans lesquelles il faut parfois savoir revenir à des logiques d’urgence. Nous passons notre temps à faire ça. Pour PUI la porte d’entrée dans un pays ou dans une zone reste forcément urgentiste, mais il faut toujours avoir une démarche pertinente le plus vite possible. Nous savons que les premières réponses urgentistes n’auront pas de pérennité, nous essayons de les inscrire dans des contextes plus durables. Mais cette recherche rapide de pérennité est parfois compliquée par certains enjeux auxquels les ONG sont confrontées et qui les dépassent. Par exemple, en Afghanistan PUI aimerait, comme elle le fait dans la plupart des territoires, inscrire ses unités mobiles médicales dans le système de santé et contribuer en même temps à renforcer directement ce système. En fonction des bailleurs de fonds qui nous financent nous sommes plus ou moins incités à faire du fixe ou du mobile. Le problème réside dans le fait que les structures mobiles sont très pertinentes quand les structures de santé fixes sont inaccessibles, éloignées etc… Mais il n’est pas durable de ne pas inscrire ces unités mobiles dans le système. Nous essayons d’utiliser les différents guichets disponibles pour offrir la réponse la plus cohérente.

Deuxième exemple, à l’inverse il y a aussi des endroits où se pose la question de la présence des ONG humanitaires. Nous restons dans les zones où il nous a été très difficile de gagner l’accès. PUI est présente à Gaza, une zone qui peut être par moments plutôt calme. Pourquoi une ONG d’urgence intervient-elle à Gaza ? Nous y développons même des programmes qui peuvent paraitre extrêmement paradoxaux, même si nous en sommes assez fiers, sur la conservation du patrimoine d’un site appelé Saint Hilarion, qui nous permettent de faire de la formation, de la réinsertion professionnelle, du tourisme etc… que fait PUI là ? En réalité, il y a plusieurs logiques car ces territoires sont très compliqués. Ces programmes nous permettent d’être en contact avec des jeunes sur place et surtout d’être présents sur le terrain et d’intervenir rapidement lorsque les cycles d’urgence se produisent à nouveau (NB : et l’actualité nous en a fait une criante démonstration). Nous savons qu’il y a des bombardements massifs tous les 3 ans et nous sommes alors présents. Nos unités d’urgence, qu’elles soient médicales ou autres, peuvent intervenir dans un délai qui serait impossible à tenir si nous partions dès que la situation était stabilisée.

Olivier Routeau, Photo CHD / Besnard

Alain Boinet : Merci, Anne.  Avec Fert vous développez 22 projets dans une dizaine de pays. Tu as pris l’exemple du Burkina mais il y a aussi des Etats en paix, plus calmes où la notion d’accompagnement, de projet et de partenariat est essentielle, comment la question se pose-t-elle dans cette relation avec l’humanitaire et surtout avec les acteurs locaux ?

Anne Panel :  Pour faire bref, 5 thèmes sont à aborder par rapport à l’action de Fert avec les acteurs locaux. Le premier est l’initiative, la CHD en est une fervente défenseuse. Qu’est-ce que l’initiative finalement ? Je pense que nous partageons tous la vision que ce n’est pas l’initiative des ONG. C’est celle des familles, des populations, des agriculteurs qui ont un besoin auquel les ONG vont répondre e les accompagnant.

Ensuite vient la notion de projet. De quel projet parle-ton ? Des projets de Fert, de la Chaine de l’Espoir ou de PUI ? Nous ne pensons pas à cela, nous pensons accompagner le projet de ces mêmes acteurs qui ont eu des initiatives et qui a un moment donné s’organisent pour construire un hôpital, une coopérative agricole ou même pour l’accès à l’éducation de leurs enfants. Par exemple à Madagascar, on y travaille depuis 40 ans et ce sont bien les paysans malgaches qui ont eu pour projet la formation de leurs enfants. Là, nous les accompagnons.

En troisième me vient la notion de partenariat. Nos interventions sont uniquement en partenariat car c’est l’essence même de l’accompagnement de ces acteurs. Le partenariat va plus loin que seulement accompagner ces projets-là, c’est de l’échange de pairs à pairs avec des corps de métiers. L’IECD fait cela : aller chercher des compétences métier pour accompagner d’autres compétences métier, à l’instar également d’Apiflordev, en apiculture. Cette notion de partenariat est autant dans l’échange Nord-Sud, Sud-Sud que Sud-Nord et les acteurs s’enrichissent mutuellement de ces échanges.

La quatrième notion est celle de la durée, qui est peut-être spécifique au développement à l’origine, mais qui concerne aussi l’humanitaire à vous entendre. En effet, le partenariat doit être capable de durer car le développement prend du temps et n’est pas linéaire. Combien de fois avons-nous fait des allers-retours à cause de l’évolution du contexte ?

Enfin le dernier thème est la localisation de l’aide, le dernier thème à la mode. Je ne suis pas sûre de l’avoir totalement compris mais pour moi c’est une injonction à aider directement les populations car c’est plus efficient. Mais si on regarde les sujets abordés précédemment, c’est faire fi du partenariat, de la durée, des échanges, du partage de connaissances et des enrichissements mutuels permis par le partenariat. Donc je ne suis pas opposée à la localisation qui peut être pertinente mais qui doit être conçue au cas par cas. Les enjeux du changement climatique par exemple, sont globaux. Ce n’est pas en localisant l’aide dans un pays que le problème global que nous devons collectivement prendre en charge sera résolu.

Alain Boinet : Merci Anne. La question de la localisation pose finalement la question du partenariat et de la complémentarité entre des acteurs locaux et internationaux. C’est ce qui est au cœur d’un débat qui ne doit pas exclure la solidarité internationale et l’apport de compétences. Dans les pays où nous intervenons nous ne sommes pas chez nous et la finalité de notre intervention est le secours à ces populations, que ce soit avec l’humanitaire ou le développement. C’est au service de cela que nous sommes. Mais nous avons des responsabilités à inclure dans nos actions. Nathalie, pour une ONG de santé qui construit parfois des hôpitaux, comment la situation se présente-t-elle entre la prise en charge dans l’urgence de blessés de guerre et les situations de développement, voire de construction d’infrastructures hospitalières, comment cela se passe-t-il avec les interlocuteurs locaux et les pouvoirs en place ?

Nathalie de Sousa Santos : Avant de parler de la construction des hôpitaux, j’aimerais parler d’un sujet qui me semble au cœur de nos débats : la question du temps. Quand j’ai commencé à travailler dans la solidarité internationale, on disait que les interventions d’urgence devaient répondre à un tremblement de terre, à une guerre, pour des projets de 6 mois à un an, quand par ailleurs, les programmes de développement sont là pour 4 à 5 ans au moins.

Tu nous l’as dit Justine, les choses ont changé : des ONG d’urgence sont sur le terrain depuis parfois 40 ans. Pour nous, ONG qui travaillons sur des projets longs comme la formation en chirurgie pédiatrique complexe et sur des projets de construction, l’idée n’est pas d’intervenir dans des pays totalement instables à l’origine. Votre porte d’entrée (dans l’urgence) est le temps de la crise ; nous, notre porte d’entrée naturelle est possible quand les choses sont stables et qu’on peut développer des projets sur le long terme, de développement. Nous pouvons ainsi développer la chirurgie pédiatrique, la chirurgie cardiaque, cela prend 5 à 10 ans. Nous faisons aussi du management hospitalier : on transfère des compétences de gestion hospitalière, et on estime arriver au bout du processus en 10 ans. Or, les contextes étant fortement changeants, ces 10 ans de stabilité sont rarement atteignables. Ils sont émaillés de crises de santé dues à des tremblements de terre, de coups d’Etat etc… Donc on n’a jamais cette stabilité longue du projet.

En arrivant à la Chaine de l’Espoir, je me rappelle qu’avant la crise syrienne au Liban, nous envoyions des chirurgiens cardiaques irakiens se faire former au Liban. Nous avions un partenariat avec les hôpitaux libanais pour cela, mais au moment du déclenchement de la crise syrienne, on nous a indiqué que les chirurgiens irakiens n’étaient plus la priorité car il fallait s’occuper des Syriens. Les Libanais ont dû se recentrer sur leurs problématiques internes. Puis est arrivée la crise libanaise où il a fallu financer en priorité l’accès au soin des Libanais eux-mêmes, du fait de l’augmentation des prix des transports. Nous sommes en continuelle adaptation dans les projets. Ce que je revendique donc ce n’est pas de travailler pour une ONG de développement, mais pour une ONG de santé, qui vient apporter une réponse, la plus efficace possible, dans le cadre de notre mandat et avec ce qu’on sait faire, aux besoins du jour et de la période. Nous nous adaptons donc en fonction des besoins de développement ou des besoins plus urgents.

Je vais prendre aussi l’exemple de l’Afghanistan. On a construit un hôpital pédiatrique et de santé maternelle en 2005 et nous en sommes toujours gestionnaires, après avoir fait beaucoup de formation et développé de la chirurgie de très haut niveau dans cet hôpital pendant quinze ans. Puis sont arrivés les talibans. Nous nous sommes demandé quoi faire. Il faut savoir que le conseil d’administration de l’hôpital est géré par 4 administrateurs que sont la Chaine de l’Espoir, le réseau Agha Khan, l’État français et l’État afghan. Donc du jour au lendemain, le 15 août 2021, deux partenaires au sein du CA : l’Etat français et l’Etat afghan, avaient l’incapacité de travailler ensemble officiellement. Nous, de notre côté, nous nous demandions si nous pouvions travailler avec les nouvelles autorités locales. Nous avions alors un gros projet de développement pour un hôpital d’adultes, plus grand et avec d’autres équipements, pour un budget de 50 millions d’euros : il a été mis en suspens. Finalement, nous avons décidé de rester en Afghanistan car les médecins et infirmières locaux nous ont demandé de rester. La présence française est très symbolique et importante pour les protéger et leur permettre de travailler. Ensuite nous avons eu un afflux de nombreux patients qui ont pu se déplacer des provinces jusqu’à Kaboul (grâce à l’amélioration de la sécurité sur les routes) et qui sont arrivés en masse en ayant besoin de chirurgies et de soins, mais pas assez d’argent pour payer. Plutôt que de faire des formations au management hospitalier ou du transfert de compétences, il fallait financer les opérations. Dans cette situation, nous sommes passés de financements de l’agence française du développement (AFD) à des financements du Centre de crise et de soutien (CDCS). Nous nous sommes adaptés aux priorités du moment. Nous avons même ouvert au sein de l’hôpital un centre de nutrition, et quand Éric Cheysson et moi avons dit au CA qu’il fallait ouvrir cette unité, cela semblait incroyable dans cet hôpital de niveau tertiaire. Cependant, les personnes qui arrivaient étaient tellement dénutries qu’elles ne pouvaient même pas être opérées, donc il nous fallait absolument cette unité de nutrition. Il faut renutrir les femmes et enfants avant de les opérer, ce qui montre que nous sommes en permanence en train de naviguer entre de l’urgence et du développement.

Pour ce qui est de la collaboration avec les acteurs locaux, nous trouvons des associations qui travaillent en amont et en aval de notre champ d’action : sur du dépistage, de la prévention, du suivi de patients. Cependant dans le domaine de la formation des chirurgiens, nous n’avons pas trouvé beaucoup d’organisations similaires à la nôtre. Au Mali, nous avons rencontré un chirurgien plastique malien qui travaille sur les becs-de-lièvre notamment et qui a créé son association. Les bailleurs nous ont dit que dans ce cas, plutôt que de financer la Chaine de l’Espoir, ils allaient financer cette association. Pourquoi pas ? Cette association a une expertise chirurgicale de haut niveau, ce qui est déjà très bien, mais pas du tout d’expertise en gestion de projet, en gestion de financements etc… Donc l’association malienne a fini par nous demander une prestation technique pour les aider dans la gestion de projet.

Pour moi la situation est en permanence de l’urgence, du développement, toutes sortes de crises… Finalement en face de nous, nous avons des populations vulnérables et nous faisons tous, je pense, le même métier.

Alain Boinet, Justine Muzik Piquemal, Nathalie de Sousa Santos, Anne Panel, Photo CHD / Besnard

Alain Boinet : Merci Nathalie, voilà une belle transition vers notre troisième séquence qui est celle des pistes. Avez-vous des solutions à présenter pour relever ces défis ? Ce sont des défis d’aujourd’hui mais également des défis d’avenir. Sommes-nous prêts face aux défis ? Comment faire ?

Olivier, dans une tribune récente tu parlais des doubles injonctions des bailleurs qui sont contradictoires et assez paralysantes. Comment dépasser ou résoudre ces injonctions contradictoires, dont certaines se sont exprimées dans cette table ronde ?

Olivier Routeau : D’abord il y a un moteur : revenir à l’essence même de notre métier. Pourquoi menons-nous ces actions, par rapport à nos histoires et nos parcours ? Effectivement, ces injonctions sont souvent « indignantes », parfois éreintantes mais ce qui peut nous amener à les dépasser c’est de retrouver le sens de l’action. Nous sommes dans une nouvelle forme de dépassement des frontières. Il y a toujours plus de barrières, qu’il s’agisse de rapports à rédiger, de contradictions, des suppressions d’aides au développement… L’humanitaire doit toujours réinventer la porte d’entrée pour répondre à une crise, même si les financements sont retirés, même si les bailleurs mettent des barrières… c’est l’essence même de notre métier. Il faut continuer à chercher des partenariats, à illustrer notre travail. Souvent ces injonctions sont enrobées d’une soi-disant vertu éthique : la conformité sert à la redevabilité, à la transparence. Or ce n’est pas le nombre de rapports qui renforce la bonne utilisation des fonds. Notre travail est de revenir aux mandats et aux principes : délivrer l’assistance aux personnes qui en ont besoin. Il y a une disparition de l’action, un jour on ne nous demandera même plus de faire des projets mais seulement des rapports sur des projets. C’est caricatural, mais ayant fait des centaines d’audits et de rapports je n’ai pas vu beaucoup de bailleurs venir voir ce que nous avions fait sur le terrain, pour plein de raisons évidemment, comme la sécurité. Il faut donc en parler plus. Le nombre de personnes qui côtoient vraiment les personnes récipiendaires des actions diminue. Nous devrions remettre sur le devant de la scène les actions, tous les projets que nous avons menés les uns et les autres depuis 40 ans à l’occasion de l’anniversaire de la CHD. C’est ça qui nous sauvera.

Alain Boinet : Anne, dans le développement agricole comment la question de la durée de l’action se pose-t-elle ?

Anne Panel : J’avais un président, agriculteur bien sûr, qui disait que le développent agricole est particulièrement long car un agriculteur qui a 60 ans n’a pris que 30 ou 40 grandes décisions dans sa vie. Il a semé et ensuite il a récolté ; une longue durée s’écoule avant de voir les conséquences de ses choix. Le développement agricole prend du temps. Il faut donc de la continuité et de la durée auxquelles les financements (privés ou publics) doivent s’adapter. Nous avons de la chance que l’AFD ait changé son référentiel, en tout cas pour la division OSC car avant nous avions uniquement des projets de 3 ans, maintenant c’est 3 fois 3 ans, ce qui permet de penser les choses de façon plus longue. Il faut l’encourager avec tous les partenaires. En revanche, dès que quelque chose va mieux on nous rajoute des contraintes : plus de procédures complexes, plus d’audits et de rapports sans intérêt. En quoi un auditeur étranger serait-t-il plus efficace qu’un auditeur local, qui connait parfaitement les « magouilles » du pays ? On nous demande pourtant d’avoir un auditeur global et de ne pas faire d’audits séparés. En tant qu’acteurs de terrain nous connaissons les réalités, ce qui marche ou non mais nous n’avons pas de dialogue possible sur ces sujets-là, pour rendre l’action plus pertinente.

Alain Boinet, Nathalie de Sousa Santos, Anne Panel, Olivier Routeau, Photo CHD / Besnard

Alain Boinet : Merci pour ces propos sur les audits car nous connaissons tous cette épidémie. Au-delà de la nécessité indiscutable de bonne gestion, plus la situation est difficile sur le terrain, plus les bailleurs nous complexifient la tâche, ce qui va finalement à l’encontre de l’efficacité. C’est un vrai sujet. Evidemment, comme ce sont les bailleurs qui financent les programmes que nous leur proposons, c’est compliqué et notre rapport est biaisé. De plus, ils appliquent scrupuleusement le principe de précaution pour se protéger, la grande philosophie de notre époque, alors que nous prenons des risques nécessaires pour secourir des populations en danger. Donc ce n’est pas le même métier et ce n’est pas facile de se faire comprendre non plus.

Nathalie, vois-tu des pistes pour surpasser les difficultés, faire mieux et être plus efficace ?

Nathalie de Sousa Santos : Je n’ai pas la prétention d’avoir des solutions à apporter, je suis comme vous. Je pense qu’au quotidien, nous essayons tous d’avoir une facilité d’accès, une agilité, une flexibilité. Effectivement il faut que les bailleurs, comme vous l’avez tous dit, et les autorités françaises notamment, nous entendent sur ces questions et soutiennent les humanitaires dans ces initiatives.

Les contraintes administratives sont très lourdes. Il existe par exemple un nouveau débat sur le criblage des bénéficiaires, qui n’est pas une question simple et que nous avons en permanence à l’esprit. Oui, nous en Afghanistan, nous soignons des talibans, leurs enfants et leurs femmes. Ce ne sont pas des situations simples mais c’est ce que nous devons faire. Demain, nous devons pouvoir donner accès au soin à ces personnes. Le poids de ces contraintes administratives doit arrêter de peser. Le paradigme humanitaire-développement aussi doit être remis en question. Les financements ne doivent plus être pensés selon cette distinction mais être articulés de façon bien plus souple et agile. Par exemple, les financements de l’AFD qui ne sont plus possibles aujourd’hui en Afghanistan parce que la France ne soutient pas le développement de l’Afghanistan, sont remplacés aujourd’hui par ceux du CDCS. Cependant sur des « queues de comètes » de financement de l’AFD que nous voudrions utiliser, on nous dit que c’est peut-être possible mais selon des procédures complexes, en passant par le CDCS qui redistribue… Il y a évidemment des raisons politiques et diplomatiques qui nous échappent mais cela nous prend donc un an à négocier l’utilisation de financements, qui en plus sont déjà dans nos caisses.

Je pense en revanche que la CHD doit pouvoir nous aider en représentant beaucoup d’ONG, car elle a une force de frappe. Elle doit travailler sur la flexibilité des bailleurs et peut-être demander des pools funds comme les Nations Unies et OCHA avec des financements un peu mêlés pour différents secteurs car un jour nous sommes dans le développement, le lendemain dans l’urgence, un jour nous travaillons avec PUI, le lendemain avec Fert, mais sur les mêmes populations.

Je pense aussi, vous avez peut-être le même sentiment, que nous sommes des acteurs d’ONG et que quand les ONG sont attaquées ou dans des situations difficiles, nous sommes solidaires et tous en fragilité. Quand, au Mali, les ONG françaises sont perçues avec une certaine coloration, quand il y a des campagnes de presse en Jordanie à l’encontre des ONG, quand en Afghanistan les ONG d’éducation sont frappées de plein fouet, nous avons tous envie d’être solidaires, peu importe notre ONG. Nous savons que si notre voisin est ciblé, nous allons l’être demain. Même si nous travaillons sur un aspect de la vie des populations, de toute façon, si les bénéficiaires manquent de nourriture, de développement agricole, nous ça ne sert à rien que nous les soignions. Donc les bailleurs doivent nous considérer ensemble et avoir des financements beaucoup plus souples.

Alain Boinet : Merci Nathalie, Justine tu as le privilège mais aussi la lourde tâche de conclure.

Justine Muzik Piquemal : Il me reste à souligner un grand absent de la discussion aujourd’hui. Il s’agit des Nations Unies (UN). Les Fonds UN jouent un rôle important au regard des problématiques exposées. Par exemple les audits des financements internationaux sont souvent très lourds, pour des bouts de chandelle, les coûts supports (voitures, maisons, salaires…) sont très peu financés. Idem pour les salariés nationaux, qu’on ne peut pas financer. Ils nous posent aussi des problématiques d’accès humanitaire, quand nous parlions de la complexité des pays, au Darfour par exemple on leur explique qu’il ne faut pas y aller en escorte armée parce qu’ils commettent la même erreur depuis trente ans et que ça n’envoie pas le bon message. Pourtant, le personnel onusien vient au Darfour avec des escortes armées ! Payées en plus deux fois plus cher à cause de l’inflation qui a eu lieu pendant la guerre…

Je suis très mauvaise sur les UN car je rencontre de moins en moins de personnes qui ont envie de faire avancer le système, mais de plus en plus qui bloquent les ONG sur les accès humanitaires, sur le développement. Quand vous allez voir la FAO pour des semences et que vous en obtenez des périmées, avec des charançons, en entendant : « ils peuvent les manger s’ils veulent » … Un des sujets que la CHD doit porter plus haut est le fait qu’on ait tous des problèmes avec au moins un des bureaux des UN. Ils ne sont pas au centre du monde, ni nous, ni eux, il faut remettre les bénéficiaires au centre.

Mon second point est de ne pas oublier que l’on travaille pour des êtres humains. Les gens oublient cela dans les bureaux à Paris, à New York. Je pense qu’il faut rappeler tout le temps que les gens qui sont en face de nous sont des êtres humains, peu importe qu’ils soient talibans, arabes, masalit, juifs, musulmans, sans religion… la priorité est de répondre à leurs besoins ou à leurs initiatives en termes de développement.

Mon dernier point concerne la solidarité entre nous, les ONG internationales et nationales avec lesquelles on travaille et la transparence dans les actions qu’on mène. Nous avons le droit à l’erreur, une ONG locale peut commettre autant d’erreur qu’une ONG internationale. Le plus important est de se soutenir et d’être transparents entre nous. Toutes les activités que toutes les ONG font dans monde ont forcément un impact sur les autres. Déjà parce que nous travaillons tous avec des êtres humains mais aussi parce que notre réputation tient toujours à un fil. Nous sommes toujours attendus au tournant donc il faut toujours être transparents, apprendre de nos erreurs, les transmettre, faire des points quand on travaille dans un pays, se prévenir, comme dans ton exemple, Anne, au Burkina quand des urgentistes arrivent. C’est vrai que nous avons l’habitude de le faire nous, avec des ONG sœurs comme ACF. On a une appétence, c’est aussi très humain car on les connait, mais ce n’est pas parce qu’on ne se connait pas qu’on ne peut pas échanger. Il m’est arrivé récemment, au Mozambique de me faire « gronder » par une ONG française pour la protection des tortues car je relançais la pêche localement… J’ai eu un moment de solitude au téléphone puis nous avons trouvé comment à la fois protéger les tortues et permettre aux gens de pêcher, manger du poisson. C’est une vraie question : plutôt que les projets se rentrent dedans il vaut mieux se téléphoner et trouver une solution : c’est ça la coordination !

Alain Boinet : Merci Justine d’être revenue sur la finalité et les moyens d’y parvenir dans le cadre très concret que tu nous as présenté !

Maintenant l’heure de la synthèse est venue. Elle va nous être proposée par notre ami Alain le Roy. Tu as été Ambassadeur de France à Madagascar et en Italie, Secrétaire général adjoint de l’ONU, chargé du Département des opérations de maintien de la paix, secrétaire général du Service européen pour l’action extérieure (SEAE). J’ai aussi connu Alain Le Roy dans ses fonctions opérationnelles quand il était chargé de la reconstruction de Sarajevo, puis au Kosovo à Pech quand la finalité était de sauver des gens. Il a représenté l’Union Européenne en Macédoine quand elle menaçait de basculer dans la guerre après celle du Kosovo.  Il a donc beaucoup côtoyé les ONG humanitaires et les problèmes de développement. Et il est membre du comité d’experts de Défis Humanitaires. Comme vous le voyez, il n’est pas là par hasard, merci Alain d’être avec nous.

L’ensemble des intervenants du Grand Débat, Photo CHD / Besnard

Alain le Roy : Merci Alain, je crois que la première chose que j’ai à faire c’est un peu de défense de l’ONU et de l’UE. Je m’exprime à titre personnel car je n’occupe plus de position dans ces institutions. L’ONU a des milliers de défauts mais elle est irremplaçable et reste quand même l’organisation la plus légitime. Il y a plein d’endroits où le HCR est très efficace, en Ukraine ou ailleurs. Le PAM, avec lequel beaucoup d’entre vous travaillent, marche quand même bien, idem pour l’UNICEF etc… Pour ma propre chapelle, quand il y a une opération de maintien de la paix dans un Etat, elle est souvent critiquée comme aujourd’hui en RDC ou ailleurs. Elle n’est jamais parfaite, mais on voit aussi ce que ça donne quand elle s’arrête. Quand la MINUSTAH s’est arrêtée en Haïti, un an et demi après, le président de la République a été assassiné et c’est le chaos total. Plus personne n’y va et il y a des problèmes de sécurité majeurs. Quand la MINUSTAH y était, elle était critiquée, quand elle est partie, c’est devenu cent fois pire. Ça serait la même chose en RDC je pense et au Darfour, pareil, il y avait la MINUAD qui protégeait un certain nombre de populations.

En ce qui concerne les propos d’aujourd’hui, un certain nombre d’évidences ont été évoquées : la complexification des crises, la nécessité de plus de flexibilité de la part des bailleurs, j’ai bien entendu ce message-là. Chapeau au travail de la CHD en termes de professionnalisation je n’ai rien à ajouter là-dessus, c’est magnifique.

Il me semble qu’une dimension pourrait être encore développée : il est clair que votre rôle premier est de faire bénéficier les populations de votre appui, mais vous pourriez aussi faire bénéficier davantage les pouvoirs publics, qu’ils soient français, onusiens, européens, voir l’opinion publique à travers les médias, de votre expérience de terrain irremplaçable. Vous êtes les seuls à être sur le terrain aussi près des populations. Je vois plein de domaines où vous pourriez faire encore plus.  Vous êtes les seuls à pouvoir accéder à certaines zones pour des raisons diverses souvent politiques. En Afghanistan c’est le cas, au Sahel : Mali, Burkina Faso ce sont des endroits où les représentants des Etats ne vont plus pour des raisons politiques. Vous pouvez faire bénéficier les pouvoirs publics de votre expérience. Sur la question de l’arrêt d’un certain nombre de financements publics au Sahel, vous pourriez plus montrer l’impact que ça a sur les populations en matière d’éducation. J’entends souvent dire qu’au Mali et au Burkina les populations sont de plus en plus déscolarisées. Il faut témoigner plus fortement de cela. Faire plus réfléchir les pouvoirs publics sur cette décision d’arrêter les financements envers les pays qu’on « n’aime pas ».

Sur la sécurité, c’est vrai que de la part des pouvoirs publics ou de l’ONU, on a ce discours depuis de nombreuses années comme au Darfour, consistant à proposer aux ONG quand elles se rendent dans des zones très dangereuses de les escorter. Nous comprenons très bien le refus des ONG qui souhaitent montrer leur indépendance, mais il faut voir comment cela peut être fait au cas par cas.

Vous pouvez également aider les pouvoirs publics dans le domaine de la santé grâce à votre expérience de terrain. Un des grands débats que j’entends chez les bailleurs et en France auprès des pouvoirs publics, est celui qui réside entre ceux qui défendent des fonds verticaux, fondation Gates, fonds mondial sida-tuberculose-paludisme et ceux, comme la politique du gouvernement français, qui comprennent l’utilité des fonds verticaux certes, mais souhaitent plutôt développer les infrastructures de santé de base. Votre expertise là-dessus serait la bienvenue pour déterminer ce qui marche mieux.

Au niveau de l’éducation aussi, vous pourriez plus faire bénéficier de ce que vous voyez. On le voit au Liban avec les réfugiés syriens dont le taux de scolarisation est extrêmement faible. On le voit au Sahel où, je l’ai dit, le taux de déscolarisation est très important. Vous voyez les besoins tous les jours.

Alain Le Roy, Photo CHD / Besnard

Autre débat sur ce qu’on appelle la substitution : là je sens bien qu’il y a eu beaucoup d’évolutions et que vous êtes à la pointe de ce combat-là. Fert ici est un très bon exemple, ce n’est plus « faire à la place » c’est rendre plus autonomes les agriculteurs. Ce que vous faites à Madagascar, j’en parlais avec Denis Castaing tout à l’heure, c’est un très bon projet. Par votre adaptabilité vous pouvez plus nous dire ce qui marche ou non.

Sur l’aspect du financement, le dernier CICID du 18 juillet a dit qu’on allait arriver à la cible d’un milliard d’euros en 2025 pour l’appui à l’aide humanitaire, c’est un vrai progrès par rapport à là où nous étions. Mais en pourcentage de l’APD cela reste très faible, j’en discutais avec Alain Boinet, on reste à 5-7% là où la moyenne européenne est à 13%. Sur ce domaine vous pouvez faire connaitre l’importance de l’augmentation de pourcentage.

On arrive enfin à Coordination Sud, qui est très connue des pouvoirs publics et qui joue un rôle irremplaçable. En tant qu’ONG opérationnelles de terrain je comprends que vous souhaitiez que Coordination Sud fasse du plaidoyer en faveur des ONG opérationnelles mais il faut que Coordination Sud le fasse aussi sur d’autres d’aspects. Elle pourrait faire plus de plaidoyer général, certains d’entre vous ont la crainte que cela soit fait au détriment du plaidoyer pour les ONG opérationnelles, il faut donc renforcer ses moyens. N’hésitez pas à renforcer les moyens de Coordination Sud pour qu’elle ait une encore plus grande force de frappe.

Vous avez aussi parlé d’emploi des jeunes : un sujet très important. Les pouvoirs publics en sont aussi conscients. Par exemple, en Afrique il y aura 450 millions de jeunes qui vont arriver sur le marché de l’emploi d’ici 2050. Le FMI estime que seront à pourvoir seulement 250 millions d’emplois pour le moment. D’où le grand enjeu de la formation professionnelle. Est-ce que les réponses que les grands bailleurs essaient de mettre en place, comme l’Alliance pour l’entreprenariat qu’on a lancé pour aider les TPE en Afrique fonctionnent ? On a lancé cela avec la SFI, la filiale pour le secteur privé de la Banque Mondiale. Il y a un retour à faire aux pouvoirs publics.

L’Union Européenne ne demande pas que des rapports d’audit, elle a aussi développé l’initiative Investing Business Union in Africa pour aider des jeunes entrepreneurs en Afrique, à vous de nous dire si ça marche ou si ça ne marche pas. Les remontées de terrains sont essentielles, notamment au travers de la CHD. Ce que vous faites est admirable, vous trouvez les solutions par votre adaptation, sur le terrain, sur la gestion des bailleurs, votre capacité d’adaptation est remarquable. Plus vous ferez connaitre vos expériences plus ce sera précieux pour les pouvoirs publics et pas seulement pour l’AFD mais aussi ECHO et les autres. Ce ne sont pas des monstres qui ne peuvent jamais changer. Ils sont capables de s’adapter même si on sait bien que les grands bailleurs publics sont liés par les parlements, les Cours des comptes etc… c’est plus facile pour des fondations comme Gates de faire preuve de flexibilité. Mais même ces grands bailleurs publics pourraient bénéficier encore plus de l’extraordinaire expérience de terrain que vous avez.

Les membres de la CHD à l’occasion du 40ème anniversaire, Photo CHD / Besnard

Alain Boinet : Merci Alain, tu as évoqué le fait que le Centre de Crise et de Soutien du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères disposera en 2025 d’un budget d’un milliard d’euros pour l’aide humanitaire. En 2009 c’était 9 millions d’euros ! ça ne s’est pas fait tout seul. C’est 15 ans de plaidoyer ininterrompu de la part des ONG, en direction des pouvoirs publics comme d’ailleurs, qui ont permis d’en arriver là. Nous avons joué un rôle majeur. Je pense en particulier au Rapport dit Boinet-Miribel au ministère des Affaires étrangères, Bernard Kouchner.

Je crois que dans toutes les questions dont nous avons parlé ensemble aujourd’hui, une de nos faiblesses, c’est la faiblesse d’un plaidoyer efficace de résultat. Il nous faut renforcer cet aspect sans sombrer dans la la simple posture ou le marketing. Nous devons produire un plaidoyer qui parte des besoins des populations, qui soit convaincant, mais aussi technique et argumenté : il faut apporter des solutions, des propositions, à des gens qui décident et sont souvent dans des bureaux. Ils peuvent penser que ce que nous faisons est bien mais il faut leur apporter des arguments, des chiffres, des preuves. Il faut pousser, il faut tirer, il faut agir. Il faut relayer l’action de terrain mais pas seulement pour les financements, aussi sur les modalités de partenariat. Nous sommes des gens honnêtes et de bonne foi, nous pouvons nous faire comprendre par des gens honnêtes et de bonne foi, même s’ils veulent se protéger.

Je souhaite en votre nom remercier nos quatre intervenants pour leur témoignage, leur réflexion, leur proposition. Cela témoigne d’un réel niveau d’expérience et de maturité de nos organisations. Je souhaite également remercier Alain Le Roy pour son regard et ses recommandations.

Maintenant, nous pouvons passer aux échanges avec le public.

Nicolas Petit, directeur général de Bioport : Bonjour, je voudrais parler de l’intervention. On a parlé de l’accessibilité, de prise d’initiative, de se réinventer, mais je voudrais rappeler une initiative commune à certaines ONG ici présentes : le pont aérien humanitaire, qui a d’ailleurs été baptisé Olivier Mouzay, qui nous a quitté et qui a été secrétaire exécutif de la CHD juste avant Alexia Tafanelli. Un certain nombre d’ONG a réussi à convaincre des bailleurs et l’opinion publique pour mettre en place un pont aérien alors qu’il n’y avait pas d’avions qui volaient. Un peu de positif nous avons encore du ressort et j’ai bon espoir sur le fait que l’humanitaire va continuer de s’adapter et trouver des solutions malgré les turbulences. J’attirerai juste l’attention sur le fait qu’aujourd’hui nous sommes un peu focalisés sur des bailleurs que nous connaissons déjà mais il y faudrait peut-être penser multiplier les bailleurs, aller chercher de l’argent venant de fondations, d’Europe, des Etats-Unis et faire un mix de tout ça avec lequel on pourra peut-être faire bouger certaines lignes.

Alain Boinet : Merci Nicolas, pour information Bioport est une plateforme installée sur l’aéroport de Saint-Exupéry à Lyon, qui fait de la logistique aérienne pour le compte des associations humanitaires, en faisant appel à des personnes en réinsertion. Pour poursuivre sur ce très bon exemple, quand il y a eu le Covid, il n’y avait plus de transport aérien : on ne pouvait pas envoyer de fret, ni de personnel, ni rapatrier… Il y a des responsables humanitaires qui sont allés au Centre de Crise et de Soutien du Quai d’Osay en disant « Il nous faut une solution, c’est nécessaire ». Avec le soutien du CSCS nous avons pu convaincre ECHO et financer 45 vols sur autant de destinations avec 1000 à 1200 personnes, 1000 tonnes de produits de première nécessité. On attendait le PAM, une grosse machine qui ne nous avait pas inclus dans le processus de réponse logistique… Ce qui est important à retenir c’est qu’on a trouvé une solution alternative, ECHO nous a reconnu et aujourd’hui il existe une structure qui s’appelle Hulo. C’est une coopérative, dirigée par des ONG et partenaire du CDCS et d’ECHO sur la mise en œuvre de l’aide humanitaire, en complément de ce que fait le PAM et l’ONU. Parce que c’est plus souple, plus rapide, c’est complémentaire et ça a été rendu possible ! Donc nous ne sommes pas seulement à la remorque des bailleurs et des agences, nous pouvons prendre des initiatives et faire en sorte que l’humanitaire fonctionne mieux. Hulo est un très bon exemple ! En plus c’est une structure qui fait aujourd’hui des achats groupés dans tous les domaines nécessaires pour faire baisser les coûts (ordinateurs, radios, véhicules…). Cela a été créé par des ONG en France et l’internationalisation de la structure est progressive. Nous devons prendre ce genre d’initiative, comme disait Anne, nous ne sommes pas des gens passifs qui attendent des subventions.

Yolaine Guérif, directrice générale de l’association Partage avec les enfants du monde : Je pense que pour trouver les solutions la question de l’implication des société civiles nationales et locales est essentielle, cruciale, centrale. Il ne faut pas juste « travailler avec » mais vraiment partager le pouvoir, les ressources et les décisions. Je pense que là, humanitaires et développeurs nous avons un gros travail à faire, beaucoup à apprendre et nous devons nous remettre en cause dans nos manières de faire en tant qu’ONG françaises et internationales sur ces sujets. Une des solutions pour faire face à ces crises multiples et complexes, qui sont partout, tout le temps est de ne pas rester entre nous, ONG françaises.

Alain Boinet : Un des panelistes veut-il régir sur ce point ?

Nathalie de Sousa Santos : Je veux bien témoigner. Je me souviens de l’ouragan Mitch au Honduras en 1998. A l’époque le Groupe URD était en train de se créer, je travaillais avec Partage, et une ONG locale implantée au Honduras. URD m’avait appelée en me disant « Il n’y a pas beaucoup d’ONG urgentistes qui connaissent le Honduras, ce n’est pas une zone prioritaire pour la France et ses ONG, et vous, vous avez un partenaire là-bas ». On travaillait à l’époque avec une association locale hondurienne depuis un certain temps, qui avait elle-même un réseau de partenaires très importants. Donc l’idée était que cette ONG hondurienne soit l’interlocuteur de tous les urgentistes français qui voulaient apporter une réponse à l’ouragan Mitch. Ça a très bien fonctionné. Notre partenaire local était un partenaire d’éducation, donc il n’était pas non plus armé sur la réponse aux ouragans, mais il avait la connaissance du territoire, de la langue et des populations. Ça a complètement matché et le bénéfice apporté a été énorme.

Alain Boinet : Merci Nathalie.

Anne-Charlotte Dommartin, déléguée du ministère de l’Europe et des affaires étrangères : Aujourd’hui, plusieurs d’entre vous ont abordé la question du criblage. C’est vrai que ça a été un sujet sensible sur les dernières années. Je voulais juste vous dire que le Conseil d’administration de l’AFD a adopté aujourd’hui une décision qui définit de nouveaux mécanismes basés sur une approche par les risques en prenant en compte le principe de proportionnalité. Cela devrait permettre d’avancer de manière plus adaptée aux réalités du terrain, en prenant à la fois en compte la nature des projets et les pays dans lesquels ils se déroulent. Je voulais partager cet élément en lien avec une problématique mentionnée plusieurs fois pour vous dire que nous cherchons à proposer une autre approche et une autre manière d’avancer pour mieux prendre en compte vos manières de faire. Nous serons attentifs à la manière dont l’AFD mettra en œuvre ce mécanisme sachant qu’elle le fait dans l’idée d’être alignée sur les procédures du CDCS que beaucoup d’entre vous connaissent déjà. Nous essayons d’harmoniser et d’avoir des procédures alignées. Nous espérons ainsi vous faciliter un peu la tâche.

Justine Muzik-Piquemal : Merci beaucoup, j’ai donc une question car j’ai suivi avec attention ce point. C’était sur les fonds OSC, société civile et pas sur les fond opérationnels MINKA, sur les fonds longue durée ?

Anne-Charlotte Dommartin : Non, ça s’applique aux deux fonds. C’est pour l’ensemble, c’est une décision qui a été prise en Conseil d’administration de l’AFD pour tous les financements.

Alain Boinet : Merci pour cette précision, qui nous prouve qu’on peut progresser ensemble !

Esther Bitjorka, responsable ressources humaines chez AMAP Humanitaire : J’ai deux remarques. Sur le plan ressources humaines tout d’abord, j’ai un plaidoyer personnel à faire : il faudrait mettre un peu plus de budget pour l’administratif. Nous avons besoin de plus de marge pour soutenir notre personnel qui agit sur le terrain pour secourir les populations. Nous sommes parfois très limités pour leur apporter aussi un encadrement financier. C’est une question de rémunération aussi et d’avantages, pour pouvoir secourir, en survivant. En deuxième lieu, je veux reparler encore de l’importance des partenaires locaux, on entend parfois dire qu’ils n’ont pas les compétences de gestion de certaines choses, des ressources, ils n’ont pas la manière de travailler qu’on attend en termes de gestion de projet. Pour vraiment travailler avec eux, il faut les impliquer à chaque étape et apprendre à travailler comme eux. A la fin, quand nous partons, ils doivent rester avec les projets et c’est d’autant plus important si on veut sortir de l’assistanat. Je vois beaucoup de projets au Cameroun par exemple qui s’arrêtent et je me dis que des millions d’euros ont été enterrés là-bas…

Alain Boinet : Merci pour votre témoignage, nous allons devoir conclure, c’est le moment du cocktail et nous allons pouvoir continuer d’échanger entre nous.

Je remercie les membres du panel et Alain le Roy. Je voudrais conclure en disant que nous sommes dans un changement d’époque, qui va tous nous affecter de plein fouet en tant qu’acteurs humanitaires. Les Allemands appellent cela Zeitenwande, c’est-à-dire un changement d’époque. L’Ukraine l’illustre très bien, sans parler des pays du Sahel. La rupture avec la Russie et la Chine est durable. Elle va durer longtemps, il y a là un conflit potentiel. Sans parler des BRICS qui sont en train de se renforcer et qui veulent avoir plus l’influence, ce qui va changer les relations internationales. Nous avons des problèmes énormes en face de nous, comme le changement climatique et ses conséquences. Nous avons des problèmes énormes, comme le disait Alain tout à l’heure, sur les 450 millions de jeunes africains qui vont avoir besoin d’emploi, l’Afrique va doubler de population en moins de trente ans. Nous sommes beaucoup à intervenir en Afrique. Quand on passe d’un milliard 300 millions à deux milliards 500 millions d’ici 2050… on est en 2023… comment-font-ils ? Et nous, comment allons-nous faire avec eux pour les accompagner face à un changement d’échelle tel que l’humanité n’a jamais connu ? Nous pouvons craindre que cela ne se passe pas toujours très bien. Raison de plus pour agir. Quand on voit la situation à Lampedusa, ce qui n’est que le début d’un mouvement qui va s’amplifier, croyez-moi, cela va être déstabilisateur pour beaucoup. Nous nous avons une vraie responsabilité, en tant qu’acteurs de terrain, qui est d’anticiper ce qui se passe pour être le plus efficace en termes de réponse. Sachant que nous ne sommes pas seuls, qu’il y a beaucoup d’acteurs qui doivent ensemble se coordonner pour répondre collectivement à ces immenses défis.

Pour terminer je voudrais remercier notre ami Patrick Edel, fondateur de la Guilde, du forum d’Agen et de la Coordination d’Agen, sans lequel nous ne serions pas là aujourd’hui. Je voudrais aussi remercier bien sûr au titre de la CHD Xavier Boutin et Thierry Mauricet, coprésidents, et vous tous ici qui êtes présents car la CHD c’est vous ! L’avenir c’est vous, c’est nous, et ce débat doit pouvoir tous nous aider pour faire mieux au service des populations vulnérables ou en danger. Merci Patrick, merci à tous !

 

 

Nathalie De Sousa Santos 

Après des études de finance en école de commerce et quelques années en cabinet d’audit à Paris, Nathalie part au Rwanda puis en Tanzanie avec MSF, au moment du génocide de 1994.

Cette expatriation à un moment si tragique décidera de son engagement dans la solidarité internationale.

De retour en France, elle travaille plus de quinze ans dans une ONG française sur des questions d’éducation, puis rejoint la Chaîne de l’Espoir en 2012, ONG active dans le renforcement des systèmes hospitaliers et de l’accès aux soins des enfants et des femmes. Nathalie en est Directrice générale adjointe.

Par ailleurs, elle est membre du Conseil d’Administration du FMIC, l’hôpital français de Kaboul ; également administratrice de l’Hôpital mère-enfant Dominique Ouattara de Bingerville en Côte d’Ivoire ; et administratrice du F3E à Paris.

Les questions d’éducation de santé des enfants restent ses priorités.

Justine Muzik-Piquemal

Directrice régionale République Démocratique du Congo, République Centrafricaine, Soudan et Mozambique

Juriste en droit des Religions, Justine Muzik Piquemal est en constante formation. Elle a commencé sa carrière dans la négociation pour l’accès humanitaire auprès des militaires d’Etat ou de fait. Elle est aujourd’hui directrice régionale chez Solidarités International et elle suit actuellement RCA, RDC, Soudan et le Mozambique. D’un pays à l’autre, crise après crise, chaque route parcourue lui permet de supporter les équipes à atteindre les personnes les plus vulnérables.

Retrouvez Justine Muzik Piquemal sur Défis Humanitaire : https://defishumanitaires.com/2023/03/31/etre-responsable-geographique-en-2023/

Retrouvez Justine Muzik Piquemal sur le site de Solidarités International : https://www.solidarites.org/fr/en-direct-du-terrain/soudan-cest-un-des-conflits-les-plus-sales-que-jai-vu-de-ma-vie/

Anne Panel

Après une formation d’ingénieur à l’Ecole supérieure d’agriculture d’Angers, Anne Panel a débuté sa carrière en France, au sein d’une organisation professionnelle agricole puis d’un bureau d’études.

En 2001 elle intègre l’association Fert pour une mission de deux ans à Madagascar, puis en tant que chargée de projets Afrique subsaharienne, avant de prendre la direction de l’association en 2007.

Fert est une agri-agence créée en 1981 à l’initiative de responsables d’organisations professionnelles agricoles françaises et d’autres personnalités préoccupées par les problèmes agro-alimentaires des pays en développement. Elle est soutenue depuis 40 ans par les organisations céréalières et est membre de l’alliance internationale AgriCord qui fédère 12 agri-agences de 10 pays.

Anne Panel est Secrétaire Générale de la Coordination Humanitaire et Développement.

Elle est par ailleurs membre, en tant que personnalité qualifiée, du Conseil du Pôle Tropiques et Méditerranée de l’Institut Agro.

Olivier Routeau 

Après un parcours universitaire en droit et sciences politiques, Olivier se forme à la gestion de projets humanitaire à l’Institut Bioforce. Diplômé en 2007, il s’engage sur des missions humanitaires dans différents pays (Centrafrique, Liban, Congo Brazzaville, Tunisie), notamment avec l’ONG Triangle Génération Humanitaire, avant de rejoindre le siège de Première Urgence Internationale à Paris en 2011. Il est d’abord chargé des missions africaines de l’ONG en tant que Desk Manager (RDC, Tchad, Côte d’Ivoire, Sud-Soudan), puis dirige le Service des urgences et du développement opérationnel de 2015 à 2018, intervenant sur les contextes de crise parmi les plus aigus de la période (Guinée, Ukraine, Balkans, Nigeria, Libye, Haïti, Bangladesh, Burundi, Niger). Depuis 2018, il assure la fonction de Directeur des Opérations de l’association. En parallèle de ces fonctions, il collabore avec l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) depuis 2017, en tant que responsable pédagogique de la formation « Manager de programmes Internationaux ».

Alain Le Roy

Alain Le Roy est Ambassadeur de France et Conseiller maître honoraire à la Cour des comptes. Il été notamment Ambassadeur de France à Madagascar et en Italie, ainsi que Secrétaire général adjoint de l’ONU, chargé des opérations de maintien de la paix, et Secrétaire général du Service européen pour l’action extérieure.

 

Alain Boinet

Alain Boinet est le président de la Revue en ligne Défis Humanitaires www.defishumanitaires.com  et le fondateur de l’association humanitaire Solidarités Humanitaires dont il a été directeur général durant 35 ans. Par ailleurs, il est membre du Groupe de Concertation Humanitaire auprès du Centre de Crise et de Soutien du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, membre du Conseil d’administration de Solidarités International, du Partenariat Français pour l’eau (PFE), de la Fondation Véolia, du Think Tank (re)sources.