La Coordination Humanitaire et Développement (CHD) fête son 40ème anniversaire

Entretien avec Xavier Boutin et Thierry Mauricet, co-présidents de la CHD

Logo de la CHD

Alain Boinet : La Coordination Humanitaire et Développement (CHD) organise un événement le 21 septembre à Paris pour fêter ses 40 ans d’engagement solidaire. En quoi consiste cet événement et comment peut-on y participer ?

Xavier Boutin et Thierry Mauricet : La Coordination Humanitaire et Développement fête ses 40 ans d’engagement solidaire lors d’un événement réservé à ses membres et partenaires les plus proches à Paris le 21 septembre

La Coordination Humanitaire et Développement (CHD), anciennement connue sous le nom de Coordination d’Agen, célèbre cette année quatre décennies d’existence dévouée à l’action humanitaire et au développement. Fondée en 1983 grâce à l’initiative de la Guilde, l’objectif premier de cette organisation était de rassembler et d’encourager la coordination de tous les acteurs engagés dans la solidarité internationale. Fidèle à sa mission depuis sa création, la CHD compte aujourd’hui 55 organisations non-gouvernementales parmi ses membres, un témoignage éclatant de son succès et de sa portée.

L’anniversaire de la CHD revêt une signification toute particulière, symbolisant son parcours marqué par un engagement solidaire sans faille. L’événement du 21 septembre sera l’occasion de réunir toutes les organisations membres, offrant un cadre propice aux échanges, au partage d’expériences et à la découverte mutuelle, dans le but de favoriser des synergies d’actions encore plus puissantes.

Cet événement se déroulera aux Apprentis d’Auteuil, l’une des organisations membres de la CHD, dans une ambiance favorisant l’échange et la réflexion. La journée sera découpée en différentes séquences interactives, débutant par des ateliers simultanés portant sur les principaux groupes de travail de la CHD :

  1. Groupe Enfance : Les participants auront l’occasion de découvrir les outils et stratégies basés sur les droits de l’enfant, afin de maximiser l’efficacité et l’impact des projets en faveur des plus jeunes.
  2. Cercle RH : Dans un esprit ludique, les Ressources Humaines seront abordées sous l’angle d’un jeu des 7 familles. Les participants auront ainsi l’opportunité d’échanger, de partager des idées et de s’exercer dans des domaines tels que l’évaluation des compétences, la pédagogie ou la préparation à l’entretien de recrutement.
  3. Des idées pour la CHD de demain : Une session dédiée aux perspectives d’avenir et aux défis qui attendent la CHD. Les discussions aborderont notamment les services de la CHD adaptés pour les membres, les orientations stratégiques à prendre pour l’avenir, ainsi que les initiatives novatrices pour un impact durable.
  4. Groupe ONG Support : Les participants seront immergés au cœur des actions de l’ONG Support et auront l’occasion de prendre part directement à leur réalisation, grâce à un parcours interactif. Cette expérience permettra de mettre à l’épreuve leurs connaissances pratiques concernant le soutien essentiel apporté par les ONG Support aux activités de solidarité internationale.
Assemblée générale 2023 de la CHD

À la suite de ces séances enrichissantes, un grand débat portant sur le thème “Vers un avenir plus solidaire : L’expertise ONG en première ligne pour fournir une réponse adaptée aux besoins locaux” sera orchestré. Quatre intervenants, acteurs opérationnels, éminents représentants d’organisations membres de la CHD, apporteront leur expertise à la table du débat :

– Justine Muzik Piquemal, Directrice régionale RCA, RDC, Soudan et Mozambique chez Solidarités International.

– Anne PANEL, Directrice de Fert.

– Olivier ROUTEAU, Directeur des opérations chez Première Urgence Internationale.

– Cédric TOUQUET, Responsable des programmes Afrique d’Acting for life.

Les sujets abordés lors du débat engloberont les contextes actuels de l’aide humanitaire et du développement, les caractéristiques spécifiques des interventions sur le terrain, la complémentarité et le partenariat entre les organisations, ainsi que les perspectives d’avenir, les pistes et solutions pour relever les défis à venir pour la CHD.

Ce débat sera animé par Alain Boinet, fondateur de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL, de la revue en ligne www.defishumanitaires.com  et ancien co-président (2013-2018) de la CHD avec Xavier Boutin. La synthèse sera faîte par Alain La Roy, ancien ambassadeur de France et ancien Secrétaire général adjoint des Nations-Unies en charge des opérations de maintien ou de rétablissement de la paix.

La journée se clôturera par un cocktail dînatoire et une soirée conviviale, propices aux échanges et au renforcement des liens entre les représentants des ONG membres. C’est une occasion unique de célébrer 40 ans de solidarité et de se projeter vers un avenir toujours plus humanitaire.

Pour participer à cet événement exceptionnel, les invitations seront envoyées aux organisations membres de la Coordination Humanitaire et Développement, ainsi qu’aux parties prenantes concernées. Si vous êtes intéressés par ce temps dédié à l’engagement solidaire, nous vous invitons à vous renseigner auprès de votre organisation affiliée à la CHD ou à contacter directement Alexia Tafanelli, secrétaire exécutive de la Coordination Humanitaire et Développement pour obtenir plus d’informations sur l’inscription et les modalités de participation.

Quelques-unes des personnalités présentes au 1er FORUM D’AGEN et les membres du jury de la Dotation Paris Match de la coopération volontaire.

Question : Pouvez-vous résumer pour nos lecteurs les grandes étapes de l’histoire de la CHD dont vous allez fêter le 40ème anniversaire le 21 septembre à Paris. 

Réponse : Le premier Forum d’Agen qui a donné naissance à la Coordination d’Agen en 1983, lancé par La Guilde, a été un événement novateur rassemblant les acteurs de l’urgence et du développement, marquant le début de cette initiative. En parallèle, dans les années 80 et 90 la solidarité internationale en France a connu une forte croissance, avec la naissance de nombreuses associations engagées telles que Médecins sans Frontières, Action contre la Faim et le CIDR par une volonté de solidarité et d’engagement en faveur de causes humanitaires, sociales ou environnementales et qui ont joué un rôle crucial pour faire face aux crises humanitaires et aux catastrophes naturelles dans le monde.

En 2013, la Coordination d’Agen a pris le nom de Coordination Humanitaire et Développement (CHD). Ce changement reflète mieux l’identité de la vingtaine de ses membres et leur diversité d’actions humanitaires et de développement. La CHD s’inscrit dans une dynamique d’action, de concertation et d’évolution, cherchant à mieux faire face aux crises, renforcer la résilience des populations et influencer les politiques publiques en France, comme celles de la Commission européenne et de l’ONU.

La CHD a contribué à une diversité de chantiers depuis sa création, ces différentes actions témoignent de son engagement dans la promotion d’une solidarité internationale efficace, coordonnée et réfléchie, tout en œuvrant pour l’amélioration des politiques et des pratiques dans le domaine humanitaire et du développement.

De plus, la défense du Volontariat à l’International : en partenariat avec le CLONG, un secrétariat commun entre les deux collectifs, la CHD s’est engagée activement dans la défense du Volontariat à l’International. Cette démarche vise à promouvoir et à soutenir les actions des volontaires internationaux et leur contribution essentielle aux projets humanitaires et de développement.

En outre, la CHD s’est engagée dans différentes études pour le secteur. Elle a réalisé la première étude sur la réalité de l’aide publique au développement français. Cette initiative a permis de mieux comprendre les enjeux et les opportunités de l’aide accordée par la France pour soutenir les projets de développement à l’étranger. Cette étude a été reprise à un rythme annuel par Coordination SUD. La CHD a également réalisé une étude pionnière sur les pratiques salariales des organisations non-gouvernementales de solidarité internationale en France en 2009. Cette étude a permis d’évaluer et de comparer les politiques de rémunération au sein du secteur humanitaire et de développement.

Enfin, la création et l’animation du Comité France Pays du Mékong : à la suite d’une table ronde organisée avec les pouvoirs publics, la CHD a joué un rôle essentiel dans la création et l’animation du Comité France Pays du Mékong. Cette plate-forme rassemble les ONG travaillant dans cette région, favorisant ainsi la coordination et la collaboration pour des projets ciblés et efficaces.

Deuxième forum d’Agen

La CHD s’inscrit également dans la dynamique créée par le rapport « Analyses et propositions sur l’action humanitaire dans les situations de crise et de post-crise » réalisé par Alain Boinet et Benoit Miribel à la demande du ministre des Affaires étrangères et européennes, Bernard Kouchner.

Ce rapport, qui a été remis en mars 2010, prévoyait une présentation publique qui en a été faite lors de la 1ère Conférence Nationale Humanitaire en 2011. Lors de cette conférence il a été annoncé l’élaboration d’une Stratégie Humanitaire de la France et la mise en place d’un groupe de concertation humanitaire (GCH) avec les principales ONG humanitaires en France. Ce Rapport est à la base de la dynamique et de l’organisation du partenariat entre les pouvoirs publics et les acteurs humanitaires.  La CHD porte cette dynamique d’action, de concertation et d’évolution. Mieux faire face aux crises, assurer le lien urgence-reconstruction-développement-prévention pour renforcer la résilience des populations, leur capacité et finalement leur autonomie, gagner en efficacité et influencer les politiques publiques.

En 2017, en parallèle, la CHD a mis en place un groupe de travail intitulé « accès humanitaire et systèmes bancaires », visant à aborder les problèmes liés au système bancaire français. Les ONG françaises dépendent principalement des financements des bailleurs institutionnels pour leurs actions humanitaires, mais elles se trouvent fréquemment confrontées à des crises dans des pays sous embargo ou sanctions financières de l’Union européenne et des États-Unis. De plus, depuis 2015, les banques françaises ont renforcé leurs règles de conformité à la suite de la condamnation de BNP Paribas aux États-Unis, ce qui rend difficile, voire impossible, le transfert de fonds vers ces pays.

En somme, ce groupe de travail initié par la CHD a joué un rôle essentiel en abordant ces défis et en favorisant une meilleure coopération avec les pouvoirs publics, notamment en lien avec les Directeurs du Centre De Crise et de Soutien (Patrice Paoli, Eric Chevallier et Stéphane Romatet). Il met en lumière les enjeux cruciaux liés au financement de l’aide humanitaire et vise à faciliter l’accès des ONG aux zones de crise où leur intervention est vitale. Ce groupe est désormais sous la responsabilité de Coordination SUD, fonctionnant sous le nom de « Copil EBO – Etat-Banques-ONG ».

Aventure, le journal de La Guilde organisatrice du Forum d’Agen et de la Coordination d’Agen qui a précédé la CHD.

Question : La CHD est l’un des six collectifs constitutifs de Coordination Sud, quelles sont ses spécificités dans le monde associatif ?

Réponse : Coordination Sud est née en France en 1994, à la suite de la première conférence internationale sur le développement durable qui s’est tenue à Rio de Janeiro en 1992. Face à ce contexte international, trois coordinations, le CLONG Volontariat, la Coordination d’Agen-CHD et le CRID, ont pris l’initiative de s’unir pour créer Coordination Sud, une plateforme visant à renforcer l’action collective des ONG françaises engagées dans la solidarité internationale. Coordination Sud s’attache à faire entendre la voix des ONG auprès des décideurs politiques, tant au niveau national qu’international. L’organisation plaide en faveur d’une vision commune de la solidarité internationale, promouvant des politiques et des actions alignées sur les valeurs de coopération, de justice sociale et de respect des droits humains.*

Parmi les 55 organisations membres de la CHD, 51 sont membres de Coordination Sud ce qui témoignent d’un engouement de ces organisations à vouloir se rencontrer et échanger sur leurs problématiques communes. En tant que collectif fondateur de Coordination SUD, la CHD œuvre selon le principe de subsidiarité, assurant que les actions entreprises par Coordination SUD ne se chevauchent pas avec celles de la CHD. En tant que pilier au sein de Coordination SUD, la CHD joue un rôle clé dans la promotion des valeurs de solidarité, de coopération et d’efficacité de l’aide au développement. Son engagement opérationnel, combiné à son plaidoyer engagé, fait de la CHD un acteur incontournable dans la lutte pour un avenir plus équitable et durable pour les populations vulnérables du monde entier.

Assemblée générale CHD 2019

Au sein de cette diversité de tailles et d’approches de ses membres, la CHD réunit des ONG anciennes ou récentes, de petites ou grandes tailles, aux orientations variées, mais toutes caractérisées par une approche pragmatique opérationnelle de la solidarité Internationale.

Au cœur de sa dynamique, la CHD s’efforce de rassembler, mobiliser et promouvoir la reconnaissance des acteurs de terrain, afin d’influer sur les décisions collectives prises auprès de Coordination SUD, notamment en matière de plaidoyer auprès des décideurs publics. La CHD milite pour une aide publique au développement qui transite par les ONG, en adéquation avec les besoins auxquels elles sont confrontées. Un autre aspect majeur de son plaidoyer réside dans la promotion du droit d’initiative des ONG, principe essentiel qui consiste à faire valoir leur propre vision et leurs modes d’intervention sur le terrain, souvent sources d’innovations.

La spécificité de la CHD réside dans son caractère opérationnel, elle réunit des organisations engagées dans de multiples projets humanitaires et de développement à travers le monde. Elle encourage la coordination de ses acteurs tout au long du processus, de la prévention à l’urgence, en passant par la reconstruction et le développement, dans le but d’optimiser la réponse aux besoins essentiels des populations, en collaboration étroite avec elles, et dans le respect de leur dignité et de leur identité. Ce faisant, la CHD est attachée aux principes de neutralité, d’impartialité et d’indépendance, cherchant conjointement avec les populations concernées l’impact le plus efficace et durable pour répondre à leurs besoins.

Question : Quelles sont les activités de la CHD, sa plus-value ?

Réponse : Au sein de ses 55 organisations membres, la CHD se distingue par son engagement à favoriser la complémentarité des actions de ses membres. En effet, la CHD est composée de 4 groupes de travail qui servent l’ensemble de ses membres en abordant des thématiques transversales et opérationnelles. L’objectif principal de ces groupes est d’optimiser les ressources des organisations, de renforcer leurs compétences et leur capacité d’innovation, ainsi que de résoudre des questions d’intérêt général. Organisés autour d’un programme de travail et d’un agenda défini, ces groupes collaborent à la publication de notes et de documents d’expertise, bénéficiant ainsi du soutien du Bureau de la CHD.

Parmi les groupes de travail mis en place par la CHD, le “Groupe FIP Formation et Insertion professionnelle” se consacre depuis 2013 à améliorer la formation et l’accès à l’emploi dans les pays en développement. En s’appuyant sur des échanges d’expériences et de réflexions communes, les 5 ONG membres de ce groupe ont réussi à améliorer leurs méthodologies d’intervention, notamment en ce qui concerne l’entrepreneuriat et les nouvelles technologies appliquées à la formation et à l’insertion.

Un autre groupe d’échange, le “Groupe ONG Support”, a pour mission de partager les bonnes pratiques entre ONG support et de sensibiliser les bailleurs de fonds publics, les autres ONG et le grand public à la valeur ajoutée de ces ONG au sein du secteur de la solidarité internationale.

En redynamisation, le “Groupe Santé” de la CHD a pour objectif d’améliorer les pratiques et les actions des organisations impliquées dans le domaine de la santé ou en appui aux structures de santé, en adoptant une approche cohérente dans les pays d’intervention communs aux membres.

Le “Groupe Enfance”, créé en 2014, et regroupant 20 ONG engagées dans la défense des droits de l’enfant à l’international, vise à renforcer l’attention portée aux droits de l’enfant en tant que levier puissant pour favoriser l’égalité, les objectifs de développement durable et la paix. Grâce à ce groupe, des outils tels que la checklist pour l’intégration des droits de l’enfant dans les projets terrain ou des fiches pratiques ont été développés, permettant des échanges de bonnes pratiques et un plaidoyer efficace auprès des institutions.

La CHD organise également des réunions de concertation géographiques, mettant en lumière les problématiques soulevées par ses membres dans des zones spécifiques telles que l’Ukraine, le Proche-Orient, l’Asie du Sud-Est. Ces rencontres permettent aux acteurs de terrain d’échanger, de collaborer et de trouver des pistes de collaboration dans leurs actions humanitaires et de développement.

En 2022, la CHD s’est engagée dans une étude sur les rémunérations et les avantages sociaux, réalisée par le cabinet Deloitte. Cette étude a impliqué près de 60 organisations de solidarité internationale, et vise à éclairer les ONG sur leurs pratiques salariales actuelles, afin de les aider à mettre en place des politiques de rémunération efficaces et en accord avec leurs valeurs et leurs objectifs stratégiques tout en assurant une veille concurrentielle au niveau des tendances actuelles et pratiques émergentes. Les collaborateurs ciblés dans cette étude sont les salariés en CDI et CDD, basés en France ou expatriés, ce qui représente 8 557 salariés dont 61% de cadres et 39% de non-cadres.

Réunion de la CHD sur le nexus humanitaire-développement avec Jean-Bernard Veron de l’AFD et Alain Boinet.

Les conclusions de cette étude ont permis la mise en place d’un cercle RH en 2023, réunissant actuellement 35 organisations. Pour assurer la continuité de cette démarche, la CHD propose un accompagnement personnalisé aux organisations ayant participé à l’étude, ainsi qu’à celles qui souhaitent s’impliquer dans des sessions de travail, de renforcement des capacités et de partage de pratiques entre acteurs de la solidarité internationale. Ces sessions d’échanges sont animées par des experts, et visent à répondre aux enjeux actuels liés aux ressources humaines, tels que l’identification des compétences nécessaires au bon fonctionnement des associations, les stratégies de recrutement, de développement et de rétribution des talents, ainsi que d’autres thématiques essentielles.

L’engagement opérationnel de la CHD, conjugué à ses efforts continus pour renforcer la coopération et les synergies entre les acteurs de la solidarité internationale, font du collectif un acteur essentiel dans la lutte pour un développement plus juste et durable, au service des populations vulnérables à travers le monde

Question : Le monde a bien changé depuis la création de la CHD en 1983. Comment percevez-vous aujourd’hui les réalités et les besoins sur le terrain, les défis et les enjeux auxquels vous êtes confrontés pour les populations et avec les acteurs nationaux dans les divers pays où agissent les associations membres de la CHD ?

Réponse : Au cœur d’un monde confronté à des conflits complexes, des catastrophes naturelles et des inégalités croissantes, il est probable que les quinze années à venir verront une augmentation continue des besoins tant en développement qu’humanitaires, et les ONG joueront un rôle essentiel pour atténuer la souffrance humaine, promouvoir la paix et le développement, et favoriser les progrès humains à l’échelle mondiale.

En effet, les réalités et les besoins humanitaires et de développement sur les terrains d’action sont de plus en plus complexes et multidimensionnels, où les problèmes humanitaires et de développement sont souvent étroitement liés. Les crises persistent dans de nombreux pays où nous intervenons notamment des pays jugés longtemps comme des terrains de développement sont maintenant confrontés à des situations d’urgence et de précarité, nécessitant une intervention humanitaire d’urgence, rapide et efficace pour répondre à leurs besoins les plus urgents. Ces crises prolongées rendent la mise en œuvre de projets plus difficile et précaire, nécessitant une approche flexible et agile pour répondre aux besoins changeants des populations touchées. Dans certaines zones de conflit ou d’insécurité, l’accès aux populations vulnérables peut être restreint.

De plus, les ressources financières et logistiques sont limitées, ce qui complique notre capacité à fournir une aide efficace à grande échelle. Nous sommes confrontés à des contraintes budgétaires qui nous obligent à faire des choix difficiles quant aux projets à mettre en œuvre et aux populations à prioriser. En même temps, nous devons nous assurer que nos actions sont durables et qu’elles contribuent à renforcer la résilience des communautés locales pour qu’elles puissent faire face aux défis à long terme.

Les enjeux auxquels nous sommes confrontés impliquent également une coordination et une collaboration efficaces tout en maintenant un dialogue ouvert et constructif avec les parties prenantes impliquées dans nos projets aussi bien au niveau des autorités locales, des autres ONG présentes sur le terrain, travailler en partenariat est essentiel pour éviter les duplications d’efforts, maximiser l’impact de nos interventions et renforcer la complémentarité des actions. Cela nous permet en parallèle de garantir la confiance et l’acceptation de nos actions par les communautés que nous soutenons.

En outre, les enjeux auxquels nous sommes confrontés exigent une approche proactive, coordonnée et adaptative de tous les acteurs de la solidarité internationale. Cela implique une collaboration étroite avec les pouvoirs publics, tels que le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, le Centre de Crise et de Soutien, ainsi que l’Agence française de développement. Ensemble, nous pouvons fournir une aide efficace, pertinente et durable aux populations vulnérables que nous servons, et ainsi contribuer à atténuer les inégalités, promouvoir la paix et le développement, et favoriser les progrès humains à l’échelle mondiale.

Assemblée générale CHD 2017

Question : Alors que vous préparez le 40ème anniversaire de la CHD, comment voyez-vous votre action dans les années à venir ?

Réponse : À l’approche de notre 40ème anniversaire, nous envisageons notre action dans les années à venir avec une détermination renouvelée et un fort engagement envers la solidarité internationale et nos membres. Sans prétention, nous maintiendrons la ligne de conduite établie depuis des années avec pour but la collaboration et de l’implication de nos membres. Nous sollicitons régulièrement leur feedback pour comprendre leurs besoins et attentes vis-à-vis du collectif. Il y a deux ans, nous avons revu notre stratégie pour intégrer des changements significatifs en matière de structuration et d’adaptation, et nous continuerons de porter ces évolutions dans les années à venir. D’ailleurs, dans le cadre de notre 40ème anniversaire, nous avons prévu un atelier dédié à l’avenir de la CHD. Cet événement sera l’occasion de rassembler nos ONG membres et d’échanger sur les avancées possibles et les évolutions nécessaires pour la CHD.

En regardant vers l’avenir, nous sommes convaincus que la CHD a de belles années devant elle. Nous aspirons à continuer à être un acteur solide dans le domaine de la solidarité internationale, en répondant aux défis émergents et en contribuant à des solutions adaptées aux réalités changeantes sur le terrain. Notre engagement envers les populations vulnérables restera au cœur de notre action. La CHD est prête à saisir les opportunités, à relever les défis et à contribuer de manière significative à un monde plus juste et solidaire.

Défis Humanitaires : Comment souhaitez-vous conclure ?

Xavier Boutin et Thierry Mauricet : En conclusion, nous tenons tout d’abord à remercier nos membres pour leur confiance et leur fidélité tout au long de ces 40 années d’engagement humanitaire et de développement. Nous sommes conscients que nos membres sont au cœur de notre action, et nous continuerons de travailler en étroite collaboration avec eux pour répondre au mieux à leurs besoins et attentes. Sans leur soutien et leur implication, la CHD ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui, un collectif majeur de la solidarité internationale.

Les défis auxquels nous sommes confrontés sont effectivement nombreux et complexes. Cependant, nous sommes fermement déterminés à les relever avec ténacité et professionnalisme. La solidarité internationale est un domaine en constante évolution, et nous sommes prêts à nous adapter pour rester pertinents et efficaces dans notre action afin de répondre à notre objectif premier, améliorer la vie des populations les plus vulnérables du monde.

Merci encore à nos membres pour leur soutien indéfectible, et nous sommes impatients de poursuivre cette aventure collective pour les années à venir.

 

Découvrez la CHD ici : https://www.c-hd.org/

 

Xavier Boutin et Thierry Mauricet

 

Xavier Boutin – Fondateur de l’Institut européen de coopération et de développement (IECD)

Diplômé de l’European Business School Paris, titulaire d’une maîtrise de droit des affaires de Paris I Panthéon-Sorbonne et d’une licence de philosophie de Paris IV- Sorbonne, Xavier Boutin a commencé sa carrière en 1978 dans le commerce international des céréales chez Louis Dreyfus.

Enseignant en philosophie puis engagé dans la formation des jeunes, il prend la direction d’une association d’éducation populaire en 1982 et fonde en 1988 l’Institut européen de coopération et de développement (IECD), dont il prend la direction jusqu’en 2017. À la suite de la nomination d’Alexis Béguin au poste de directeur général en septembre 2017, Xavier Boutin assure la transmission et continue d’appuyer les équipes sur des sujets spécifiques.

Depuis 2016, Xavier Boutin préside la Fondation Albert et Suzanne Ratsimamanga – IMRA (Institut Malgache de Recherches Appliquées) à Antananarivo.

Xavier Boutin est par ailleurs trésorier au sein du conseil d’administration de Coordination Sud de 1997 à 2011 et, à compter de juin 2013, il préside aux côtés d’Alain Boinet puis de Thierry Mauricet la Coordination Humanitaire et Développement (CHD).

Enfin, Xavier Boutin enseigne dans le Master II « Management de projets de développement » de l’IRCOM à Angers et participe à la réflexion sur des thématiques de développement dans de nombreux colloques et séminaires.

Xavier Boutin est chevalier de la Légion d’honneur.

 

Thierry Mauricet – Directeur Général de Première Urgence Internationale

Après une formation en école de commerce à l’Institut Européen des Affaires, en droit à l’université de Paris X et une activité professionnelle de publicitaire pendant 7 années, Thierry Mauricet a co-fondé l’association Première Urgence en juin 1992 pour venir en aide aux populations assiégées dans Sarajevo en Bosnie-Herzégovine. De 1994 à 2011, il a exercé la fonction de Directeur Général de l’association. Depuis avril 2011, il est le Directeur Général de Première Urgence Internationale, association issue de la fusion des ONG Première Urgence et d’Aide Médicale Internationale.

Première Urgence Internationale a pour objectif d’apporter une aide intégrée dans les domaines de la santé, la sécurité alimentaire, la nutrition, la réhabilitation et la construction d’infrastructures, l’accès à l’eau, l’hygiène et l’assainissement, la relance économique, l’éducation et la protection, en faveur des populations victimes de crises humanitaires dans plus de 26 pays en faveur de plus de 7 millions de personnes vulnérables.

MANDATS ASSOCIATIFS : 

  • Cofondateur de l’association Première Urgence (30/06/1992) ;
  • Trésorier de l’association Première Urgence (30/06/1992 – 10/11/1992) ;
  • Président de l’association Première Urgence (10/11/1992 – 01/04/1994) ;
  • Administrateur de la Fédération de la Voix de l’Enfant (14/03/1995 – 18/11/2006) ;
  • Secrétaire de la Coordination Humanitaire et Développement (06/05/2013 – 04/06/2018) ;
  • Président de la Coordination Humanitaire et Développement (04/06/2018) ;
  • Administrateur de Coordination SUD (13/12/2018) ;
  • Administrateur référent Commission Humanitaire du Conseil d’Administration de Coordination SUD (26/09/2019) ;
  • Vice-Président de Coordination SUD (20/09/2021).

REPRESENTATIONS INSTITUTIONNELLES ET THINK-TANK :

  • Membre de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (10/05/1999 – 25/03/2009) ; 
  • Membre du Groupe de Réflexion Urgence et Post-Crise ;
  • Membre du Groupe de Concertation Humanitaire du Centre de crise et de soutien du Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères ;
  • Membre du Comité d’orientation stratégique du Forum Espace Humanitaire ;
  • Membre du Comité de pilotage de la Conférence Nationale Humanitaire du Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères ;
  • Membre du Conseil National du Développement et de la Solidarité Internationale (01/07/2021) ;
  • Membre du Conseil d’Orientation d’Alternatives Humanitaires (01/01/2023).

 

Ukraine, crise alimentaire, aide humanitaire. Où va-t-on ?

Une femme (3e à droite), évacuant avec des affaires, se protège les oreilles après une explosion sur un pont sur la rivière Oskil alors que de la fumée noire s’élève dans la ville de la ligne de front de Kupiansk, région de Kharkiv, le 24 septembre 2022.  (Photo by Yasuyoshi CHIBA / AFP)

Où va la guerre en Ukraine ? Cet éditorial cherche à analyser la rupture de situation survenue depuis la déclaration de Vladimir Poutine le 21 septembre avec ses conséquences en cascade. Il s’agit de chercher à prévoir ce qui pourrait se produire afin d’anticiper l’aide humanitaire adaptée.

Défis Humanitaire est un site indépendant qui publie des articles sous la responsabilité de leur auteur afin de fournir des informations, des analyses et des recommandations utiles à l’action humanitaire.

La contre-offensive ukrainienne dans la région de Kharkiv et la reprise de nombreuses villes a provoqué un électrochoc à Vladimir Poutine qui a décrété la mobilisation de 300.000 hommes et l’annexion des Oblasts (régions) de Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporidjia, célébrée le 30 septembre sur la place Rouge à Moscou. A nouveau, le président russe a menacé d’utiliser tous les moyens à sa disposition en nous prévenant « Ce n’est pas du bluff ».

La riposte a été immédiate côté ukrainien, et le président Zelinsky a signé un document demandant une intégration rapide à l’OTAN, tout en déclarant que l’objectif était la reprise de tous les territoires ukrainiens occupés, y compris la Crimée.

Des militaires ukrainiens montent sur un véhicule blindé à l’extérieur de Kiev, en Ukraine, samedi 2 avril 2022.  (AP Photo/Vadim Ghirda) (CC BY 2.0)

Coté occidental, la condamnation de l’annexion est unanime, on se met à rêver d’une victoire ukrainienne et l’on n’a pas l’air de croire à la menace d’emploi d’armes de destruction massive. Le président américain, Joe Biden déclare « ne faites pas cela », annonce l’envoi de nouvelles armes en nombre, réaffirme un soutien inconditionnel tout en restant circonspect sur la riposte américaine. Les présidents français et allemands se concertent pour faire front commun dans une Union Européenne tout à la fois unie et divisée sur l’objectif final recherché, entre une guerre totale et un endiguement d’une Russie affaiblie assortie d’une solution politique.

La Russie a opposé son veto vendredi 30 septembre à une résolution du Conseil de sécurité des Nations-Unies condamnant l’annexion de territoires ukrainiens. Le projet a été approuvé par dix des quinze membres du Conseil, la Russie votant contre. Quatre membres se sont abstenus, le Brésil, la Chine, l’Inde et le Gabon.

L’évidence, c’est que nous avons franchi une étape majeure dans l’escalade militaire sans que nous sachions jusqu’où elle peut nous conduire. Le sabotage des gazoducs Nord Stream en mer Baltique donne un avant-goût de ce que peut-être la suite. Mais, il y a plus grave, c’est le risque réel d’emploi d’armes nucléaires tactiques conformément à la doctrine militaire russe.

« Ce n’est pas du bluff ».

Si l’armée ukrainienne poursuit la reconquête de territoires séparatistes dorénavant considérés comme russes par le pouvoir à Moscou, peut-on être sûr que Vladimir Poutine n’utilisera jamais de telles armes sachant, que son destin est intimement lié à celui de cette guerre ? Et si ces armes sont utilisées en Ukraine qui n’est pas membre de l’OTAN, comment les occidentaux répliqueront-ils ? Il me semble que nous devrions prendre plus au sérieux cette hypothèse au cas où la Russie recule sur le champ de bataille, au risque pour son président d’un changement de pouvoir à Moscou. Nous devrions prendre cette hypothèse au sérieux pour les populations ukrainiennes elles-mêmes, d’autant que nous savons que la « posture d’alerte » nucléaire des pays détenteurs de ces armes est déjà activée, en France comme ailleurs.

Le nuage atomique à Nagasaki en 1945 (CC BY 2.0)

En tout cas, pour ce qui les concerne, les humanitaires doivent relever aussi leur posture d’alerte et se préparer à une guerre qui non seulement va durer mais aussi s’intensifier. Le nombre de victimes et de destructions ne peut malheureusement qu’aller en augmentant et il faut se préparer au pire, pour être prêt, autant que faire se peut, à secourir les victimes. Souvenons-nous des moyens utilisés en Syrie.

Dorénavant tout est possible et le chef du Kremlin appellent à une guerre de civilisation contre l’Occident qui ne sera sans doute pas sans conséquence en dehors même de l’Ukraine comme on le voit ces jours-ci au Burkina Faso après le Mali.

Bien des questions se posent. L’armée Ukrainienne peut-elle reprendre militairement le contrôle de tout son territoire ? la Russie utilisera-t’-elle des armes de destruction massive qui lui donneraient l’avantage ? Comment les occidentaux réagiront-ils dans ce cas. Quel sera l’impact de l’hiver sur le déroulement de la guerre. Comment les opinions publiques européennes supporteront-elles les restrictions d’énergie et l’augmentation des prix ? Les Russes mèneront-ils des actions de déstabilisation ailleurs qu’en Ukraine ? Poutine est-il gravement malade et l’armée Russe pourrait-elle s’effondrer ?

Une crise alimentaire mondiale jusqu’où ?

Parmi les conséquences de cette guerre, il y a pour de nombreux pays et leur population, la question de l’approvisionnement en blé, céréales, engrais provenant d’Ukraine ou de Russie (Un sauve qui peut mondial, Eviter un “ouragan de famines”). Où en sommes-nous de l’accord que l’Ukraine et la Russie ont ratifié le 22 juillet à Istanbul sous l’égide de la Turquie et des Nations-Unies ?

Le BC Vanessa, un navire affrété par le PAM transportant des céréales ukrainiennes destinées à l’Afghanistan dans le cadre de l’Initiative pour les céréales de la mer Noire. UN Photos / Levent Kulu (CC BY-NC-ND 2.0)

Avant la guerre, l’Ukraine exportait environ 6 millions de tonnes de céréales par mois selon Agritel, société de conseil de référence sur les filières agricoles. Grâce au corridor en mer Noire, depuis le mois d’août, c’est plus de 5 millions de tonnes qui sont sortis au 27 septembre. Agritel estime que l’Ukraine pourrait exporter 12 millions de tonnes d’ici la fin de l’année, contre 18 millions de tonnes auparavant tout en précisant que cela reste « fragile, tendue et volatile ». Selon Gautier Le Molgat d’Agritel sur RFI, la crise alimentaire est loin d’être terminée, d’autant que cette guerre vient amplifier une tension alimentaire provoquée par le dérèglement climatique, la pandémie de Covid-19 et les conflits.

Lors d’une conférence de presse à New-York le 13 septembre, Amir Abdulla, (Coordinateur des Nations-Unies pour la mer Noire) et Rebeca Grynspan (directrice générale de UNCTAD), ont indiqué qu’ils souhaitaient augmenter le nombre de bateaux en mer Noire, que les destinations de ceux-ci étaient similaires à celles d’avant-guerre et que si on constatait une baisse des prix des céréales au niveau international, cette tendance ne se traduisait pas toujours au niveau national. Ils ont aussi constaté que les exportations d’engrais russes restaient au plus bas. A noter que quatre bateaux humanitaires ont été affrétés par le PAM pour 120.000 tonnes de blé destinées à la Corne de l’Afrique, au Yémen et à l’Afghanistan.

De son côté, la Commission Européenne a annoncé le 5 septembre l’adhésion de l’Ukraine à une Convention sur le transit et sur la simplification, permettant une circulation plus facile des marchandises, et la suppression des droits de douane et de la TVA sur l’importation des biens vitaux pour les Ukrainiens. Cette exemption s’appliquerait aussi pour les organisations caritatives ou philanthropiques agréées par les autorités compétentes dans les Etats membres.

Dans une note bien documentée « Analyse de la crise alimentaire mondiale et ses liens avec la guerre en Ukraine », l’ONG humanitaire « Solidarités international » a mené une enquête dans les pays où elle est active. En République Centrafricaine (RCA), elle constate une augmentation de 28,6 à 33% des prix en fonction des types de farine. Au Soudan, les prix des denrées alimentaires ont presque triplé. En Afrique de l’Ouest on estime le déficit en engrais venant de Russie et d’Ukraine de 1,2 à 1,5 millions de tonnes, soit l’équivalent de 10 à 20 millions de tonnes de céréales. Et l’association fait ce constat à méditer : « D’un côté, le nombre de personnes ayant besoin d’une assistance augmente et de l’autre, l’aide alimentaire est de plus en plus coûteuse à mettre en œuvre (coût des denrées alimentaires et du pétrole pour le transport des vivres).

Distribution alimentaire au Mozambique, Février 2022 @Solidarités International

Enfin, le président Russe a critiqué le mécanisme d’exportation de la mer Noire dénonçant le fait que ses propres exportations de denrées alimentaires et d’engrais continueraient de pâtir des sanctions. Que cela soit vrai ou faux cette initiative de la mer Noire est fragile.

Au secours de l’aide humanitaire.

En Ukraine, l’évaluation des besoins humanitaire par l’ONU (OCHA) est passé de 1,1 milliards de dollars début mars à 2,25 en avril pour atteindre 4,3 milliards de dollars début août. L’hiver et les besoins de moyens de chauffage pourraient augmenter ce montant d’une aide destinée à 17 millions d’Ukrainiens, dont le nombre devrait augmenter avec la poursuite des combats.

Pour mémoire, l’Ukraine compte déjà 7,5 millions de réfugiés, 7 millions de déplacés dans le pays. Selon l’ONU, 580 partenaires humanitaires viennent à l’aide de 13,4 millions de personnes partout dans le pays. C’est ici l’occasion de rappeler une demande des organisations humanitaires lors d’une récente réunion à Paris au Centre de Crise et de Soutien du ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères, celle de demander aux autorités Ukrainiennes et Russes de respecter les principes du Droit International Humanitaire (DIH) et de faciliter l’action des humanitaires et non de l’entraver.

Deux rapports récents sur l’action humanitaire (GHAR et ANALP) soulignent l’écart grandissant qu’il y a entre les besoins humanitaires et les moyens disponibles pour y répondre. Dans notre précédent éditorial nous indiquions déjà que l’appel humanitaire des Nations-Unies s’élevait cette année à 46,3 milliards de dollars et que seulement 15 milliards avaient été réunis à la fin du premier semestre. Selon ces rapports, la moitié des appels lancés par l’ONU pour les populations des pays en crise reçoivent moins de 50% des moyens suffisants et environ un quart d’entre eux reçoivent 75% du strict nécessaire pour survivre alors que le nombre de personnes en danger est aujourd’hui de 306 millions dans le monde, soit 90,4 millions de plus qu’avant la pandémie de COVID-19 !

Notre constat est que les besoins humanitaires sont gravement sous financés et que l’aide internationale risque de manquer ! Faudra t’il bientôt lancer un appel d’urgence pour l’aide humanitaire internationale ? Parmi les pistes pour répondre à cette crise de financement, ces rapports suggèrent d’élargir la base des donateurs et de mieux cibler les financements vers les pays en crise. Plus concrètement, nous pouvons envisager une augmentation du pourcentage du RNB (Revenu National Brut) dédié à l’humanitaire. Ainsi en France, si des progrès considérables ont été réalisés par le Centre de Crise et de Soutien du Quai d’Orsay, l’aide humanitaire ne représente encore que 1% de l’Aide Publique au Développement de la France contre une moyenne de 10% pour les pays membres de l’OCDE ! Où est le problème ?

Mali, 2021 @Solidarités International

L’aide humanitaire risque bien de faire défaut. En Somalie ou quelques 213 000 personnes sont en « danger de mort imminent » selon l’ONU, à cause de la famine et de la sécheresse, seulement 70% des besoins vitaux sont couverts. En Afghanistan, où 23 millions d’habitants sont confrontés à la faim, seuls 42 % des 4,4 milliards de dollars nécessaires à l’ONU et ses partenaires ont été financés. Faut-il alors abandonner la moitié de la population à la faim ?

Des questions cruciales et des leçons essentielles.

Il s’agit de problèmes cruciaux tout à la fois spécifiques et interdépendants agissants les uns sur les autres. C’est justement une des caractéristiques de Défis Humanitaires que de souligner ces liens et d’établir les relations entre géopolitique et humanitaire face aux grands défis qui menacent afin de gagner en efficacité pour secourir les populations en danger.

L’agression Russe sera-t-elle endiguée sans recours à l’emploi d’armes de destruction massive pour les populations en Ukraine et aux risques d’effets collatéraux ?

L’exportation du blé, des céréales et des engrais d’Ukraine et de Russie ne doit-elle pas répondre en priorité aux besoins des pays les plus menacés par le spectre de la faim ? Il faut aussi tirer dès maintenant les leçons de cette situation en changeant les pratiques alimentaires et agricoles vers plus d’autosuffisance des pays les plus pauvres et dépendants.

L’éco-système humanitaire international réussira t’il à relever les défis auxquels il est confronté ?

J’espère de tout cœur que cet article vous sera utile et que vous pourrez le partager avec vos collègues et amis à qui il pourrait aussi servir. Je vous remercie aussi pour le soutien de votre don même modeste (HelloAsso) qui doit nous permettre de publier les prochaines éditions au service de la cause humanitaire. Par avance, un grand MERCI.

Alain Boinet.

Président de Défis Humanitaires.