Eau, l’humanitaire pour l’atteinte de l’ODD 6

15 juillet 2015 – UN house, camp de déplacés POC 2, Juba, Soudan du Sud. Moussa, un déplacé employé par SI comme journalier, collecte de l’eau pour nettoyer son contenant, pendant qu’une jeune fille s’apprête à nettoyer le sien. @VincentTremeau/SolidaritesInternational

Crise globale de l’eau : ne laisser personne pour compte

Le constat est posé d’entrée dans la Déclaration de Vision de la Conférence sur l’eau de l’ONU (UN23) : « La crise actuelle de l’eau et de l’assainissement est une menace pour tous », et pourtant l’expression de ce constat ne semble pas produire suffisamment d’actions transformatrices. Certes, pour les acteurs du secteur, le message n’est pas nouveau, ainsi que le caractère protéiforme de la crise de l’eau, qui impacte à différents niveaux toutes les sociétés et tous les environnements, et dont les enjeux sont à la fois technique, politique, économique ou encore social. Néanmoins, il convient en ce qui nous concerne, de souligner la situation particulière des contextes les plus fragiles, ceux en proie à la convergence des crises (climatiques, humaines, sanitaires, politiques, etc.) et pour lesquels l’urgence d’agir se fait de plus en plus pressante si nous souhaitons atteindre les ambitions que nous nous sommes fixées collectivement. Parmi ces états de fragilités, qui représentent 23% de la population mondiale (OCDE, 2022), il en existe des plus fragiles encore, dans lesquels bien souvent les crises humanitaires font leur lit. L’accroissement inéluctable des besoins humanitaires (estimés à 339 millions de personnes en 2023[1], un record inégalé), et par conséquence des investissements nécessaires à leur satisfaction est un rappel permanent de cette réalité. Si nous souhaitons ne laisser personne pour compte (« Leave No One Behind ») alors nous devons redoubler[2] les efforts à destination de ces contextes. Dans plusieurs de ces pays, dans lesquels Solidarités International est présent (82% des pays d’intervention de l’ONG sont considérés comme fragiles ou extrêmement fragiles par l’OCDE), les effets cumulés des crises prolongées et l’insuffisance d’accès aux services d’eau et d’assainissement géré en toute sécurité tuent[3] et inhibent fortement l’émergence des conditions favorables à un développement durable et résilient.

Collecte d’eau en Mauritanie. @SolidaritesInternational

Les acteurs WASH humanitaires, garant de l’ODD6 en zone de crise

Pour faire face à ces crises, les acteurs WASH humanitaires se mobilisent depuis des décennies sur des terrains d’interventions complexes, afin de soulager des besoins aigus dans le respect des principes humanitaires et bien souvent avec des moyens insuffisants. Le secteur souffre en effet d’un sous-financement chronique[4], d’un manque de capacité, d’expertise, et parfois d’un manque de préparation, le rendant inapte à répondre adéquatement à toutes les crises, les humanitaires restent souvent les seuls acteurs de 1ère ligne durant les crises, en l’absence de réponse institutionnelle ou étatique à la hauteur des enjeux. D’autre part, le secteur a pris acte de ces lacunes et s’organise pour les adresser à travers la mise en place d’initiatives structurelles pilotées par un collectif d’acteurs représentant la diversité du secteur (https://www.washroadmap.org/). En outre, conscient de l’importance des actions humanitaires WASH pour garantir l’atteinte de l’ODD 6, un Appel à l’Action (Call To Action) a été développé et diffusé largement pour interpeller les gouvernements, les bailleurs et les décideurs politiques sur l’enjeu crucial de la WASH humanitaire, dans la perspective de la conférence de NY et au-delà. Parce que les questions liées à l’eau sont transverses, multisectorielles et transdisciplinaires, elles sont à la fois vectrices d’opportunités à travers le spectre des objectifs de développement durable, mais aussi s’en trouvent diluées, et par conséquent, en mal de considération politique forte. Les Etats et institutions internationales ne prennent pas suffisamment la mesure des efforts nécessaires, ni n’assument suffisamment leurs responsabilités à cet égard. En particulier les priorités WASH humanitaires sont peu visibles lors des grands forums et événements du secteur, il apparait alors important de faire front commun et de porter ensemble des messages clairs et mobilisateurs, c’est là le rôle du « Call To Action ».

Construction d’un chateau d’eau d’urgence à Gargando, commune du Mali, décembre 2021. @SolidaritesInternational

SOLIDARITES INTERNATIONAL porte son combat pour l’eau à la Conférence de New York

Solidarités International fait partie des signataires du CTA, et souhaite porter ce plaidoyer à la Conférence de New York. A travers nos actions sur le terrain en faveur de l’accès à l’eau et l’assainissement pour les plus démunis nous portons cet engagement auprès de plus d’un million de personnes dans 22 pays. Nous développons des projets qui permettent à la fois de répondre aux besoins les plus urgents provoqués par les chocs auxquels sont confrontées les populations que nous assistons mais également de renforcer durablement leur résilience face aux crises5. Ainsi en est-il par exemple de notre projet Nex’Eau, au Burkina Faso, en partenariat avec le GRET, le groupe URD, l’ONEA, l’AFD et l’USAID, qui vise à permettre à 70 000 personnes d’accéder à un service d’approvisionnement en eau géré de manière sûre (Indicateur 6.1.1) et à 220 000 personnes d’accéder à un service d’approvisionnement en eau de base. Nos actions participent effectivement à l’atteinte de l’ODD 6 et des cibles Eau : au Yémen, un projet de trois ans financé par la Coopération Suisse (DDC) et le ministère néerlandais des Affaires étrangères, contribue à la réalisation de 10 objectifs liés à l’eau dans le cadre de 6 ODDs différents[6]. Parce que l’accès à des services d’eau et d’assainissement sûrs concourt à la réduction de la pauvreté ou des inégalités de genre, à l’amélioration de la santé et de l’éducation, garantir cet accès auprès des populations touchées par des crises leur permet de passer de la survie au développement économique et social.

Enfin, Solidarités International a toujours inscrit dans ses priorités la lutte contre les maladies liées à l’eau, et plus particulièrement le choléra. Après une résurgence sans précédent de la maladie, qui a conduit plus de 29 pays à signaler des cas ou des épidémies de choléra en 2022, l’organisation a décidé de souligner à nouveau l’importance de mettre fin au choléra pour atteindre l’ODD6 en organisant un événement officiel en marge de la Conférence sur l’eau de l’ONU23, avec les principaux partenaires actifs de cet engagement collectif. La feuille de route mondiale pour éradiquer le choléra d’ici 2030, qui constitue la base de cet événement parallèle qui a été approuvé à l’agenda officiel, est devenue un Engagement Volontaire du « Water Action Agenda ».

Baptiste Lecuyot

Baptiste Lecuyot est Responsable du pôle Eau, Assainissement et Hygiène à Solidarités International. Il est titulaire d’un diplôme d’ingénieur en sciences et technologies de l’eau de l’école d’ingénieurs Polytech’ Montpellier, France. Il a travaillé pendant cinq ans dans le secteur privé de l’eau et de l’assainissement en France, notamment en tant que chef de projet assainissement dans une entreprise de travaux publics. Après avoir obtenu son diplôme de Bioforce, il a travaillé pendant trois ans comme responsable de programme WASH pour des organisations internationales au Sud-Soudan et au Moyen-Orient, et pendant deux ans et demi comme coordinateur WASH de l’équipe d’intervention d’urgence de Solidarités International dans plus d’une dizaine de contexte. Il est maintenant chargé de mettre en œuvre et de développer la stratégie WASH de Solidarités International, de soutenir des projets de recherche et d’innovation et de représenter Solidarités International dans les forums et évènements majeurs du secteur.

 

[1] D’après l’Aperçu des Besoins Humanitaires Globaux pour 2023 (disponible sur https://humanitarianaction.info/)

[2] En réalité, d’après les rapports du Joint Monitoring Program, dans les contextes fragiles, il s’agit de multiplier les efforts par 23, 9 et 5 pour atteindre un accès universel à respectivement des services d’eau et d’assainissement gérés de manière sûre et des services d’hygiène élémentaires. La situation est encore plus critique en Afrique où les taux de progrès doivent atteindre respectivement 12, 20 et 42 pour l’eau, l’assainissement et l’hygiène.

[3] Dans le monde, en 2016, 1,9 million de décès et 123 millions d’années de vie corrigées de l’incapacité (AVCI) auraient pu être évités grâce à des services WASH adéquat – d’après « Water, sanitation, hygiene and health: a primer for health professionals. Geneva: World Health Organization; 2019 (WHO/CED/PHE/WSH/19.149) »

[4]  Si l’on considère uniquement les fonds d’urgence pour l’eau, l’assainissement et l’hygiène (EAH), les fonds versés n’ont couvert en moyenne que 38% des besoins depuis 10 ans (2012-2021), avec le taux le plus faible jamais atteint en 2021 et 2020, soit respectivement 22% et 21% du financement requis (Source : OCHA – service de Tracking Financier)

[5] Voir à ce propos la stratégie EAH de l’organisation : https://www.solidarites.org/wp-content/uploads/2020/06/strategie-eau-assainissement-hygiene-2020-2025-SOLIDARITES-INTERNATIONAL.pdf

[6] Analyse effectuée à l’aide de l’application Water4AllSDG (https://water4allsdgs.org/) développée par le Partenariat Français pour l’Eau.

 

 

 

Réaffirmer l’importance de mettre fin au choléra pour l’atteinte de l’ODD6 

 

 

 

 

 

 

APPEL À L’ACTION POUR UNE EAU DE SURVIE ET RÉSILIENTE DANS LE CADRE DE LA CONFÉRENCE SUR L’EAU 2023 DE L’ONU

 

 

 

Solidarités International

L’Eau, d’abord…et avant tout !

Une femme vient chercher de l’eau à la borne fontaine secteur 3, Gado I alimentée par le château d’eau. @SolidaritesInternational

Enfin … Dans moins de 30 jours va s’ouvrir la Conférence (très) attendue des Nations Unies sur l’Eau, à New York. Une ville américaine de plus de 8 M d’habitants, qui connait un taux de NRW (non revenue water) supérieur à … 40% ! Sérieux ? Oui, c’est ici que vont se dérouler, près de 50 ans plus tard, les entretiens réunissant les nombreuses parties prenantes, politiques, ONG, société civile, scientifiques et universitaires, institutions et financiers, secteur privé, qui vont tous partager l’état de ce secteur vital, les enjeux et proposer -on l’espère- des solutions.

Le co-président de la Conférence mondiale sur l’économie de l’Eau, Mr Shanmugaratnam, le rappelait encore il y a quelques jours : la demande en eau devrait dépasser l’offre de plus de 40% d’ici 2030, autant dire à peine demain. Et la très intéressante étude du Pacific Institute sur les conflits liés à l’Eau révèle par ses statistiques rigoureuses une centaine de conflits entre 1960 et 2010, puis une accélération de 2010 à 2021 comptabilisant plus de 800 affrontements de plus en plus violents, avec pour la seule année 2021 un chiffre record de 124 incidents, principalement en Asie et sur le continent africain. Il n’y a donc aucune raison pour que le sujet de l’Eau et de l’Assainissement ne soit pas remis au premier rang des priorités publiques. Même si d’autres menaces sont venues ces dernières années bousculer le rang d’urgences de l’action publique et privée : impact du covid, avec la réallocation des moyens financiers dédiés à d’autres secteurs, systèmes alimentaires et agriculture bouleversés, les guerres en résurgence inattendues…. C’est bien aux « 8 milliards d’actionnaires » -comme le dit M.Csaba Korosi, Président de l’Assemblée générale des Nations unies- qu’il va falloir rendre des comptes à court terme. En 1950 2,6 milliards d’habitants, 8 milliards en novembre 2022 et plus de 10 milliards à l’horizon 2100, voilà des chiffres et une trajectoire qui remettent simplement et en transparence notre responsabilité collective. Oui, nous savons, les scientifiques nous le répètent et alertent de concert avec nombre d’acteurs de la société civile.

Déplacés s’approvisionnant en eau. Région de Muhajeria, Sud Darfour. @WilliamDaniels/SolidaritesInternational

La Conférence va concentrer ses thèmes d’études et de dialogues sur 5 sujets majeurs, tous issus des travaux préparatoires entamés depuis plus d’un an : Santé/Développement/Climat/Coopération/Plan d’action à 10 ans. Ils sont le fruit d’un travail considérable de préparation aux multiples contributions, chacun se voyant détaillé les priorités exhaustives à privilégier dans ce dialogue ouvert, à l’instar par exemple de la Santé abordé sous l’angle lié de l’accès à l’eau, l’assainissement et l’hygiène. Un trio heureusement réuni. Ou autre exemple, le Développement qui associe le nexus eau/énergie/alimentation. Les visions ont largement progressé et la transversalité , l’interconnexion des réalités de terrain semble mieux appréhendée. Ecouter le terrain , oui, persuader les parties prenantes au premier rang desquelles, à parts égales disons-le, les politiques et le bailleurs de fond. Voilà l’un des enjeux majeurs qui -c’est incontestable- progresse. Mais est-ce vraiment suffisant ? 1 personne sur 3 n’a toujours pas accès à une eau salubre … Maintenant, il faut agir.

Antonio Guterres, le Secrétaire général de l’ONU appelle à un « plan d’action audacieux ». Parce que les constats sont faits, et maintenant plus personne ne peut prétendre « ne pas savoir », chacun sait que « chaque goutte compte ». Alors à New York, gageons que du dialogue aux actes, un pas réel sera -enfin- franchi.

Patrice Fonlladosa

Président thinktank (Re)sources

Patrice Fonlladosa est un expert en Environnement, avec plus de 35 ans d’expérience comme cadre dirigeant au sein d’entreprises leaders mondiales dans le développement, la construction et l’exploitation d’infrastructures.
Patrice est l’ancien président-directeur général de Veolia Afrique/Moyen Orient, un groupe couvrant plus de 10 000 employés et 1,7 milliard d’euros de chiffre d’affaires lors de son départ en 2019, couvrant plus de 12 pays
Il a précédemment été impliqué dans la gestion et le développement de Veolia- Transdev (membre du CA) puis Veolia Eau (membre du Comité Exécutif), introduisant de nouveaux partenariats avec diverses parties prenantes stratégiques, y compris les institutions financières de développement (IFC, Proparco…), et les investisseurs institutionnels (Mubadala, Qatari Diar et bien d’autres).
Patrice a une expérience approfondie des PPP (partenariats public-privé) et des contrats de long terme dans des environnements réglementaires complexes. Il a été membre de plusieurs conseils d’administration dans plus de 8 pays, dont la présidence d’une société cotée (SDC en Oman).
Avant de passer plus de 24 ans chez Veolia, Patrice a été directeur financier de Matra Transport Taiwan et chez Bouygues Travaux Publics.
En plus de ses rôles professionnels, Patrice a siégé pendant plusieurs années comme administrateur au CA de l’AFD (l’Agence française de développement) et du MEDEF. Il a également été président Afrique et vice-président du Conseil des affaires franco-saoudiennes du MEDEF International.
Actuellement président du think tank (Re)sources, il conseille des organisations publiques et privées sur le développement international et la gouvernance à travers son propre cabinet de conseil PFoAMe. Il est également administrateur indépendant dans plusieurs CA et Conseiller du Commerce Exterieur. Patrice est diplômé de l’IFG (1982), père de quatre enfants et Chevalier de la Légion d’Honneur.

 

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