La Syrie du nord-est assoiffée

Depuis le mois de juin 2021, la Turquie a réduit la quantité d’eau dans l’Euphrate pour la Syrie de 500 m3 seconde à 214m3 en retenant cette eau dans ses barrages en amont.

Nous roulons à petite allure sur le pont flottant qui enjambe le fleuve Tigre pour entrer en Syrie depuis l’Irak. La frontière Turque est proche. Faysh Khabur est le seul point de passage pour entrer dans ce nord-est Syrien aujourd’hui enclavé entre la Turquie et le territoire contrôlé à l’ouest par les autorités syriennes à Damas.

Cette région située entre le Tigre et le fleuve Euphrate est sous le contrôle du Conseil Démocratique Syrien dirigé par les kurdes avec des arabes et des représentants de ce qu’il reste ici des chrétiens syriaques et arméniens chassés de leurs terres comme de nombreux kurdes. Ce territoire a été le lieu d’âpres et meurtrier combats menés par les forces kurdes face aux djihadistes de Daech, depuis la bataille de Kobané jusqu’à celle de Raqqa avec l’appui de la Coalition Internationale dont la France, les Etats-Unis et la Grande Bretagne.

Raqqua, comme à Kobané, une guerre destructrice, immeuble par immeuble, que les combattants kurdes, femmes et hommes, ont remportée contre Daech au prix de lourdes pertes. @Mahmoud Bali

Je voyage en bonne compagnie avec Bernard Kouchner, ancien ministre des Affaires étrangères, Patrice Franceschi, écrivain engagé qui vient de publier un roman sur les combattantes kurdes, les Yapajas, et Gérard Chaliand, géostratège, tous les trois habitués de longue date de cette région. Avec eux, je suis là comme humanitaire spécialiste de l’eau.

Nous sommes invités par l’Auto Administration du Nord-Est Syrien (AANES) à participer à un « Forum International pour l’eau dans le Nord-Est Syrien » qui se tient dans la ville d’Hassakeh les 27 et 28 septembre. Car cette région du Nord-Est est aujourd’hui au centre d’une triple crise de l’eau qui perturbe et menace gravement la vie quotidienne de ses habitants et des populations déplacées de force par les combats qui ont lieu en Syrie depuis maintenant plus de 10 ans.

Le long de la route vers Amuda, des immeubles en construction à l’abandon. @Alain Boinet

Ici, la terre est uniformément plate. Les montagnes protectrices sont de l’autre côté, au Kurdistan d’Irak. Le long de la route, nous découvrons une ville fantôme avec ses alignements d’immeubles inachevés, vides, à l’abandon. Plus loin, apparaissent des petits puits de pétrole comme des culbutos qui fournissent le carburant local. Ici et là, dans la plaine, des troupeaux de moutons, une des rares ressources de la région.

Dans la voiture, au long des heures, les discussions vont bon train sur l’imbroglio qui règne ici, sur le sort des populations et leur avenir bien incertain mais avec l’espoir chevillé au corps. Sur la route, on y croise régulièrement des convois militaires Russes ou Américains et les Turcs ne sont pas loin. A une petite demie journée de route, nous atteignons notre destination, la localité d’Amuda où l’Auto administration nous reçoit dans une maison pour les hôtes de passage.

Forum International pour l’Eau dans le Nord-Est Syrien.

Le lendemain, l’accueil est chaleureux à Hassakeh dans le hall du vaste amphithéâtre où le Forum se déroule. Le programme est dense et riche avec 23 intervenants, principalement kurdes, arabes, avec des invités venant d’Irak, de France, d’Autriche, de Grande Bretagne ou d’Afrique du Sud. Des représentants d’ONG humanitaires internationales actives dans la région sont là aussi.

Allocution d’ouverture par Bernard Kouchner du Forum International de l’eau dans le nord-est Syrien.

Dans son allocution d’ouverture, Bernard Kouchner, invité d’honneur bien connu des kurdes, insiste sur les risques que la Turquie fait peser sur les populations en coupant ou en limitant les volume d’eau indispensables à la vie quotidienne et il salue avec beaucoup de conviction l’action des ONG locales et internationales.

Pour Patrice Franceschi qui lui succède, cette raréfaction délibérée de l’eau disponible est une guerre « sans bruit » qui vise à affaiblir les populations et il s’agit là d’une question éminemment politique et diplomatique.

Gérard Chaliand, conclura que malgré les erreurs et les incertitudes « personne ne peut vous obliger à ne pas être ce que vous êtes ». C’est toute la question du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes qu’il rappelle à notre conscience.

A la tribune, les experts vont succéder aux spécialistes pour montrer, évaluer, analyser les conséquences de la sécheresse qui touche toute la région, la coupure de la station d’eau potable d’Ah Houq et la réduction drastique du niveau de l’eau de l’Euphrate dont la source est en Turquie qui la retient en amont dans un grand nombre de barrages.

En guise d’introduction, un intervenant rappelle les traités et agréments signés entre la Turquie, la Syrie et l’Irak et toujours d’actualité. Toutes les disciplines sont présentes dans ce Forum pour traiter le sujet de l’eau : droit international, science politique, économie, environnement, agriculture, biotechnologie, géographie, architecture, géologie, recherche, humanitaire. A les écouter s’exprimer et débattre, on découvre le haut niveau de formation et de compétence existant qui demeure impliqué face aux graves difficultés auxquelles les populations sont confrontées dans leur vie quotidienne et qui conduisent certains à prendre à contre coeur le chemin incertain de l’exil.

Je suis Invité à titre personnel comme spécialiste de l’eau et administrateur de plusieurs organisations, coordination et think tank dédiés à l’eau et à l’assainissement, aux situations d’urgence et de reconstruction comme à la réalisation des Objectifs de Développement Durables (2015-2030) qui prévoient dans son Objectif 6 un accès universel à l’eau potable pour tous dans le monde. C’est à ce titre que j’interviens à la tribune du Forum pour rappeler ce que nous savons tous : l’eau c’est la vie, c’est un bien public mondial, et que rationner si ce n’est couper délibérément l’eau aux populations pour faire la guerre est contraire au Droit International Humanitaire (DIH) qui s’applique à tous dans les conflits.

Alain Boinet devant l’entrée du Forum avec des participants. @Alain Boinet

En fin de matinée, nous prenons nos repas tous ensemble dans une grande salle autour de tables communes. C’est là, autour d’un plat, que je fais connaissance avec les membres du Forum des ONG dans le Nord-Est Syrien et d’autres représentants d’ONG venus de Bagdad et mobilisés sur la défense du fleuve Tigre qui, venant de Turquie, dessert l’Irak où il va rejoindre l’Euphrate pour former un estuaire commun, le Chatt-el-Arab, long de 200 km, qui débouche dans le Golfe Persique.

Puis, c’est l’heure du « tchaï », le thé et du « Cawa », café, sous une grande tente qui nous protège d’un soleil brulant qui nous surplombe dans le bleu du ciel. C’est également l’heure des retrouvailles quand d’anciens amis et connaissances se retrouvent avec Bernard Kouchner.  Accolades et souvenirs s’enchainent. J’ai moi-même la surprise d’être abordé par trois jeunes, un homme et deux femmes, qui veulent faire un selfie. « D’accord mais dites-moi avant comment vous me connaissez ». « On vous a vu sur l’écran du Forum et on vous a reconnu ». Après les photos, dans la discussion, je découvre qu’ils travaillent pour la coordination des ONGI humanitaire pour l’eau, l’assainissement et l’hygiène.

Je ne peux pas résumer tant d’interventions et de débats durant ces deux jours de Forum à Hassakeh en raison de la diversité et de la densité des propos comme des vidéos illustrant bien le sujet au plus près des réalités. En revanche, je vous dois maintenant de présenter le pourquoi et le comment de cette triple crise de l’eau qui assoiffe lentement la population et l’agriculture.

La triple crise de l’eau dans le Nord-Est Syrien (NES)

Depuis longtemps, comme humanitaire militant pour l’accès à l’eau potable, l’assainissement et l’hygiène pour tout dans le monde, j’ai eu de nombreuses occasions d’intervenir pour l’accès à l’eau en Afghanistan, en RDC, au Mali, au Liban et ailleurs et de publier et plaider la cause de l’eau à Genève, Istanbul, Marseille, Daegu, Paris ou Dakar et, aujourd’hui, au Nord-Est Syrien.

Les informations présentées ici, les chiffres en particulier, sont issues des informations provenant de l’AANES et, pour l’essentiel, du Forum du NES qui regroupe et coordonne l’action humanitaire de 14 ONGI dans 16 domaines différents, de l’eau à la santé, de la sécurité alimentaire à l’énergie en passant par l’éducation. Rappelons que les agences des Nations et le CICR n’ont pas l’autorisation des autorités de Damas d’intervenir dans le NES, à l’exception de quelques enclaves gouvernementales et des camps de déplacés.

Pour revenir à la triple crise de l’eau, celle-ci provient de la conjugaison d’une forte sécheresse dans toute la région en 2020-2021, de la coupure de l’eau potable de la station de Al Houq et de la forte diminution du niveau d’eau dans l’Euphrate.

La crise de l’eau de la sécheresse. En 2020-2021, les pluies ont décru de 50 à 70 % dans toute la région selon la FAO. Plus précisément, l’AANES calcule que la diminution est de plus de 75% pour les cultures pluviales et de 10 à 25% pour les cultures irriguées. Il y a deux saisons en Syrie pour les récoltes, la saison d’hiver de novembre à Mai et la saison d’été de juin à septembre. La sécheresse et la forte diminution d’eau dans l’Euphrate provoquent une augmentation de l’insécurité alimentaire sachant que le NES produit 80% du blé et de l’orge en Syrie. Ainsi, cette année, la production d’orge a chuté de 2,2 millions de tonnes à 450.000 tonnes !

Carte montrant l’emplacement de la station d’eau potable d’Hal Houq située en territoire syrien occupé par les Turcs.

La crise de la station d’eau potable d’Hal Houq. Cette station est située en Syrie sur un territoire situé entre Ras-al-Ain et Tel Abiad, qui sur une longueur de 100 km et une largeur de 30 km a été annexée par la Turquie à l’issue d’une offensive militaire de deux mois lancée le 9 octobre 2019. Depuis, les populations kurdes originaires de cette zone ont fui et vivent maintenant dans des camps de déplacés. Elles ont été remplacées par des populations arabes syriennes qui étaient réfugiées en Turquie ainsi que par de nombreux djihadistes.

Cette station est donc sous le contrôle des autorités turques qui depuis octobre 2019 opèrent régulièrement des coupures d’eau. Depuis l’été 2021 la coupure d’eau est totale. Or, cette station est la seule à pouvoir alimenter les populations d’Hassakeh et des villages environnements ainsi que des quatre camps de déplacés. Cela représente 460.000 habitants et 99.000 déplacés.

Distribution d’eau potable par camion-citerne par les organisations humanitaires.

C’est là qu’on dû intervenir de toute urgence plusieurs ONGI humanitaires internationale avec des camions citernes d’eau, ou « water trucking », pour ravitailler en continu les camps de déplacés, les centres informels d’accueil et les habitants. Des entreprises privées locales opèrent par ailleurs des forages dans les nappes d’eau souterraine et vendent l’eau aux habitants.

La crise de l’eau du fleuve Euphrate.

Venant de Turquie où il a sa source, l’Euphrate traverse la Syrie du Nord au Sud puis pénètre en Irak où il va rejoindre le Tigre puis le Golfe Persique. Dans des accords passés en 1987 et toujours d’actualité, la Turquie s’est engagée à fournir 500 m3 d’eau par seconde à Damas.  De son côté, en 1989, la Syrie a signé un accord bilatéral avec l’Irak prévoyant que 52% des eaux de l’Euphrate reviendrait à Bagdad.

Or, depuis le mois de juin cette année, la quantité d’eau entrant en Syrie est tombée à 214 m3 par seconde c’est-à-dire une chute brutale de 60% aux nombreuses conséquences pour les populations de la région, tant dans le Nord-Est que dans la partie Ouest du fleuve sous le contrôle du gouvernement Syrien de Damas. Ainsi, 54 des 73 stations de prélèvement d’eau situées à l’ouest voient leurs capacités fortement diminuées, de même que 44 des 126 stations se trouvant sur la rive Est du NES impactant 38 communautés, des camps et des centres d’accueil collectifs et informels accueillant des déplacés forcés.

Niveau actuel de l’eau par rapport au niveau habituel du barrage de Tishreen.

Cela a entrainé des conséquences immédiates pour les populations. Ainsi, le barrage hydroélectrique de Tishreen, premier barrage sur l’Euphrate en Syrie, ne peut plus utiliser que 2 de ses 6 turbines produisant 5 à 6h d’électricité par jour (février 2021) au lieu de 12 à 14h (Juin 2021). On voit bien les conséquences pour les familles, hôpitaux, services publics, magasins et exploitations agricoles ! Un peu plus bas, le barrage de Tabqa est à 20% de son niveau normal, très proche comme à Tishreen du « niveau mort » ou « dead level » en deçà duquel les turbines seraient irrémédiablement endommagées.

Niveau de l’eau très bas à la station Al-Suwah à Deir-Ez-Zohr au sud de la Syrie

Du côté des stations d’eau le long du fleuve, cette diminution du niveau de l’eau réduit autant l’eau pour la consommation des familles que pour l’irrigation des cultures. Enfin, la concentration chimique, bactériologique, provenant des égouts et des déchets agricoles et industriels, provoquent une augmentation des maladies hydriques, particulièrement les diarrhées qui accroissent la mortalité infantile en l’absence de médicaments anti diarrhéiques. Sans oublier la croissance alarmante des cas de malnutrition chez les enfants en bas âge.

Les conséquences sont saisissantes selon les organisations humanitaires internationales :

  • 5,5 millions de personnes sont en danger par manque d’eau potable dans le NES et le gouvernorat d’Alep.
  • 3 millions d’habitants sont touchés par la réduction de l’énergie électrique.
  • 5 millions de personnes sont affectées par une diminution des moyens de subsistance alimentaire.

Conclusion.

La conclusion de ce Forum suivi par plus de 150 experts s’est clôturée dans une ambiance à la fois studieuse et cordiale.

Gérard Chaliand avec des participants à la fin du Forum International de l’Eau dans le nord-est Syrien.

Dans cette triple crise de l’eau, il faut distinguer la sécheresse qui affecte sans distinction tous les pays de la région, dont la Turquie, et l’utilisation de la station d’Al Houq et de l’eau de l’Euphrate comme moyen de pression sur les populations et sur les autorités du NES.

La Turquie poursuit activement le développement de son immense projet (GAP) de construction de 22 barrages et de 19 usines hydroélectriques en amont de la Syrie et de l’Irak et peut à tout moment réduire ou leur couper l’eau !

Les conséquences humanitaires sont immédiates dans le NES pour 2,6 millions d’habitants et déplacés, selon les organisations humanitaires, dont 1,8 million nécessitent une aide humanitaire alors que plusieurs facteurs de vulnérabilité (restriction sévère d’eau potable de boisson et pour l’agriculture, diminution des productions agricoles, maladies hydriques, augmentation des prix) se conjuguent pour le pire. Ainsi, l’auto administration indique que 72% des fermiers sont victimes d’une réduction des récoltes de blé et les stocks sont à un niveau dangereusement bas avant l’hiver.

Dans l’immédiat, la première urgence est humanitaire. Le Forum du NES et ses 14 ONGI font un immense travail mais selon leur évaluation, il manque 215 millions d’USD pour faire face aux besoins essentiels dont 122 millions nécessaires dès maintenant, tant pour les besoins immédiats que pour développer la production de blé de la prochaine saison.

Déclaration sur les réseaux sociaux de Bernard Kouchner reçu par le ministre des Affaires étrangères de l’auto administration, M. Abdul Karim Omar.

Sur le plan de l’hydro diplomatie, il faut revenir aux Conventions cadres de référence internationale : la Convention d’Helsinki de 1992 et la Convention de New-York de 1997. Celles-ci font référence à « l’utilisation équitable et raisonnable » de l’eau entre pays riverains ainsi que sur l’«obligation de ne pas causer de dommage à l’utilisation des autres Etats ».

 Dans cette perspective, la station d’Al Houq doit à nouveau ouvrir les vannes de l’eau potable et la station devrait être accessible aux Nations-Unies et au CICR notamment. D’autre part, conformément à ses engagements, la Turquie doit à nouveau délivrer 500 m3 d’eau par seconde dans l’Euphrate pour les populations en Syrie et en Irak.

Sur la route du retour vers Paris, si je suis certain que les humanitaires comme l’auto administration du NES feront tout ce qu’ils pourront pour les populations en danger, pour l’essentiel c’est maintenant à l’hydro-diplomatie d’agir pour éviter le pire si cette situation devait perdurer.

 

Alain Boinet de retour du Nord Est Syrien.

 

L’environnement est aussi une question humanitaire.

Réduire l’impact environnemental négatif des interventions humanitaires portant sur l’Eau, l’Hygiène et l’Assainissement : l’exemple du programme stratégique assainissement de Solidarités International.

Aude Lazzarini, responsable du pôle Eau, Assainissement, Hygiène chez Solidarités International (SI) a présenté, le 21 septembre 2020, la façon dont SI prend en compte et intègre les enjeux environnementaux dans ses interventions. Cette présentation s’est faite dans le cadre d’une réunion du Groupe de Réflexion Urgence Post-Urgence (GRUPC), accueillie par Médecins du Monde, dans ses locaux parisiens.

Le GRUPC a été créé en 2009. C’est un espace informel d’information, de réflexion et d’échange entre des dirigeants humanitaires, des experts, des représentants de Fondations et de pouvoirs publics. Les premiers présidents du GRUPC ont été Benoît Miribel, Anne Héry, puis Philippe Ryfman. Ce groupe est aujourd’hui présidé par Francis Chahron, auteur des Chroniques Philanthropiques sur le site Carenews.

Aude Lazzarini est intervenue lors d’une réunion questionnant l’impact environnemental de l’action humanitaire.

La prise en compte de l’environnement, une problématique au cœur des priorités programmatiques 2020-2025 de Solidarités International

Dans les dernières décennies, l’environnement a subi une pression anthropique constante et de plus en plus forte : réchauffement climatique, déforestation, appauvrissement des sols, disparition des terres arables, diminution et dégradation des ressources en eau etc. Ces phénomènes contribuent à aggraver la précarité sociale et économique des populations les plus vulnérables, affaiblissant leur capacité de résilience face aux chocs et aux stress. En parallèle, la récurrence des catastrophes naturelles continue d’augmenter à la fois en fréquence et en intensité.

Solidarités international – acteur humanitaire confirmé – se donne pour mission de secourir le plus rapidement et efficacement possible les populations victimes de conflits, d’épidémies et de catastrophes naturelles. L’ONG répond à leurs besoins vitaux et les accompagne jusqu’à ce qu’elles recouvrent les moyens de leur subsistance et de leur autonomie pour faire face, en toute dignité, aux défis futurs.

A ce titre, Solidarités international est convaincue que la question environnementale doit avoir une importance majeure au niveau de la communauté humanitaire. D’autant plus que ses interventions se concentrent souvent dans des contextes fragiles et/ou dégradés, structurellement déficitaires (en termes de cadre législatif, services publics, gestion rationnelle des ressources etc.) et particulièrement vulnérables aux aléas climatiques. Les acteurs humanitaires ont ainsi un devoir d’exemplarité et de limitation/mitigation de l’impact de leurs interventions sur l’environnement.

Cependant, la prise en compte des questions environnementales lors des opérations humanitaires est relativement complexe. Les acteurs humanitaires opèrent souvent sur des terrains assez contraignants du fait d’une restriction de l’accès aussi bien au terrain qu’aux données sur la situation et l’environnement d’intervention (population, us et coutumes, hydrogéologie, topographie etc.), d’une offre limitée du secteur privé, d’un fonctionnement dégradé des institutions publiques, d’une forte exposition aux aléas climatiques, etc. Par ailleurs, ils agissent souvent dans des situations d’urgence demandant une réponse rapide et limitent, voire ne permettant pas, la réalisation d’études et d’investigations s’inscrivant dans un temps long. Dans ces contextes, la préparation et l’anticipation des questions environnementales deviennent alors primordiales.

Depuis 2 ans, Solidarités International mène une réflexion stratégique profonde de ses modes opératoires. L’ONG a ainsi intégré la prise en compte de l’environnement au cœur de sa stratégie programmatique.

La politique environnementale de SI a été finalisée en 2020, le document cadre qui accompagne sa mise en œuvre y sera annexé pour la fin de l’année.

Ce document de positionnement reconnaît l’importance de la prise en compte de l’environnement lors de la conception et de la mise en œuvre des interventions, ainsi que dans les processus logistiques qui l’accompagnent. SI s’engage à intégrer au mieux les défis attenants à la prise en compte de l’environnement aux 3 niveaux suivants :

  • Fonctionnement au siège: efficacité énergétique, tri des déchets, achats responsables de biens et services, rationalisation des déplacements professionnels à l’international, etc.
  • Fonctionnement sur le terrain : chaine d’approvisionnement (achats responsables de biens et services/transport/entreposage), flotte de véhicules, gestion de l’énergie, recyclage des déchets etc.
  • Programmes (conception, mise en œuvre et suivi) : analyse des risques environnementaux, protection et gestion durable des ressources naturelles, prévention et gestion appropriée des déchets, limitation des effets négatifs sur l’environnement, confinement du risque sanitaire etc.
Vidangeurs en action dans une latrine d’un camps de réfugiés du Bangladesh ®Solidarités International

Concrètement, lors de ses interventions, SI s’engage à considérer les questions environnementales sous deux perspectives :

  1. La réduction des impacts environnementaux négatifs des interventions et du fonctionnement des bureaux ;
  2. Le renforcement de la durabilité de ses interventions, par la réduction de l’exposition et de la vulnérabilité des populations et des systèmes face aux aléas climatiques et à la dégradation et/ou l’épuisement des ressources naturelles, par la mise en œuvre de mesures d’adaptation et d’atténuation.

Une déclinaison opérationnelle de ses engagements aux travers des stratégies sectorielles 2020-2025

L’opérationnalisation « programmatique » de la politique environnementale de SI s’est faite au travers de ses stratégies techniques programmatiques, ou stratégies sectorielles. A ce jour, les stratégies « Eau, Assainissement et Hygiène » et « Sécurité Alimentaire et Moyens d’Existence » sont terminées et constituent les premières stratégies sectorielles de SI.

La stratégie EAH 2020-2025 est ambitieuse et met la santé publique, le bien-être et la dignité des populations affectées au centre de ses interventions. Elle s’inscrit dans la logique mondiale des Objectifs de Développement Durable (ODD) et vise à atteindre, en contexte dégradé, les ODD 3 et 6  qui ciblent, respectivement, la santé et le bien-être et un accès universel à l’eau potable et à l’assainissement d’ici 2030. Cette stratégie sectorielle EAH cible 3 axes programmatiques prioritaires, pour lesquels Solidarités International ambitionne d’améliorer les pratiques et de développer de l’expertise, de la connaissance et des innovations.

  1. Renforcer la lutte contre les épidémies :

Cette volonté implique de renforcer la coordination multisectorielle et de multiplier les actions et initiatives conjointes des secteurs EAH et de celui de la Santé. Elle inclut la consolidation des systèmes locaux de surveillance épidémiologique – dont la surveillance communautaire et environnementale -, l’amélioration de la prédictibilité des épidémies et de l’efficacité des réponses rapides, le renforcement des services d’eau potable, d’assainissement et d’hygiène dans les centres de traitement et dans les « hotspots » urbains des maladies endémiques.

  1. Renforcer la qualité des interventions EAH en phase d’absorption des chocs :

Lors de cette première phase des réponses d’urgence, l’objectif est de mieux considérer le principe du « do not harm » – « Ne pas nuire ». Cela, en systématisant (i) la mise en place de mesures de protection contre toute forme de violence et d’atteinte au bien-être et à la dignité des populations affectées, (ii) en contenant au maximum les risques sanitaires et (iii) en minimisant les impacts environnementaux négatifs. Sur ce dernier point, SI a priorisé – entre autres -, pour la période à venir, une meilleure préservation et gestion de la ressource en eau. L’objectif est, par exemple, de mettre en place, dès l’arrivée sur le terrain des différents acteurs, une coordination et un suivi suffisant des ressources en eau exploitées. Lorsque cela n’est pas fait, cela peut amener à une surexploitation des ressources comme ça a été le cas à Maiduguri au Nigéria. L’exploitation de la nappe artésienne – dans un souci de réponse à la forte demande générée par l’afflux massif de déplacés internes – a induit une baisse significative du niveau statique de la nappe. L’absence de suivi spécifique a limité la capacité des acteurs à mettre en place des mesures de mitigation à temps.

Une autre problématique commune concerne l’assainissement. Dans les premiers moments des réponses aux crises, les services d’assainissement ne sont souvent pas considérés comme une filière à part entière qui comprend plusieurs étapes : collecte des excrétas, transport, traitement et évacuation. L’action humanitaire a tendance à se concentrer sur la construction de latrines – pour collecter les excrétas et confiner les risques sanitaires – en « oubliant » les actions de vidange et de traitement des boues. Ces dernières sont généralement prises en charge par le secteur privé informel. Or, ce dernier ne prend pas toujours en compte l’environnement et les impacts négatifs que son action peut avoir dessus. Il arrive qu’il dépote les excrétas dans la nature, exposant, de ce fait, les populations à des risques sanitaires et l’environnement à de fortes pollutions.

Cette pratique – de la non prise en compte de l’intégralité de la filière de l’assainissement dans les premières phrases d’urgence – est assez courante dans le secteur humanitaire compte tenu de la difficulté à mettre en place des systèmes de traitement efficaces. La conception, le dimensionnement et la mise en service de ces derniers requiert de l’expertise, de la réflexion, des études et des formations – activités se situant dans une temporalité toute différente de l’urgence de l’action humanitaire. La question est donc la suivante : comment faire bien et rapidement des activités impliquant des temporalités opposées, le tout, dans un contexte dégradé ? Comme nous le verrons ci-après, SI a développé un sous-programme stratégique spécifique pour répondre à ces problématiques.

  1. Renforcer les services publics EAH dans les contextes dégradés :

Pour ce dernier axe programmatique prioritaire, il s’agit d’accompagner les autorités locales à maintenir et/ou renforcer leurs services publics EAH essentiels dans les zones dégradées, affectées par des crises, où la pression sur ceux-ci est accrue du fait d’une arrivée massive de déplacés forcés (déplacés internes et réfugiés) ou de la déclaration d’une épidémie. C’est ce qui se passe, par exemple, au Nord du Burkina Faso, où de nombreux réfugiés arrivent dans les centres urbains. Cet afflux de personnes vient ajouter une pression forte sur un service de distribution d’eau potable déjà fragile et dégradé. La demande devient trop importante par rapport à l’offre et affaiblit d’autant un service déjà obsolète. Dans ce cadre-là, la gestion intégrée de la ressource en eau est une composante phare de la prise en compte de l’environnement. Il faut systématiser les bonnes pratiques pour garantir un rendement optimal des infrastructures et un usage rationnel de la ressource et s’assurer ainsi qu’il n’y ait pas une surexploitation des nappes, ce dans une logique d’anticipation du relèvement futur de la zone.

Logique d’intervention et principes d’intervention EAH de SI ®Solidarités International

Le sous-programme stratégique sur l’assainissement – faciliter le développement de filières complètes

SI développe des programmes stratégiques thématiques afin de proposer des solutions concrètes aux problématiques rencontrées sur le terrain et « opérationnaliser » ainsi les positionnements et volontés politiques de l’organisation,.

L’objectif du programme spécifique « Assainissement » est le suivant : sachant que le traitement des boues de vidange est souvent le parent pauvre de l’action humanitaire en situation d’urgence, SI souhaite soutenir activement la systématisation du développement de filière complète de l’assainissement dans les contextes humanitaires.

Transport manuel des boues de vidange, Sittwe, Myanmar. 2020 ®Marine Ricau / Solidarités International

 

 

 

 

Séchage des boues de vidange, Sittwe, Myanmar. 2020 ®Marine Ricau / Solidarités International

Pour se faire, SI a développé un programme spécifique à l’assainissement en contexte de crise. Il vise à soutenir la conception et la mise en œuvre de solutions efficaces et durables de traitement des boues, dans les contextes de crise de longue durée (> à une année), tout en proposant des solutions temporaires, pour la réponse d’urgence. Ces dernières permettent de confiner les risques sanitaires, dans l’attente de la mise en service des solutions pérennes de traitement des boues.

Le problème concret sur le terrain est la durée des études de faisabilité nécessaires à la conception et au dimensionnement de centre de traitement, ainsi que les délais de construction et de mise en service. Généralement, ces premières actions peuvent prendre jusqu’à un an. La question est donc de savoir quelles solutions temporaires peuvent être mises en œuvre, en attendant l’installation et la mise en service de technologies durables.

SI cherche à développer, avec des partenaires comme la Fondation Veolia ou la Tufts University, des réponses transitoires pour limiter les risques sanitaires et les impacts environnementaux négatifs. Ce sont des solutions innovantes et généralement coûteuses en termes de coûts d’exploitation, mais dont les coûts d’investissement sont assez faibles. Elles permettent de confiner le risque avant la mise en place de structures plus permanentes qui présentent, elles, des coûts d’investissement importants mais des coûts d’exploitation limités.

Deux solutions temporaires pour limiter le risque environnemental : les bio-additifs et l’hygiénisation des boues

SI va démarrer prochainement deux tests pilotes en partenariat avec la Fondation Veolia. Un premier sur des bio-additifs qui sont des micro-organismes qui dégradent les matières fécales. Ils permettraient de limiter le volume de boue et d’avoir un plus grand pas de temps entre chaque vidange. On produirait donc moins de boue et réduirait d’autant le risque pour l’environnement et la santé.

La deuxième recherche porte sur une solution développée par la Fondation Veolia – les SANIFORCES – à laquelle SI serait associé pour les essais terrain. Il s’agit de systèmes modulaires qui permettraient une hygiénisation des boues grâce à un détournement du procédé de méthanisation – on arriverait ainsi à un abattement de 99,9% des pathogènes, ce qui permettrait de dépoter les boues dans la nature sans propager un danger sanitaire. Une sélection rigoureuse des sites de dépotage serait associée afin de limiter également les risques environnementaux, notamment la pollution des ressources en eau.

Ces deux solutions sont temporaires or, SI cherche aussi à identifier des solutions durables adaptées aux crises de longue durée. Pour cela, SI a développé un site internet, Octopus (retrouvez notre article sur cette plateforme collaborative, ici), qui promeut le partage d’expérience et diffuse des retours d’expérience sur des solutions de traitement, mises en œuvre dans les principaux théâtres de l’action humanitaire. L’objectif est ainsi de dresser un tableau exhaustif de tous les procédés de traitement des boues qui existent dans le contexte humanitaire. Les solutions sont décrites et leurs avantages et inconvénients sont détaillés afin d’ aider les praticiens à choisir la solution la plus adaptée à leur terrain.

Station de traitement des boues, Sittwe, Myanmar. 2020 ®Marine Ricau / Solidarités International
Station de traitement des boues, Sittwe, Myanmar. 2020 ®Marine Ricau / Solidarités International

En parallèle, Solidarités International professionnalise et renforce l’efficacité de ses stations de traitement des boues existantes. Au Myanmar, par exemple, SI – en partenariat avec la Fondation Veolia – améliore la qualité de sa station de traitement des boues (retrouvez notre article sur ce laboratoire au Myanmar, ici). L’ONG souhaite aussi mener un projet de thèse pour explorer les façons dont pourraient être utilisés les extrants de ce processus pour une réutilisation agricole (compost et eau d’irrigation).

La prise en compte de l’environnement est ainsi une problématique phare chez Solidarités International. Elle est intégrée aux stratégies de développement de l’action de SI car les populations soutenues par l’ONG sont souvent les plus vulnérables aux aléas climatiques. Par soucis d’éthique et d’exemplarité, Solidarités International considère donc primordial la prise en compte l’impact environnemental de ses programmes.

Aude Lazzarini

Responsable Eau, Hygiène, Assainissement

Direction des Opérations Adjoint aux Programmes, Solidarités International

Contact DOAP : Directrice des programmes, Anne-Lise Lavaur : allavaur@solidarites.org

Questions-Réponses

Suite à l’intervention d’Aude Lazzarini, les participants ont pu poser des questions et commenter la présentation. La problématique de l’accès à l’expertise a été soulevée et Aude a pu présenter les différents leviers mis en placez chez SI pour renforcer les partenariats dans une logique « multi-acteurs ». Les participants ont aussi discuté de la place de l’innovation et des freins au développement de techniques innovantes. Ces difficultés sont à la fois financières et liées à un positionnement du secteur plutôt frileux au risque, pourtant nécessaire à l’innovation.

Commentaire : Je souhaiterais souligner un point de difficulté présent dans la démarche de Solidarités International qui est le temps, les compétences et le coût que toutes ces activités induisent. C’est un réel problème lorsque l’on a peu de fonds propres et un challenge supplémentaire – faire mieux avec des ressources restreintes. Ce qu’Aude et son équipe ont développé est intéressant car ils ont travaillé avec des acteurs opérationnels ou académiques qui amènent d’autres compétences essentielles. Le « multi-acteurs » est une voie importante car il permet de trouver des solutions dont nous n’avons pas, seuls, les moyens ni financièrement ni scientifiquement.

Question : Face à la question du manque de moyens, ma question est la suivante : est-ce qu’il y a des groupes de travail, de développement pour réfléchir à ces questions d’ensemble que tu as présenté ? Est-ce que, chez SI, vous vous êtes réunis avec d’autres ONG pour penser collectivement ces questionnements ?

Aude Lazzarini : Oui, effectivement, nous faisons partie de groupes de travail sur ces questions. Par exemple, à l’échelle mondiale, nous sommes très actifs au sein du Global Wash Cluster qui est une instance de coordination de l’action humanitaire. Nous faisons partis d’un groupe de travail spécifique à l’assainissement et nous avons beaucoup d’échanges avec d’autres ONG, Oxfam, par exemple, qui a aussi priorisé l’assainissement pour les années à venir. Notre site, Octopus, vient d’être mis en ligne sur le site du GWC.

A l’échelle nationale, nous sommes surtout impliqués dans les groupes de travail sur l’accès aux services EAH en situation d’urgence avec le groupe PFE (Partenariat français pour l’Eau). Là-aussi, on travaille sur du multi-acteurs. La difficulté est qu’il y a beaucoup de problématiques et qu’il est difficile de toutes les aborder.

Enfin, en particulier sur les questions liées à la prise en compte de l’environnement, autant sur les aspects programmatiques que logistiques, notre participation active au Réseau Environnement Humanitaire du Groupe URD, nous a permis de mûrir nos réflexions avec d’autres acteurs humanitaires opérationnels de terrain et faire avancer notre positionnement.

Une des limites que nous rencontrons chez SI est l’accès à l’expertise. les réponses EAH nécessitent de mobiliser un large panel de compétences qui ne peut pas toujours être entièrement internalisé au sein des ONG, or il est primordial si l’on veut (mieux) prendre en compte l’environnement (entre autres). C’est une des raisons pour lesquelles nous avons beaucoup développé le multi-acteurs, via des consortiums et des partenariats. Nous avons également de nombreux chantiers en cours – en lien avec nos principaux mécènes techniques (Aquassistance, Fondation Veolia, ESF, Renewgies…) – pour la mise en place de hotlines qui permettraient d’optimiser le support technique délivré aux équipes sur le terrain.

L’autre difficulté, qui est l’une des limites principales pour SI, est l’accès aux guichets financiers qui permettent de financer l’innovation. Pour innover, nous devons prendre des risques, tester des solutions, définir si elles fonctionnent ou non. Or, nous sommes dans un milieu qui, d’un point de vue technique (entre autres), a une certaine aversion au risque. Nous avons tendance à vouloir que les choses marchent du premier coup, nous préférons souvent les approches classiques etc. Tout cela est une limite au questionnement de nos pratiques et à leur amélioration. Lorsqu’en plus, l’organisation a peu de fonds propres, comme c’est le cas pour SI, c’est un défi d’autant plus important.

Commentaire : J’aimerais ajouter une remarque au sujet de l’impact environnemental de nos activités. Si l’on veut travailler sur ces sujets, il faut que les technologies que l’on développe soient, elles aussi, robustes, appropriables et non génératrices d’impacts significatifs d’un point de vue environnemental. Il faut réfléchir à une logique de technologie, de réponse qui intègre, dès sa conception, cette problématique-là. Il ne faut pas se jeter sur les nouvelles solutions technologiques qui, si on les regarde selon leur bilan écologique global, auront d’autres effets, notamment certains néfastes sur l’environnement.

Question : Tu as évoqué ce sujet de faire vite et bien, alors que l’on a à peine le temps de faire bien. La question de la globalité de la vision en anticipation des crises est un sujet très intéressant. Est-ce que les ressources que vous avez développées et celles que vous partagez sont libre d’accès ?

A.L : Oui, bien sûr. Dans la stratégie EAH de Solidarités International, il y a des axes thématiques, mais également des objectifs spécifiques institutionnels. Pour l’eau, l’assainissement et l’hygiène, la première intention est de renforcer la lutte contre les épidémies et de faire des services EAH performants et adaptés ; la deuxième c’est d’innover et de développer l’accès à l’expertise. La troisième volonté, qui répond à ta question, c’est le plaidoyer et le partage de connaissances. Nous souhaitons partager les résultats de toutes les recherches que l’on entreprend et ainsi contribuer à produire de la connaissance au sein du secteur et la diffuser largement. Par exemple, pour la recherche sur les bio-additifs, nous travaillons avec un partenaire académique et nous allons arbitrer si cette technologie marche ou non. Si cela ne fonctionne pas, nous diffuserons le fait que c’était un échec. On pourra clore le débat et essayer de trouver d’autres solutions. L’idée est toujours de servir le secteur et l’action humanitaire.

Question : Avez-vous mis en place des partenariats avec des instituts de recherche fondamentaux ?

A.L. : Oui, tout à fait. Nous avons un partenariat avec la Tufts University qui est spécialiste des questions EAH en contexte humanitaire. Nous venons également de signer un protocole d’accord (MoU) avec la Johns Hopkins University pour toutes les recherches opérationnelles autour des réponses choléra. Il y a beaucoup de choses que l’on fait de façon empirique dans le domaine de l’EAH. L’idée est de questionner ces approches et de voir si nous pouvons gagner en efficience. Par exemple, lors d’une épidémie de choléra, on désinfecte systématiquement les domiciles un rayon de 50 à 100m. Il faut se demander pourquoi on fait cela, quel est l’impact de cette action et s’il y a d’autres pratiques plus adéquates.

Qui est Aude Lazzarini ?

Aude Lazzarini BWAude Lazzarini est ingénieur en génie industriel de l’environnement, spécialisée en hydraulique urbaine. Après une expérience auprès du plus grand service public d’eau français, Aude a travaillé comme chef de projet et expert technique sur des projets d’accès à l’eau potable et à l’assainissement. Elle a ainsi développé de fortes compétences techniques (APS/APD/modélisations hydrauliques) et institutionnelles dans la mise en place et l’optimisation des services publics d’eau potable et d’assainissement (diagnostics organisationnel et institutionnel, Partenariats Publics-Privés et contrats de Délégation de Service Public, montage de dispositifs de financement de type Output-Based Aid, formations et renforcement de capacités, élaboration de manuels de procédures etc.), ainsi que dans le domaine de l’ingénierie sociale (enquêtes ménages, analyse de la demande solvable, activités d’IEC et d’intermédiation sociale).

Aude a également contribué à l’élaboration de plusieurs documents de politiques et stratégies nationales sectorielles. Elle est depuis 2018, responsable du pôle Eau potable, Assainissement, Hygiène chez Solidarités International, et s’est spécialisée sur les problématiques de l’accès aux services EAH dans les contextes dégradés.

Vous pouvez la retrouver sur LinkedIn, ici.