L’Aide Publique au Développement 2022

Forte augmentation

 

@OCDE.

Synthèse courte issue de la note de synthèse détaillée de l’OCDE sur les données de l’aide publique au développement de 2022. A noter que ces chiffres sont des données préliminaires et que les données exactes et définitives, notamment pour l’APD humanitaire, ne seront connues qu’en décembre 2023. Il s’agit d’une note à titre indicatif.

 

Données générales sur l’APD en 2022

En 2022, l’aide publique au développement (APD) consentie par les pays membres du Comité d’aide au développement (CAD) s’est élevée à 204.0 milliards USD avec 201.4 milliards USD sous forme de dons, prêts à des entités souveraines, opérations d’allégement de la dette et contributions à des institutions multilatérales, 0.8 milliard USD consacrés à des mécanismes utilisant des instruments du secteur privé axés sur le développement et 1.7 milliard USD sous forme de prêts net accordés à des entreprise privés opérant dans des pays bénéficiant de l’APD.

L’APD totale a augmenté de 13.6% en termes réels[1] par rapport à 2021.C’est la quatrième année consécutive où l’APD dépasse son niveau record précédent : elle a représenté 0,36% du RNB contre 0,33% en 2021.

Les principales dépenses

  1. Les coûts des réfugiés dans les pays donneurs

Les dépenses consacrées aux coûts des réfugiés dans les pays donneurs sont montées à 29,3 milliards USD en 2022, soit 14,4% de l’APD totale des pays du CAD.

  1. L’Ukraine

L’APD consacrée à l’Ukraine équivaut à 16.1 milliards USD (7,8% APD totale) dont 1,8 milliards USD fourni sous forme d’aide humanitaire.

  1. Le Covid-19

On enregistre une baisse de 45% des dépenses pour les activités liées au Covid-19, soit un coût de 11,2 milliards USD dont 7 milliards USD destinés au soutien à la lutte contre le Covid. Les dons de vaccins (1,53 milliards USD) renvoient à un repli de 74,1% par rapport à 2021.

  1. Les projets et programmes, assistance technique et aide humanitaire

Les coûts liés à ces dépenses ont augmenté de 12,7% et l’aide humanitaire s’est élevée à 22,3 milliards USD, en hausse de 1% par rapport à 2021.

 

@OCDE.

Les principaux donateurs bilatéraux sur la base de l’équivalent-don

En 2022, les États-Unis sont restés le principal fournisseur d’APD parmi les pays membres du CAD (55.3 milliards USD), apportant plus d’un quart de l’APD totale du CAD ; l’Allemagne (35.0 milliards USD), le Japon (17.5 milliards USD), la France (15.9 milliards USD) et le Royaume-Uni (15.7 milliards USD) suivent. Les pays suivants ont atteint ou dépassé le seuil de 0.7 % fixé par les Nations Unies pour le rapport de l’APD au RNB : l’Allemagne (0.83 %), le Danemark (0.70 %), le Luxembourg (1.00 %), la Norvège (0.86 %) et la Suède (0.90 %).

Participation des fournisseurs non-membres du CAD : Turquie (0,79%) et Arabie Saoudite (0,74%).

Les donneurs du G7 ont fourni 75 % de l’APD totale et les pays de l’UE membres du CAD, 45 %.

L’APD consentie par les 20 pays du CAD qui font partie de l’UE s’est montée à 91.6 milliards USD, ce qui représente une augmentation de 18.6 % en termes réels par rapport à 2021. L’APD totale des institutions de l’UE s’est accrue de 30.3 % en termes réels, en raison principalement du soutien apporté à l’Ukraine, dont une partie sous forme de prêts

Pour voir en détail les hausses de chaque pays, cliquez ici.

La forte résilience adaptation de l’APD face aux situations de crises

L’APD est considérée depuis longtemps comme une source stable de financement du développement, qui a pu atténuer les répercussions immédiates des précédentes crises financières. En 2020 et 2021, au plus fort de la crise du COVID-19, de nombreux membres du CAD ont maintenu ou accru leurs budgets d’APD en soutien aux pays en développement.

En 2022, à 13.6 %, le taux de croissance de l’APD a été l’un des plus élevés jamais enregistrés ; seul le taux de 2005 lui était supérieur, quand l’APD nette avait augmenté de 32 % en raison d’opérations exceptionnelles d’allègement de la dette. Le rapport de l’APD au RNB a également enregistré une forte hausse ; la dernière fois où ce rapport avait atteint 0.36 % remonte à 1982.

L’OCDE a précédemment apporté la preuve de la fiabilité et de la résilience de l’APD dans la réponse apportée à la crise du COVID‑19.

Voir la synthèse préliminaire complète. : cliquer ici.

Synthétisée par Inès Legendre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] Les données en termes réels renvoient aux données ajustées de l’inflation et des fluctuations des taux de change.

L’aide humanitaire, 31 milliards en 2020

Lancement d’une campagne de nutrition au Sud-Soudan avec l’UNICEF et le PAM, 2015. Credit: UN Photo/JC McIlwaine (CC BY-NC-ND 2.0)

Les chiffres de l’aide Publique au Développement pour 2020 sont maintenant disponibles.

2020 ? Pour des opérateurs humanitaires habitués à l’immédiateté, sortir les chiffres de 2020 mi – 2022 peut paraître risible. On peut d’ailleurs trouver des données plus immédiates ailleurs, comme le Financial Tracking System (FTS) d’OCHA.

Mais l’OCDE ne travaille pas sur l’immédiateté, plutôt sur la qualité et la comparabilité des données entre les pays. Chacun des trente membres du Comité d’Aide au Développement (CAD, ou DAC en Anglais) rapporte chaque projet d’aide au développement à l’OCDE, et chacune de ces données, pour chaque contrat signé, est analysée pour s’assurer que la dépense correspond bien à la définition de l’Aide Publique au Développement (APD, ou ODA en Anglais). C’est un travail immense, qui assure l’intégrité des chiffres d’APD depuis sa création en 1969. L’assistance humanitaire est une partie de l’APD parmi de nombreuses autres, et même si les définitions s’adaptent, c’est généralement sur le temps long qu’il faut lire ces chiffres.

2020, donc. La pandémie de Covid commençait juste. Les Nations unies lançaient un appel de fond à hauteur de 9,5 milliards de dollars en même temps que de nombreuses opérations humanitaires étaient gelées. L’Ukraine n’était que le 26ème récipiendaire des fonds humanitaires des Nations unies, et de nombreuses questions se posaient. Pourquoi tant d’argent demandé si autant de programmes sont bloqués ? Qu’allait-il se passer, les bailleurs allaient-ils détourner leurs budgets d’aide au profit d’une réponse économique et sociale à domicile? Il n’en a rien été, et l’APD totale a encore augmenté en 2020, passant de 196 milliards de dollars en 2019 à 224 milliards en 2020. 60% de ce montant provient des 30 membres du CAD. Les chiffres préliminaires pour 2021 suggèrent déjà une nouvelle augmentation.

Pour les bailleurs, les dépense d’aide humanitaire sont une partie de l’Aide Publique au Développement. En 2020, la part d’aide humanitaire des membres du CAD s’élève à 31,2 milliards de dollars. Cela représente 13% de l’APD totale. De manière logique puisque ce sont dans ces contextes que l’aide humanitaire est mobilisée le plus, la part humanitaire représente 25% de l’aide dans les pays fragiles. C’est une moyenne et la part d’aide humanitaire varie beaucoup d’un pays à l’autre (tableau 1). Moins de 1% de l’APD française est allouée à l’aide humanitaire, une baisse depuis 2019, alors que plus de 28% de l’aide américaine est humanitaire. La tendance globale est haussière, donc, pour l’aide humanitaire (figure 1)

Source : OECD Creditor Reporting System, Creditor Reporting System (CRS) (oecd.org)

En 2020, 43% de cette aide humanitaire a été délivrée dans la région Moyen Orient, Afrique du Nord, et 26% en Afrique sub-saharienne. Cela se reflète dans la part des bailleurs ‘non traditionnel’ c’est-à-dire qui ne font pas partie du Comité d’Aide ou Développement et ne suivent pas ses règles. Ce sont principalement des bailleurs du Golfe et de la Turquie, dont l’aide cible plus précisément des crises spécifiques, la Syrie surtout et le Yémen ensuite, avec des variations annuelles de plus grande amplitude, moins de prévisibilité donc. (Figure 2). Il n’est pas sûr que la part des bailleurs non DAC financent de l’aide en Ukraine, ni qu’ils pallient la part d’aide à l’Ukraine de la part des membres du CAD qui n’ira pas à d’autres crises.

Source : OECD Creditor Reporting System, Creditor Reporting System (CRS) (oecd.org)

En 2020, 33% de cette aide humanitaire est mise en œuvre par des ONGs, internationales ou nationales. Si l’aide distribuée par les ONG augmente en valeur absolue, avec 6,4 milliards de dollars en 2020, le pourcentage a tendance à diminuer sur le long-terme, il était de 41% en 2002. C’est ainsi pour les ONG un effet de l’augmentation générale de l’aide humanitaire, qui tend à favoriser les grosses allocations à ceux qui peuvent les absorber le mieux. Pour un bailleur qui est tenu à une rigueur budgétaire avec des effectifs contraints, la capacité d’absorption comprend aussi sa propre capacité administrative à émettre des contrats, et cette capacité ne fait que diminuer, au détriment des ONG et plus encore des ONG nationales. Figure 3)

Source : OECD Creditor Reporting System, Creditor Reporting System (CRS) (oecd.org)

La part croissante d’aide humanitaire en valeur absolue autant qu’en pourcentage de l’aide pose plusieurs questions. Un élément important des discussions est que cette augmentation continue des besoins, et donc des financements humanitaires n’est pas soutenable dans la durée, d’autant plus qu’il y aura toujours plus de besoins que de financement pour y répondre. Les crises sont moins meurtrières que quelques décennies auparavant, mais elles sont plus nombreuses. et il est donc normal que la pression sur l’assistance humanitaire croisse en conséquence. Les crises semblent également de plus en plus couteuses. Le flash appeal des nations unies pour l’Ukraine demande 2,25 milliards de dollars pour six mois d’opération dans une région sans problème logistiques majeurs. Plus de 12 millions de dollars par jour, en plus de la réponse des gouvernements voisins, Pologne en tête, pour accueillir les réfugiés. Pour comparer, les cinq ans de la guerre en Bosnie entre 1991 et 1995 ont coûté à son principal opérateur humanitaire un peu plus d’un milliard de dollars de l’époque – environ deux milliards de nos jours.

Rapporté au 57 pays les plus fragiles, l’aide humanitaire, qui représentait 11% de l’aide totale en 2002 en représente aujourd’hui 25%. Que nous dit cette croissance du secteur humanitaire ?

Le plus gros de cette aide est mobilisée dans des contextes de conflit. C’est une tendance qui reflète en partie l’impossibilité pour la « communauté internationale » de prévenir des conflits, ou à tout le moins de transformer les conflits en violence. D’ailleurs on le voit de plus en plus chaque jour, la liste des valeurs communes qui fondait le concept de communauté internationale s’étiole rapidement. Les Nations Unies ne sont plus à même tenir le rôle qui justifiait leur création – préserver la paix – et, spectateur impuissant d’un monde qui change, l’organisation s’est donc transformée en organisation humanitaire géante. La guerre en Ukraine, inattendue, joue le rôle du tremblement de terre qui libère soudainement des années de tensions géopolitiques accumulées, et nous n’avons probablement pas fini d’en subir les répliques.

Cyprien Fabre

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Cyprien FABRE

Cyprien Fabre est le chef de l’unité « crises et fragilités » à l’OCDE. Après plusieurs années de missions humanitaires avec Solidarités, il rejoint ECHO, le département humanitaire de la Commission Européenne en 2003, et occupe plusieurs postes dans des contextes de crises. Il rejoint l’OECD en 2016 pour analyser l’engagement des membres du DAC dans les pays fragiles ou en crise. Il a également écrit une série de guides “policy into action” puis ”Lives in crises” afin d’aider à traduire les engagements politiques et financiers des bailleurs en programmation efficace dans les crises. Il est diplômé de la faculté de Droit d’Aix-Marseille. 

 


Tableau 1 : Aide Publique au développement 2020 et Aide humanitaire

million de dollar 2020, APD brut, déboursement

Membre du Comité d’Aide au Développement Aide Publique au Développement 2020 (USD million) Aide humanitaire 2020 (USD million) Part d’aide humanitaire de l’APD totale (%)
Total CAD 152 895.09 19 775.44 12.93
Australie 2 318.95 232.88 10.04
Autriche 568.21 55.68 9.8
Belgique 1 175.95 186.89 15.89
Canada 3 917.17 578.87 14.78
Republic Tcheque 72.7 19.03 26.18
Danemark 1 718.5 368.49 21.44
Institutions UE 23 977.1 2 534.8 10.57
Finlande 656.94 90.8 13.82
France 13 088.23 124.29 0.95
Allemagne 25 878.79 1 961.46 7.58
Grèce 84.78 4.21 4.96
Hongrie 225.93 7.65 3.39
Islande 46.13 4.03 8.74
Irelande 521.95 123.24 23.61
Italie 1 403.01 173.29 12.35
Japon 16 886.07 451.19 2.67
Korée 1 925.23 1925.23 6.76
Luxembourg 314.81 61.07 19.4
Pays-bas 3 748.29 342.58 9.14
N.Zélande 433.41 27.33 6.31
Norvège 3 168.32 473.12 14.93
Pologne 233.06 37.07 15.9
Portugal 230.37 6.18 2.68
Répubique Slovaque 37.35 1.4 3.74
Slovénie 31.15 1.82 5.83
Espagne 1 036.17 111.61 10.77
Suède 3 618.25 551.05 15.23
Suisse 2884.7 589.4 20.43
Royaume Uni 12 381.1 12 381.1 15.86
U.S. 30 312.46 8 562.12 28.25

 

Source : OECD Creditor Reporting System, Creditor Reporting System (CRS) (oecd.org)