Le Yémen en ruines

©Aden, Yémen, Saara Bouhouche, Solidarités International

Contexte

Le Yémen va entrer dans sa 6ème année de guerre entre le gouvernement soutenu par une coalition arabe dirigée par l’Arabie Saoudite et les rebelles Houthis. Le conflit s’est enlisé depuis ses débuts en 2014 passant d’un conflit civil et régional à un conflit international. Désormais, le conflit s’est complexifié avec l’intervention de nombreux acteurs : les Etats-Unis soutiennent l’Arabie Saoudite, les Houthis sont soutenus par l’Iran ; et des groupes djihadistes (l’Etat Islamique et Al Qaïda) sont également présents dans la région. A ce jour, le conflit n’est pas en passe de se terminer.

Pour la période de 2015 à 2019, ACLED (Armed Conflict Location & Event Data Project ) estime que le conflit a fait plus de 91 000 morts. Les combats ont également poussé sur les routes 3,6 millions de Yéménites, déplacés dans leur pays.

Pour comprendre ou se remémorer les étapes de la guerre au Yémen, nous vous conseillons ces deux articles :

Situation actuelle

Ce conflit a évidemment beaucoup touché la population dans un pays où l’Etat a cessé d’exister. Les conditions de vie sont devenues extrêmement difficiles : augmentation des prix, manque de nourriture, propagation de maladies (telles que le choléra, la diphtérie…), bombardements incessants…

S’ajoutant à cette situation déjà désastreuse, les bombardements d’infrastructures médicales, les attaques sur les transports de marchandises et les différents blocus entravent l’accès à l’aide humanitaire.

Ainsi, l’ONU déclare en 2019 que  le Yémen est la « crise humanitaire actuellement la plus grave au monde ».

Le groupe d’experts de l’ONU au Yémen dénonce également les nombreuses violations du droit international humanitaire par les différentes parties qui participent au conflit dont l’utilisation de la famine comme méthode de guerre.

L’ONU affirme qu’environ 24 millions de Yéménites, c’est-à-dire plus de 2/3 de la population, dépendent d’une façon ou d’une autre de l’aide humanitaire pour se nourrir, accéder à l’eau potable ou se soigner.

©Aden, Yémen, Saraa Bouhouche, Solidarités International

COVID-19

C’est dans ce contexte de crise humanitaire que la Covid-19 a fait son apparition, face à une population déjà fortement affaiblie par une guerre destructrice.

Le premier cas redouté de coronavirus a été déclaré le 10 avril et la possibilité d’une propagation du virus au Yémen dans un tel contexte, au moment où un cessez-le-feu fragile venait d’être déclaré, a fortement inquiété la communauté internationale et notamment les ONG. Le cessez-le-feu déclaré pour permettre de faire face à la pandémie a suscité un espoir, rapidement balayé lorsque les frappes ont repris.

Le 22 juin 2020, les autorités dénombraient 327 cas de Covid avec 81 morts OCHA considère que ce chiffre est bien en-dessous de la réalité, le Yémen n’étant pas en mesure de réaliser assez de tests pour tous les cas suspects. Le taux de létalité des cas observés serait 25%, un chiffre particulièrement élevé et alarmant, 5 fois supérieur à la moyenne mondiale.

L’un des problèmes principaux vient du système de santé yéménite qui n’est absolument pas en mesure de répondre à l’ampleur de la crise, lui qui était déjà défaillant avant l’apparition du Covid. L’apparition des premiers cas au Yémen a aussi eu pour conséquence la fermeture de nombreuses infrastructures de santé, faute de matériel de protection pour le personnel de santé. Ce sont donc les humanitaires qui ont pris le relais, également en difficulté face au réapprovisionnement en matériel.

© Structures sanitaires au Yémen, Humanitarian Country Team

Alors que le virus continue de se propager, le nombre d’enfants mal nourris pourrait atteindre 2,4 millions d’ici la fin de l’année selon les chiffres de l’UNICEF, cette augmentation de 20% est due à l’énorme manque de financement de l’aide humanitaire dans le contexte de la pandémie Covid-19.

En effet, la conférence des donateurs organisée le 2 juin à Riyad a suscité moins de dons qu’espéré. Les agences d’aide avaient demandé 2,41 milliards de dollars aux donateurs pour couvrir les activités humanitaires essentielles jusqu’à la fin de 2020, dont 180 millions de dollars pour lutter contre la COVID-19 ; seulement 1,35 milliard ont été promis. Jusqu’à ce que les donateurs tiennent leurs promesses, et sans financement supplémentaire, des programmes essentiels, y compris ceux des soins de santé publique, risquent d’être réduits ou supprimés.

Face à cette situation plus qu’alarmante, les organisations internationales, notamment le PAM et les ONG, sont plus que jamais mobilisées. Mark Lowcock (Secrétaire général adjoint des Nations unies aux affaires humanitaires et coordinateur des secours d’urgence) estime que les organisations internationales peuvent encore maintenir la stabilité de la situation humanitaire au Yémen avec un financement adéquat. Sinon, le monde sera confronté à regarder le Yémen s’effondrer.

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Méline Peyrot.