Déconfiner d’urgence l’aide humanitaire!

©Mozambique, Guaraguara, 21 mars 2019. Photo: WFP/Deborah Nguyen

Plus de la moitié de l’humanité assignée à résidence depuis une centaine de jours vient d’être enfin autorisée à sortir du confinement et à ressortir sagement. En attendant un vaccin, faute de mieux, la bataille scientifique fait rage autour de l’hydroxycloroquine.

Au fond, si au début on a perdu un temps précieux face à un virus inconnu et qui s’est mondialisé, si la priorité était à l’évidence d’éviter la paralysie des hôpitaux par l’embouteillage des malades et le risque de devoir les trier comme en temps de guerre, on a pu mesurer les limites de notre savoir et de nos moyens. Et le balancier a alors basculé de la légèreté vers l’excès, voire la psychose médiatique et politique et le confinement des esprits.

En France, comme ailleurs, les chaînes de télévision ont sonné jour après jour le tocsin de la grande peur des pandémies de la peste à la grippe espagnole. Trois mois plus tard, tout en reconnaissant la complexité des défis, nous pouvons regretter le manque de sang-froid, d’appel à l’esprit civique de responsabilité, de vérité sur les réalités, faiblesses qui nous valent aujourd’hui un manque de confiance dont nous avons grand besoin.

Comme beaucoup j’ai applaudi.

Comme beaucoup, tous les soirs, j’ai applaudi les « soignants » en y associant les éboueurs, agriculteurs, commerçants, personnels qui chaque jour nous ont approvisionné en eau potable, gaz, électricité et les pompiers toujours présents sur le front des incendies et des évacuations d’urgence et tant d’autres professions. A l’inverse, la peur, la prudence excessive, la frilosité, la sur-réaction n’ont-elles pas contribué à aggraver les conséquences collatérales de la pandémie ?

Comme les « soignants » qui ont risqué leur vie pour celles des autres, avec vous j’aimerai aussi applaudir les humanitaires dont la vocation première est de sauver des vies puis de les accompagner dans la convalescence et vers l’autonomie. Personne n’est obligé de faire de l’humanitaire. Ce n’est pas un job, c’est un choix, voire une vocation, un savoir-faire, un savoir être et une prise de risque assumée. Rien n’est jamais acquis pour l’humanitaire, il lui faut toujours surmonter l’épreuve et mériter la confiance des populations et des partenaires.

Alors, dans tout cela, l’humanitaire s’est-il lui-même trop confiné en cédant aux injonctions médiatiques et politiques ou plus certainement aux contraintes opérationnelles ? A vrai dire, la diversité des situations a conduit l’humanitaire à s’adapter au cas par cas.

Mais, une chose est certaine. Maintenant que partout le dé confinement est lancé, que les avions de secours se multiplient, que l’Afrique n’a pas connu le drame annoncé par l’OMS, mais n’a pas non plus atteint le pic de la pandémie et que les conséquences économiques et sociales vont très vite venir amplifier et aggraver les urgences existantes, il est indispensable que dans cette nouvelle phase l’humanitaire donne le meilleur de ce qu’il sait faire.

J’ai le regret de penser que l’urgence humanitaire à venir sera la même qu’avant en pire

Donner le meilleur de l’humanitaire pour faire face au coronavirus et aux autres urgences comme l’accès aux soins des blessés et des malades, la lutte contre la malnutrition et pour la sécurité alimentaire, l’accès à l’eau potable, l’hygiène et l’assainissement, les produits de première nécessité et l’habitat, la protection des prisonniers, le respect du droit international humanitaire, la complémentarité entre aide d’urgence et développement.

J’ai le regret de penser que l’urgence humanitaire à venir sera la même qu’avant en pire, c’est-à-dire l’addition, si ce n’est la multiplication, des urgences d’avant plus le coronavirus et ses conséquences économiques et sociales ! Si le confinement humanitaire a pu momentanément s’imposer, en sortir est juste une nécessité impérieuse sur le terrain comme au siège des associations. Au moment où les « soignants » poursuivent inlassablement leur mission, où les professeurs et les élèves rentrent, où les ouvriers retournent sur les chantiers, les humanitaires sont là pour remplir sans discontinuité et coûte que coûte leur mission.

Alors, quels meilleurs exemples que ceux de l’action. Dans cette édition, l’interview du docteur Meguerditch Terzian, Président de Médecins Sans Frontières-France, l’entretien avec Jean Bosco Bazie, directeur général de Eau Vive Internationale et l’article d’Alexandre Giraud, directeur général de Solidarités International, sont là pour témoigner de cet engagement renouvelé et des défis à surmonter.

Alain Boinet.