Alors que de nombreux États membres de l’Union Européenne sont contraints de réduire leurs budgets et l’aide publique au développement (APD), l’aide humanitaire en subit de plein fouet les conséquences. L’Allemagne, deuxième donateur mondial après les États-Unis, a annoncé une baisse drastique de son aide humanitaire (-53%), tandis que la France, qui avait initialement prévu un budget d’un milliard d’euros pour 2025, a dû le revoir à la baisse à 500 millions d’euros dans son projet de loi de finances qui reste en débat au parlement avant un vote.
Avec un nombre record de personnes nécessitant une aide dans les pays touchés par les crises, plus de 300 millions selon les estimations, ces exemples illustrent parfaitement le « funding gap » (manque de financement ndlr) qui s’aggrave de jour en jour. En effet, face à des besoins humanitaires sans précédent qui nécessitent 49 milliards de dollars selon l’ONU (UNOCHA) pour venir en aide à 187,6 millions de personnes, les financements ne cessent de diminuer, passant de 24,3 milliards de dollars en septembre 2023 à seulement 22,48 milliards de dollars à la même période en 2024. Ce désengagement croissant des bailleurs de fonds risque d’avoir des répercussions catastrophiques pour les populations les plus vulnérables dans le monde.
Troisième bailleur mondial d’aide humanitaire, l’Union Européenne ne semble pas mesurer l’ampleur du désengagement croissant des autres donateurs et des besoins humanitaires toujours plus importants. Pour l’année 2025, la Commission Européenne a initialement proposé un budget de 1,89 milliard d’euros. Si le Conseil Européen a légèrement augmenté cette enveloppe de 30 millions d’euros, ce montant reste bien inférieur aux besoins réels et aux demandes de la Direction générale de la protection civile et des opérations d’aide humanitaire (DG ECHO). Le Parlement européen, de son côté, avait voté un amendement prévoyant une augmentation de 120 millions d’euros, portant ainsi le budget total à plus de 2 milliards d’euros. Le 16 novembre dernier un compromis a été trouvé entre le Conseil et le Parlement, réduisant les ambitions initiales du Parlement : l’augmentation finale n’est que de 50 millions d’euros, portant le budget total à environ 1,95 milliard d’euros.
Les besoins d’aide humanitaire ont constamment dépassé le budget initial, nécessitant des transferts récurrents depuis des instruments financiers spéciaux. Pour maintenir son niveau d’activité, la DG ECHO requiert en moyenne 2,42 milliards d’euros par an, un montant significativement supérieur au budget de base. Ce déficit est comblé par des consolidations provenant de la Réserve d’Aide d’Urgence (EAR).

Bien qu’en pratique cette réserve ait jusqu’à présent renforcé l’aide humanitaire, elle peut être aussi mobilisé pour d’autres lignes budgétaires. Si 2025 reproduit les schémas des années précédentes, alors on atteindrait un budget annuel de 2.52 milliards d’euros avec des renforcements de la Réserve d’Aide d’Urgence (EAR) à hauteur de 580 millions d’euros.
« Dans un contexte où les Etats membres réduisent leurs dépenses, VOICE et ses 89 membres continueront de défendre un budget pour l’aide humanitaire à la hauteur des besoins et une mobilisation du EAR exclusivement pour les crises extérieures. »
Maria Groenewald, Directrice de VOICE
Alors que le budget initial pour l’aide humanitaire n’a jamais passé la barre des 2 milliards d’euros, nous voyons les limites du Cadre Financier Pluriannuel (CFP), qui prévoit des plafonds pour chaque programme. Ainsi, l’aide humanitaire a un plafond de 11.6 milliards d’euros pour une période de 7 ans, soit en moyenne 1.65 milliards d’euros par an. Une augmentation de l’aide humanitaire nécessite soit une augmentation des contributions des Etats membres comme en 2022 où le conflit en Ukraine a suscité d’importantes contributions ; soit une réallocation de crédits vers la ligne budgétaire pour l’aide humanitaire. Dans ce contexte il est difficile d’envisager une augmentation importante du budget annuel.
Les discussions pour le prochain Cadre Financier Pluriannuel (2028-2035) s’ouvrent à la Commission Européenne, qui présentera une proposition courant 2025. Face à l’ampleur des crises, il est urgent de garantir une réponse financière adaptée, conformément aux Conclusions du Conseil sur les mesures à prendre pour combler le déficit de financement humanitaire. VOICE et ses membres attendent de la nouvelle Commission Européenne qu’elle saisisse cette opportunité pour doter l’aide humanitaire d’un budget à la hauteur des besoins et maintienne une ligne budgétaire séparée. L’aide humanitaire doit être détachée de toute considération politique et doit rester fondée sur les principes d’humanité, d’impartialité, de neutralité et d’indépendance.

VOICE Policy Resolution « Take a stand : Pledge for Humanitarian Action!” lance un appel auprès des décideurs politiques pour une action humanitaire forte avec trois priorités: préserver l’espace humanitaire, combler le déficit de financements humanitaires et prendre en compte l’augmentation des conflits et des catastrophes naturelles liées au climat.
Les prochains mois seront décisifs pour le budget alloué à l’aide humanitaire. VOICE et ses 89 membres poursuivront leurs efforts pour porter ces messages au plus haut niveau, auprès de toutes les institutions européennes, du Parlement à la Commission en passant par le Conseil de l’Union Européenne, mais aussi directement auprès des Etats membres par l’action de ses membres dans chaque pays.
Caroline Correia.
Caroline Correia travaille au sein de l’organisation VOICE en tant qu’assistante plaidoyer. Après avoir étudié le droit international public, elle a rejoint Coordination SUD comme chargée de plaidoyer avant de poursuivre son chemin à VOICE pour se concentrer sur le suivi des financements destinés à l’aide humanitaire.
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