Avec vous, Défis Humanitaires fête sa 60ème édition

Camp de réfugiés maliens à M’Berra en Mauritanie

Chère lectrice, cher lecteur,

D’abord et surtout, où que vous soyez, je vous présente mes vœux les meilleurs pour vous et votre famille, pour tous vos projets. Avec une pensée fraternelle pour les acteurs humanitaires qui viennent au secours des personnes en danger et les accompagnent dans l’urgence puis ensuite à retrouver autonomie et développement.

Nous fêtons aujourd’hui ensemble la 60ème édition de Défis Humanitaires depuis 2018, il y a maintenant 4 ans. Alors, en ce début d’année propice à un bilan, avons-nous été fidèles à notre projet et à notre mission, avons-nous progressé ? A l’origine, vous vous souvenez, nous nous sommes fixés trois objectifs principaux : promouvoir l’humanitaire, comprendre les liens entre humanitaire et géopolitique, enfin évaluer les grands défis et les menaces que nous devons relever.

Quel est le bilan ?

Promouvoir et penser l’humanitaire.

Notre constat établissait alors que si l’humanitaire bénéficiait d’une réelle popularité dans les situations de conflit, de catastrophe et d’épidémie, il existait aussi une grande méconnaissance de ses capacités et caractéristiques chez la plupart des décideurs, journalistes, parlementaires et universitaires.

L’humanitaire est un peu mieux connu, entre autre grâce à des rapports annuels comme le Global Humanitaire Assistance Report (GHAR), le Rapport des besoins humanitaires de l’ONU (OCHA), la dernière Conférence Nationale Humanitaire (CNH) en France en décembre 2020 et, prochainement, le Forum Humanitaire Européen à Bruxelles. Le secteur est également connu grâce au travail de centres d’analyse et de recherche, de revues et des acteurs humanitaires eux-mêmes qui contribuent à faire connaître l’humanitaire. Défis Humanitaires y a contribué avec ses 60 éditions et la publication de son Etude sur les ONG humanitaires en France. Cependant, l’observation fait apparaître, parmi d’autres, 3 faiblesses du secteur.

D’une part, l’humanitaire ne parvient pas à secourir toutes les populations en danger pourtant bien identifiées. Ensuite, si l’humanitaire connait une progression considérable dans ses capacités d’évaluation, d’action ciblée et de financement, il s’enferme trop dans sa technicité, dans un élargissement qui peut diluer l’essentiel, dans sa dépendance aux idéologies à la mode, au risque de s’éloigner de son cœur d’action qui réside dans l’accès aux populations en danger.

De plus, l’humanitaire vit trop tourné sur lui-même avec une vision simplificatrice du monde. Le risque, c’est de faire des « bénéficiaires », des « victimes » des clients indifférenciés de l’aide comme d’autres, mieux lotis, le sont d’une société de consommation anonyme et lucrative.

Depuis des années, nous parlons beaucoup de localisation de l’aide, réalité en devenir qui n’a pas encore vraiment trouvé sa solution et son efficacité. Mais, concernant cette localisation dans sa dimension identitaire multiple, ne devrions-nous pas commencer par résoudre le débat simpliste qui tourne en rond entre universalisme et particularisme. Oui, nous sommes bien une seule et même humanité qui nous fait une obligation de solidarité à chaque fois qu’une partie, même petite, de cette humanité est en danger. Et, simultanément, ne devons-nous pas reconnaître la réalité d’une grande diversité de peuples, langues, cultures, religions, modes de vie, croyances, ethnies et nations ? Respecter la dignité des êtres humains, celle des plus vulnérables en particulier, suppose de reconnaître et de respecter leur identité propre comme constitutive de l’humanité. Ce double réalisme pourrait aussi contribuer à construire la localisation de la solidarité dans sa complémentarité entre les divers acteurs humanitaires.

Penser le lien entre humanitaire et géopolitique.

Au fond, toute crise, tout conflit, toute guerre est par nature politique et ses chocs entrainent des destructions et des déplacements forcés de population qui nécessitent une réponse humanitaire. Si l’humanitaire doit appliquer ses principes de neutralité politique, d’impartialité des secours et d’indépendance des organisations pour accéder aux populations en danger, la compréhension géopolitique des crises, des peuples et des nations est une condition pour que l’aide gagne en efficacité sans pour autant la politiser.

En 2021, je me suis rendu en Arménie et en Artsakh, cette enclave peuplée d’Arméniens en territoire Azéri. Je suis aussi allé en Syrie du nord-est auto administré par une coalition kurde-arable et chrétienne coincé entre la Turquie et le Gouvernement de Damas. Le constat est simple, dans les conflits, les plus menacés sont souvent les minorités, les plus vulnérables. Mon propos ici est de dire que si le principe d’impartialité humanitaire doit s’appliquer, il doit aussi évaluer où se trouvent les plus grands dangers pour les personnes des communautés majoritaires comme des populations minoritaires, avec une attention particulière pour ces minorités qui sont les plus fragiles. Pensons au Yézidis comme au Ouïghours !

Alors que nous publions cette 60ème édition de Défis Humanitaires, il me semble que nous avons bien traité cette problématique humanitaire-géopolitique, particulièrement au Moyen-Orient, au Sahel ou en Afghanistan. Nos limites, dans ce domaine comme dans les autres, sont plutôt celles de nos moyens sur lesquels je reviendrai à la fin de cette lettre.

Evaluer et documenter les grands défis et menaces.

Si nous avons bien couvert celui de l’accès à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène, besoin vital qui ne cesse de s’affirmer comme une priorité mondiale grandissante, dans une moindre mesure nous avons abordé la problématique de la sécurité alimentaire ainsi que de l’innovation. En revanche, nous n’avons pas assez abordé le changement climatique, ses conséquences dans la vie des populations et les mesures d’adaptation à prendre pour leur protection. De même, bien que revenant régulièrement sur la grande question de la démographie et de ses multiples conséquences, les études à ce sujet n’ont pas été à la dimension de l’enjeu, en particulier en Afrique.

Des résultats chiffrés positifs.

Défis Humanitaires a donc publié 60 éditions depuis 4 ans, ce qui représente 220 articles et interviews que vous pouvez retrouver dans nos archives qui constituent ainsi une base de données toujours consultable. Articles et interviews réalisés bénévolement par une centaine d’auteurs que nous souhaitons ici remercier chaleureusement pour leur contribution de qualité.

Durant cette période, entre 2018 et 2021, le nombre de lectrices et lecteurs a quadruplé et le nombre de vues a triplé. En 2021, les articles et interviews les plus lus ont été ceux consacrés au triple nexus, à l’aide humanitaire mondiale, au Mali et au Sahel, à la philanthropie, à la réflexion sur la nature même de l’humanitaire, sur l’aide humanitaire de la Commission Européenne avec ECHO, enfin sur la crise en Afghanistan.

Tout ce travail a été réalisé depuis 4 ans bénévolement. La croissance forte du nombre de lecteurs traduit bien une attente, si ce n’est une demande, et cela nous encourage et nous stimule pour faire mieux encore. Mais nos capacités ont atteint leurs limites actuelles qu’il nous faut dépasser en 2022. Nous avons besoin de vous pour y parvenir.

Défis Humanitaires en 2022.  

Je vous remercie de soutenir Défis Humanitaires. Alain Boinet, président.

Cette année, nous publierons une édition chaque mois en cherchant à actualiser les sujets que vous consultez le plus. Mais également des reportages et des témoignages venant du terrain, un retour sur les grandes crises humanitaires passées, avec le recul du temps. Nous souhaitons également publier la seconde édition de notre « Etude sur les ONG humanitaires entre 2006 et 2020 ». Celle-ci représente un très important travail de collecte, de mise en forme et d’analyse utile à tout l’écosystème humanitaire, tant pour mesurer le développement du secteur et ses caractéristiques que d’établir un état des lieux sur la sécurité des humanitaires, l’évolution du secteur, les loi antiterroristes et l’exemption humanitaire et enfin, l’état des financements.

Pour mener à bien ces projets, Défis Humanitaires, site humanitaire gratuit, a besoin de tout votre soutien (faire un don). Dans ce but, j’ai récemment lancé une campagne de financement participatif avec l’objectif de réunir 10.000 euros. Début janvier, nous avons déjà réuni un tiers de cette somme.  Vous pouvez m’aider en devenant vous-même acteur du projet de Défis Humanitaires en faisant un don (*). Quel qu’en soit le montant, votre don (faire un don) est le bienvenu et participera concrètement à une mission humanitaire utile à tous.

Je vous remercie personnellement pour votre générosité et vous souhaite une bonne lecture de cette 60ème édition. Merci.

Alain Boinet.

Président de Défis Humanitaires.

info@defishumanitaires.com

 

APPEL Nous avons besoin de vous pour publier chaque mois « Défis Humanitaires ». Vous pouvez nous soutenir en faisant un don sur le site HelloAsso sachant que nous ne bénéficions pas de la déduction fiscale. Un grand merci pour votre soutien généreux.

(*) Nous ne bénéficions pas de la déduction fiscale bien que nous soyons une association d’intérêt général.

 

Les Nations unies à l’épreuve !

Défis Humanitaires présente ici un résumé de la récente publication par OCHA – Nations unies sur l’avancement des travaux relatifs au suivi des engagements du 1er Sommet Humanitaire Mondial et du Grand Bargain. Cette analyse fait suite à la réunion du Grand Bargain qui s’est déroulée à New-York le 18 juin dernier et précède le Rapport annuel sur 2017 qui paraîtra à la fin de l’année. Elle a été conduite par OCHA avec les contributions de leurs partenaires, au nombre de 152, dont on retrouvera les contributions, qu’elles émanent d’ONG ou d’États comme la France. En apprendre plus sur ces contributions. 

Et nous croyons savoir que les résultats sur le nexus humanitaire-développement, la localisation et la simplification administrative sont décevants de l’avis de divers participants. Cette présentation ne vaut pas adhésion, même si nous soutenons sans réserve  l’objectif  d’amélioration de l’action humanitaire. Elle vise à informer les publics concernés et à contribuer au  débat indispensable sur cette vaste entreprise de réforme humanitaire pilotée par les Nations unies.

Cette présentation nous donne l’occasion de rappeler ici nos préoccupations et réserves qui se veulent constructives :

  • L’absence de prise en compte de l’action humanitaire d’urgence et de ses faiblesses et limites dans les situations de crise.
  • La confusion sur le rôle et la responsabilité des divers acteurs, notamment des ONG, dans le cadre du « New Way of Working » dont le cadre est par ailleurs logique
  • Le risque d’erreur dans l’évaluation des priorités qui peut finalement les desservir comme cela est le cas avec la « localisation » dont la nécessité a été mal présentée à l’origine.
  • L’obligation de progrès qualitatifs de l’action humanitaire ne doit pas masquer la nécessité d’augmenter les budgets de celle-ci pour répondre aux besoins des populations en danger.
  • L’intérêt du travail réalisé en commun à une large échelle doit éviter les risques de bureaucratisation et d’appauvrissement des capacités d’acteurs complémentaires et différents.
  • L’aide humanitaire s’adresse à des êtres humains qui partagent une même humanité. Celle-ci est par nature diversifiée et doit être respectée comme un écosystème menacé par un risque d’uniformisation appauvrissant.

Défis Humanitaires présente ici un bref compte-rendu de ces études parues sur le site de lAgenda pour l’Humanité et laisse le soin aux lecteurs comme aux acteurs humanitaires d’évaluer l’avancement ou non des transformations engagées et ce qui pourraient manquer pour améliorer l’action humanitaire. A vous maintenant d’apprécier ce point d’étape des Nations unis, dans le langage qui les caractérise, et d’accéder à l’ensemble du document.

Mr Ban Ki-moon lors du 1er Sommet Humanitaire Mondial en mai 2016 à Istanbul.

« Le monde se trouve à un moment critique de son histoire. La souffrance humaine a atteint un niveau inégalé depuis la Seconde Guerre mondiale ». C’est avec ce sombre constat que le précédent Secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, annonçait le premier Sommet Mondial Humanitaire Mondial. Ainsi, à Istanbul les 23 et 24 mai 2016, ont été définies cinq responsabilités fondamentales divisées en 24 transformations pour diriger le changement de la gestion financière et opérationnelle de l’action humanitaire internationale vers ce nouvel « Agenda pour l’Humanité ».  En plaçant la sécurité, la dignité et le droit au développement pour tous au centre des engagements, le Sommet Humanitaire Mondial entendait engager une transition vers une gestion plus humaine et une utilisation des ressources optimisée. Deux ans plus tard, qu’en est-il des promesses du Sommet  selon ses promoteurs ?

 

Prévenir et faire cesser les conflits – Responsabilité fondamentale 1, engagement 5C

Pour parvenir à l’objectif ultime d’une paix durable, les acteurs de la gestion de crise ont su entamer la transition vers une gestion inclusive de la prévention et des crises. Cette avancée est notamment rendue possible par un resserrement des partenariats qui, bien qu’insuffisant, tend vers l’objectif de collaboration entre les différentes phases de gestion de crises – humanitaire, développement et processus de paix – et les acteurs internationaux et locaux, dont le rôle croissant doit être encouragé dans la mesure où leur intégration dans la prise de décision et le renforcement de leurs capacités permettent de combattre les crises directement à leurs racines et d’améliorer la résilience des pays. L’approche inclusive doit également toucher les femmes et les jeunes, en accord avec la troisième responsabilité fondamentale.

Des efforts sont encore à fournir dans la constitution de mécanismes financiers s’inscrivant dans le long terme, s’appuyant sur une disponibilité de données accrue, et donc de meilleures analyses des risques et de systèmes de traçage. Les actions de prévention sont encore insuffisamment soutenues par les bailleurs et les gouvernements, malgré leur reconnaissance de l’importance de la prévention, et les fonds multilatéraux dédies sont sous-financés. En substance, un « besoin d’actions concrètes, pas seulement de la rhétorique ».

 

La violence basée sur le genre dans les situations d’urgence – Engagement 2D

Ce rapport met en exergue les innovations des parties prenantes du « New Way of Working » (Nouvelles Formes de Travail) afin de mettre en œuvre une réponse plus adaptée aux violences contre les femmes dans les crises. La tendance est à un glissement vers une approche plus collaborative entre humanitaire et développement (engagement 4 C) malgré des obstacles – manque de financement, de planification multi-annuelle et une mentalité cloisonnant les deux secteurs -, avec des réponses plus locales. Ainsi, les différents acteurs se focalisent davantage sur les racines des problèmes liés à la violence basée sur le genre, en dédiant les aides aux actions de prévention et d’atténuation du phénomène, ainsi que l’intensification du rôle des femmes dans le processus de paix. Cette stratégie passe par le renforcement des capacités locales ainsi que l’établissement de standards et de directives, pour manager efficacement les risques et délivrer une assistance de qualité aux victimes de ce type de violence.

Un effort doit être fait sur l’augmentation des financements, la documentation sur la prévention, les populations vulnérables à ce type de violence et l’efficacité des systèmes mis en place. La question des violences envers les femmes et leur exploitation doit faire l’objet d’un engagement masculin, d’une sensibilisation et d’une responsabilisation accrus, car elle concerne une large part des actions de gestion de crise – sans y être forcément intégrée -, ainsi que l’ensemble des acteurs internationaux.

 

Réduire et gérer les déplacements – Engagement 3A

L’objectif à attendre est la réduction de moitié du nombre de déplacés internes d’ici 2030. À ce stade encore précoce de la transition, ce rapport piloté par l’OCHA (Bureau de la coordination des affaires humanitaires) souligne l’importance du lien entre humanitaire et développement pour la prévention, la gestion des crises prolongées ainsi que pour la collecte et l’analyse des données relatives à ces déplacés, aux causes et aux dynamiques de leurs déplacements. Plutôt que de répondre à ces situations par des déplacements transfrontaliers, les besoins de ces populations doivent prendre une part importante des solutions mises en œuvre, aux côtés des processus de résolutions de crises. Leur existence ne doit plus être laissée à l’abandon en attendant la résolution des conflits et des désastres dans leurs pays.

Les obstacles à ce changement de paradigme s’incarnent dans un manque de financement, de volonté politique de traiter réellement cette problématique et de coordination humanitaire/développement, axes majeurs de progression sans lesquels l’approche intégrée, préventive et pluri-annuelle ne peut se construire.

Autonomiser les femmes et les filles, le genre comme question transversale – Engagement 3D

La question du genre prend, au sein de l’ensemble des actions humanitaires, de plus en plus d’importance. À travers la mise en place de directives, d’outils et de politiques institutionnelles, la question se fait une place dans les processus humanitaires et financiers. Au-delà de cette dynamique encourageante, il est néanmoins nécessaire de repenser certaines actions inadéquates qui en limitent la progression.

Trois challenges principaux sont ainsi identifiés. Encore une fois, la machine financière n’est pas assez pourvue sur les questions de genre, tandis que les systèmes de traçage des fonds sont insuffisamment développés. Le rapport dénote également la faible participation de la part des femmes au niveau local. Enfin, l’absence de séparation à la fois de l’âge et du genre dans les données disponibles freine les analyses et limite la lucidité des prises de décisions relatives à ces problématiques de genre.

 

Anticiper les crises et investir en fonction du risque – Engagement 4B et 5B

Dans ce rapport aux notes optimistes, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) relève un accroissement des approches multi-acteurs permettant une meilleure gestion de la prévention et des crises. Des plateformes collaboratives se mettent en place à l’échelle des pays, en incluant les secteurs privés et universitaires, en plus des acteurs traditionnels. Les outils d’analyse des risques sont multipliés, améliorant la qualité des prises de décisions et l’allocation des ressources. Enfin, un effort est entrepris pour une planification à plus long terme, visant un impact durable dans la réduction des risques et des vulnérabilités.

Cette tendance devra être renforcée par un accroissement et un élargissement des efforts précédemment cités, une consolidation des bases de données constituées en coopération avec les acteurs locaux en profitant de leurs connaissances contextuelles tout en renforcer leurs capacités, une intensification du plaidoyer sur les processus de réductions des risques et l’établissement de standards pour des actions d’anticipation optimisées. La principale difficulté restant de réunir des fonds, en réalisant un nouveau modèle de financement adapté aux besoins relatifs aux missions de prévention, qui prend place dans la durée. Par ailleurs, la synergie entre humanitaire et développement doit tout particulièrement être renforcée pour parvenir à l’objectif de collaboration et de planification au cœur même de l’action d’anticipation et d’analyse du risque.

 

Dépasser la division entre humanitaire et développement et passer à un mode de financement plus flexible et à long terme – Engagement 4C et 5D

Une large part des rapports fait état d’une difficulté à parvenir à une collaboration entre acteurs de l’humanitaire et du développement et aux systèmes de financement pluri-annuels, en faisant un axe majeur de progression pour la réalisation des objectifs de l’Agenda pour l’Humanité. De plus, d’autres objectifs pour 2022 dépendent de cette transition, tels que la collecte et l’analyse de données sur les situations de crises en particulier ou encore la prévention. Il est notamment recommandé de traiter de manière commune les besoins, les vulnérabilités et les risques au sein de chaque pays pour des analyses et des processus joints. Si des avancées sont constatées dans le suivi du « New Way of Working » (Nouvelles Formes de Travail), notamment au niveau des pays, de nombreux obstacles freinent la transition, qui doit se faire grâce au support et aux incitations des parties prenantes et des donneurs. Très lié, le passage d’un système de « funding » à « financing », avec sa vision à long terme plus flexible et inclusive, s’amorcera dans la continuité de décisions  privilégiant le financement d’actions respectant cet engagement de pluri-annualité transcendant la traditionnelle division humanitaire/développement.

 

Renforcer les systèmes locaux et investir dans les capacités locales  – Engagement 4A et 5A

Les engagements de l’Agenda visant à respecter les systèmes locaux en les finançant de manière directe et prévisible, avec des actions de renforcement à long terme, sans les court-circuiter à travers des structures parallèles, sont-ils en voie de réalisation ? Si on observe des progrès encourageants relatifs à une volonté de faire passer la position des acteurs locaux du statut d’exécutants à celui de partenaires, des obstacles structurels en limitent l’essor. Sont ainsi évoquées les ressources humaines insuffisantes pour gérer une multiplication des subventions, les barrières législatives et de contrôle des flux, la répugnance face à la prise de risque ainsi que l’absence d’assez de mécanismes de financement adaptés à cette approche de localisation. Sur ce point, les participants à l’étude analysent que les fonds communs sont un des mécanismes de financement les plus efficaces en terme de quantité et de proportion des fonds perçus par les acteurs locaux.

Un travail sur l’évolution des mentalités doit également être mené alors que les relations entre les nationaux et les acteurs humanitaires sont parasitées par un manque de confiance, de communication et de coordination qui limite l’implication et le rôle des acteurs locaux, pourtant indispensables à une approche prenant en compte les spécificités contextuelles des crises. Pour dépasser cela, les donateurs ont usé de leur influence en mettant en place divers quotas ou incitations. Des actions sont également entreprises pour donner aux acteurs locaux une meilleure visibilité et reconnaissance, leur offrant une opportunité grandissante de faire entendre leurs voix et de prendre une part active aux processus de d’urgence et de stabilisation.