Humanitaire 2021, les chiffres de l’Aide Publique au Développement.

Une vue aérienne montre un camp de Syriens déplacés couvert de neige près de la ville d’Afrin, dans la campagne du nord de la province d’Alep, contrôlée par les rebelles, le 19 janvier 2022. (Photo OMAR HAJ KADOUR / AFP)

À la fin de l’année dernière, les données finales de l’OCDE sur l’Aide Publique au Développement (APD) en 2021 ont été publiées. C’est un long processus qui analyse chaque année plus de 250 000 projets ou allocations rapportées par les bailleurs afin d’être qualifié comme APD. Ce long travail assure la qualité des chiffres et explique pourquoi seules les données de 2021 sont disponibles. Il ne s’agit donc pas là d’un outil de mesure immédiate des réponses aux crises, mais d’un outil permettant d’analyser les tendances sur une base commune.

En 2021 donc, l’ensemble des bailleurs publics et privés, bilatéraux ou multilatéraux rapportant à l’OCDE a dépensé 222 milliards au titre de la coopération au développement, une légère baisse par rapport aux 224 milliards dépensés en 2020. Les 31 membres CAD représentent encore la majorité, ou 61 % de l’APD, avec un effort supplémentaire de leur part en 2021, passant de 129 à 136 4 milliards entre 2020 et 2021.

L’assistance humanitaire est une catégorie de l’APD au même titre que d’autres type d’aide. Cette assistance humanitaire poursuit sa croissance ininterrompue (figure 1), reconnaissant que ces chiffres sont antérieurs au début de la guerre en Ukraine. Il est probable que la part d’aide humanitaire connaisse une augmentation bien plus significative en 2022. Pic passager ou début d’un nouveau plateau, nous verrons.

 

Graphique de l’évolution de l’APD de 2012 à 2023.

L’APD humanitaire globale a augmenté de 6 % entre 2020 et 2021 alors que L’APD des pays du CAD augmentait pour sa part de 20 %. Le CAD demeure donc bien le pilier financier du système humanitaire, finançant 71 % des 33 milliards USD d’APD humanitaire globale. Seulement huit membres du CAD ont couvert 76 % des appels humanitaires consolidés de 2021, reflétant l’extrême concentration de la base financière du système humanitaire. Les appels à élargir cette base ont peu été suivi d’effet. Les bailleurs du Golfe sont les plus impliqués dans un effort humanitaire, avec une aide qui demeure toutefois peu prévisible et géographiquement très liée.
L’aide humanitaire représente désormais 15 % aussi bien de l’APD globale que de celle des pays du CAD, avec de fortes disparités par pays donateur Le tableau ci-dessous indique le montant d’APD total, le montant d’APD humanitaire (décaissements bruts, prix constants, USD 2020), la part d’APD humanitaire pour les membres du CAD et quelques autres, ainsi que le pourcentage d’évolution entre 2020 et 2021.
Cette croissance de l’APD humanitaire est tirée par les États-Unis qui consolident leur place de premier bailleur humanitaire (11,8 milliards), avec une augmentation de 38 % par rapport à 2020. La hausse massive d’APD humanitaire de la part du Japon est notable (+139 % dépassant le milliard USD en 2021).
Pour l’ensemble des bailleurs, la part d’APD humanitaire pour l’Asie – comprenant le Moyen-Orient (16,4 milliards USD) dépasse largement celle allouée à l’Afrique (9 milliards), confirmation d’une tendance longue, même si l’écart se resserre doucement. Les pays du CAD ont alloué pour leur part des montants humanitaires à peu près équivalent à l’Afrique et à l’Asie (7,4 et 7,8 milliards respectivement). Le système multilatéral est plus présent en Afrique (2,3 milliards) qu’en Asie (1,9 milliard) et ce sont bien les bailleurs non-CAD qui avec leur appui au Moyen Orient font la différence géographique (6,7 milliards en Asie contre 73 millions en Afrique).

Jeunes filles afghanes au cours d’une distribution alimentaire. @USAID

Sans surprise, c’est l’Afghanistan qui est le premier récipiendaire d’aide humanitaire globale en Asie centrale, passant de 0,5 à 2 milliards entre 2020 et 2021, questionnant la capacité du système humanitaire à absorber une augmentation de 300 % dans un contexte aussi politiquement et logistiquement contraint que l’Afghanistan. Cette augmentation humanitaire s’inscrit dans le cadre d’une APD globale qui est restée à peu près stable, entre 4 et 4,5 milliards par an depuis 2015. L’assistance humanitaire remplace donc peu à peu le développement lorsqu’il n’y a plus de coopération ou de dialogue possible autour d’objectifs de développement. Ce sont les membres du CAD qui fournissent l’immense majorité de cette aide humanitaire, avec un désintérêt prononcé des bailleurs non-CAD, notamment des bailleurs du Golfe pour l’aide humanitaire dans ce pays.
La Syrie demeure encore en 2021 le premier récipiendaire d’une aide humanitaire qui commence pourtant à refluer, passant d’un pic historique de 9 milliards en 2020 à 7 milliards en 2021. Contrairement à l’Afghanistan ou des projets d’infrastructure étaient encore en œuvre début 2021, 90 % de l’APD en Syrie est déjà humanitaire, il ne reste plus que des projets résiduels de développement. Ici, les bailleurs non-CAD sont très présents, avec 5,4 milliards USD en 2021, bien au-dessus du 1.5 milliard des pays du CAD.

La part d’aide humanitaire en Europe (1 milliard USD), consistait en 2021 quasi exclusivement de l’aide aux réfugiés en Türkiye (0,8 milliard). L’aide humanitaire à l’Ukraine avait augmenté en 2015 (298 millions) puis avait décru régulièrement jusqu’à atteindre 137 millions en 2021.
L’APD humanitaire globale à l’Afrique s’élève à 9,8 milliards en 2021, une augmentation de 17 % par rapport à 2020. Les principaux pays bénéficiaires restent les mêmes, avec une hausse significative en Éthiopie, de 770 millions en 2020 à 1.3 milliards en 2021. L’aide humanitaire en Somalie (668 millions), au Sud Soudan (990 millions), au Mali (179 millions USD) décline très légèrement, et augment légèrement au Niger (224 millions USD).
Un fait marquant pour l’ensemble du secteur est l’augmentation massive des projets régionaux entre 2020 et 2021, de 99 à 220 millions en Afrique, de 125 à 415 millions en Amérique du Sud, de 10 à 208 millions USD en Asie centrale ou de 98 à 238 millions au Moyen orient. Ce phénomène rend compte des difficultés à intervenir directement au cœur des crises mais aussi du nombre décroissant de déplacements forcés dans les régions limitrophes des crises.

Au cours des dernières années, l’assistance humanitaire est devenue pour les bailleurs un outil des plus importants de réponse aux crises, dans les pays où il n’y a plus vraiment de coopération, c’est-à-dire pas de dialogue politique entre les bailleurs de fonds et des pays qui sont désormais moins des « pays partenaires » qu’une source d’inquiétude politique, sécuritaire et migratoire. Que faire alors dans des pays qui rejettent de plus en plus ouvertement le modèle de développement et les « valeurs » proposées par un nombre somme toute limité de pays qui tiennent le système de développement à bout de bras. Question difficile, réponse impossible, ce qui explique le soutien plus ou moins direct aux populations au moyen de l’aide humanitaire, en prétendant qu’elle est neutre et ne porte pas avec elle un corpus de valeurs occidentales tout de même assez marqué.

Cyprien Fabre.

Cyprien Fabre est le chef de l’unité « crises et fragilités » à l’OCDE. Ancien volontaire de Solidarités, puis responsable de plusieurs bureaux pour la DG ECHO, Il rejoint l’OECD en 2016 pour analyser l’engagement des membres du Comité d’Aide au Développement dans les pays fragiles et affiner la contribution de l’aide au développement aux objectifs de paix dans les contextes de crise.

Rapport de l’ALNAP sur l’état du système humanitaire international

Défis Humanitaires vous présente ici un résumé de la cinquième édition du Rapport « L’état du système humanitaire » publié par ALNAP pour la période 2018-2021. Le rapport, publié tous les quatre ans et rédigé par près de 70 contributeurs, dresse un tableau complet sur la taille et de la performance du système humanitaire international en s’appuyant sur des données qualitatives et quantitatives provenant d’humanitaires et de bénéficiaires, d’universitaires et de responsables politiques. Il s’agit notamment de synthèses d’évaluation, d’analyses quantitatives, d’enquêtes et entretiens réalisés sur le terrain (5487 bénéficiaires et plus de 100 humanitaires interviewés dans six pays) et d’une analyse de leur base de données couvrant une période de 12 ans. Grâce à sa méthodologie ce rapport établi des comparaisons avec les rapports précédents, permettant une vision et une analyse sur plus de 15 ans pour évaluer les besoins du secteur. Cette édition répond à 12 questions sur l’état et le fonctionnement de l’aide humanitaire internationale. Nous présentons ici un résumé de ce rapport avec un lien à la fin vers la totalité de celui-ci.

 

Le système humanitaire international est composé d’entités qui acceptent un financement international et s’identifient aux normes ou principes humanitaires. Elles opèrent dans un contexte plus large d’autres sources de soutien aux personnes touchées par une crise. Entre 2018 et 2021, les chiffres mondiaux des personnes dans le besoin ont augmenté de 87 %. La pandémie de COVID-19 a radicalement modifié l’ampleur et la géographie des besoins humanitaires ainsi que la capacité des économies à soutenir les populations. Les ondes de choc sociales et économiques de la pandémie ont fait basculer environ 97 millions de personnes dans l’extrême pauvreté en 2021. En parallèle, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a trouvé des preuves solides que le changement climatique contribue à des crises humanitaires complexes. Le nombre de conflits a plus que doublé au cours de la dernière décennie jusqu’en 2020 et continue d’augmenter et le nombre de personnes vivant dans des déplacements forcés a augmenté chaque année depuis 2011, pour atteindre 89,3 millions en 2021. 

Partie 1 : Quelle est la configuration du système de distribution de l’aide humanitaire ? 

On estime à 5000 le nombre d’organisations dans le système humanitaire en 2021, soit 10% de plus que les estimations d’il y a dix ans. Cela peut s’expliquer par la croissance du nombre d’ONG nationales et locales. Malgré l’augmentation du nombre et de la diversité des ONG, la majeure partie de l’aide humanitaire continue de transiter par les agences des Nations Unies. 

Le financement total de l’aide humanitaire internationale en 2021 était presque le double de ce qu’il était une décennie auparavant, mais a largement plafonné au cours des 4 années entre 2018 et 2021. Le nombre de personnel humanitaire travaillant dans les pays touchés par des crises a plus que doublé au cours de la dernière décennie en raison de la croissance du financement humanitaire, de l’ampleur des besoins et du nombre de pays bénéficiant d’une réponse humanitaire internationale coordonnée. Cependant, plus de personnel de première ligne apporte plus de capacité opérationnelle mais aussi plus d’exposition aux risques. 

On estime à plus de 630 000 le nombre d’agents humanitaires travaillant dans des pays en proie à des crises humanitaires en 2022, et plus de 90% de ces agents sont des ressortissants des pays dans lesquels ils travaillent.  

De nombreuses ONG internationales ont mis en place des politiques, des stratégies et des programmes de formation pour accroître la diversité de leur personnel et résoudre les problèmes qui entravent le recrutement. Le secteur fait mieux en ce qui concerne la représentation des femmes aux postes de direction. Toutefois, lorsqu’il s’agit des postes de direction pour les personnes originaires de pays recevant une aide humanitaire, les progrès sont plus limités. Alors que les agences emploient un grand nombre d’employés nationaux, il semble que seule une minorité parvienne à atteindre le niveau de directeur de pays, sans parler des postes de direction au siège. 

Le système s’engage-t-il avec d’autres formes de soutien en cas de crise ? 

Les réponses aux crises dirigées par les survivants/citoyens/communautés sont des efforts pour répondre aux besoins humanitaires qui sont dirigés et gérés spécifiquement par les survivants et les communautés des populations affectées par la crise eux-mêmes. Ce type d’assistance s’ajoute à l’assistance humanitaire menée localement et l’action humanitaire participative, mais il est unique car il inclut des efforts qui ne font pas partie d’un programme humanitaire institutionnalisé ou soutenu par un financement spécifique. Les ONG internationales confessionnelles travaillent depuis longtemps avec les réseaux locaux et les chefs religieux pour apporter une réponse rapide et établir un lien avec les communautés. De nombreux humanitaires voient la valeur potentielle de partenariats plus stratégiques, mais les motivations des acteurs du secteur privé restent mal comprises dans l’espace humanitaire, ce qui suscite des inquiétudes quant à l’éthique ou à la concurrence des ressources. Enfin, les principaux acteurs du développement ont également noté qu’il existe un manque de connaissances concernant les approches et les instruments efficaces pour engager le secteur privé dans les pays fragiles et touchés par des conflits. 

Les diasporas sont également une source importante de soutien pour leurs familles et leurs anciens co-nationaux touchés par la crise. Les tentatives de coordination des agences humanitaires avec les diasporas ont été limitées en raison des difficultés à identifier les acteurs représentatifs parmi les groupes de diasporas et d’un manque de confiance dans les institutions d’aide internationale parmi les groupes de diasporas. 

Quels sont les impacts des déficits de financement ? 

En 2021, 39% des répondants à l’enquête ont déclaré être satisfaits du montant de l’aide qu’ils recevaient, contre 43% pour la période d’étude précédente. Les bénéficiaires de l’aide ont indiqué que le « manque d’aide » était le principal obstacle à l’obtention d’une aide. L’opinion des bénéficiaires sur le caractère suffisant de l’aide est basée sur le niveau d’aide qui sort du système, et non sur le montant du financement qui y entre. Il existe un lien évident entre la qualité de l’engagement des humanitaires auprès des bénéficiaires de l’aide et le degré de satisfaction de ces derniers quant au montant de l’aide reçue. En tant que telle, la communication avec les bénéficiaires est fondamentale pour accroître la confiance et la satisfaction. Les preuves de l’impact du sous-financement ont révélé un dilemme : les humanitaires doivent soit réduire le nombre de personnes qu’ils atteignent, soit faire des compromis sur la quantité/qualité de l’aide qu’ils fournissent.

Partie 2 : Quels sont les résultats du système ? 

En 2021, on estime que le système a atteint 46 % des personnes qu’il a identifiées comme étant dans le besoin et 69 % de celles qu’il a ciblées pour une aide. Seuls 36 % des bénéficiaires de l’aide interrogés pensent que l’aide est allée à ceux qui en avaient le plus besoin. Les plus grandes populations dans le besoin se trouvaient en Éthiopie, au Yémen, en RDC et en Afghanistan. Les menaces pesant sur l’espace humanitaire – les attaques contre les travailleurs humanitaires ont continué à augmenter de 54% entre 2017 et 2020 – sont restées un obstacle majeur pour atteindre les populations. 

Les organisations humanitaires comprennent-elles bien les priorités des populations ? 

L’enquête menée auprès des bénéficiaires de l’aide révèle que ceux qui ont déclaré avoir été consultés avant l’octroi de l’aide ont plus de deux fois plus de chances de dire que celle-ci répond à leurs besoins prioritaires que ceux qui ont déclaré ne pas avoir été consultés. La majorité des bénéficiaires de l’aide et des praticiens de l’humanitaire interrogés continuent de penser que l’évaluation des besoins humanitaires a largement échoué à consulter suffisamment ou efficacement les communautés. Le manque de proximité avec les communautés affectées est un problème récurrent pour de nombreuses organisations internationales, qui a encore été exacerbé par la pandémie de COVID-19. 

De nombreuses raisons expliquent pourquoi les évaluations et les analyses continuent d’échouer, qu’il s’agisse d’un manque de méthodologies et de rigueur analytique ou de contraintes de temps et de politique. L’écart entre l’évaluation et l’intervention est dû aux contraintes opérationnelles qui limitent les options de programmation. Il existe également un conflit d’expertise entre ce que les acteurs humanitaires pensent être bon pour les populations et ce que les populations veulent pour elles-mêmes. En outre, l’implication des groupes marginalisés suscite des inquiétudes particulières : les voix et les besoins des jeunes et des groupes marginalisés sont encore largement absents du processus décisionnel concernant les réponses humanitaires. Enfin, l’environnement dans lequel les humanitaires interviennent limite souvent ce qui est offert et fourni aux personnes dans le besoin. Dans les environnements très contraints, des blocus, des directives et d’autres obstacles empêchent la livraison de certaines dispositions telles que les médicaments, les télécommunications et les systèmes d’eau. Dans les contextes de réfugiés, la politique du gouvernement hôte peut limiter les possibilités de programmes destinés aux réfugiés. 

Lorsque les autorités le permettent, l’aide en espèces et sous forme de bons peut donner aux gens une plus grande marge de manœuvre pour répondre à leurs besoins prioritaires de la manière qu’ils jugent la plus appropriée. Le rapport montre que, d’après leurs entretiens et leurs recherches, les personnes vivant dans les camps de réfugiés ont déclaré préférer l’argent liquide car il est plus digne et leur permet de fixer des priorités et de planifier l’avenir. Pourtant, les praticiens et les bénéficiaires s’accordent à dire que l’argent liquide n’est pas intrinsèquement aligné sur les besoins des bénéficiaires et qu’il peut souffrir des mêmes déficits de consultation que les autres formes d’aide.

Les acteurs humanitaires doivent s’assurer que leur aide est pertinente et adaptée aux besoins des personnes marginalisées. Il existe des lacunes persistantes en ce qui concerne l’adaptation de l’aide aux femmes, aux filles, aux personnes âgées, aux personnes handicapées. Un engagement notable a été pris en la matière, avec la mise en place de stratégies et de cadres visant à garantir la pertinence de l’aide. Par conséquent, les organisations disposent désormais de cadres clairs pour adapter leur offre à des groupes spécifiques, mais cela n’a pas été systématiquement traduit dans la conception des programmes. En raison de cet écart entre les politiques fortes et les réalités opérationnelles, les bonnes pratiques sont fragmentées et incohérentes. Le rapport met également en évidence les préoccupations liées au fait que les directives sur l’inclusion alimentent des hypothèses rudimentaires et identitaires sur les vulnérabilités et les besoins des personnes. Ces lacunes peuvent s’expliquer par les contraintes de temps au sein des organisations et le manque de connaissances du personnel opérationnel, ainsi que par les contraintes de financement. 

L’action humanitaire s’adapte-t-elle à l’évolution des besoins prioritaires des populations et fonctionne-t-elle ? 

Le système humanitaire s’efforce toujours de rester pertinent face à la persistance et à l’évolution des crises et à l’évolution des besoins et des priorités des populations. Le rapport, conformément au précédent, constate que la pertinence diminue à mesure qu’une crise progresse au-delà de la phase d’urgence initiale. Cela justifie l’importance accordée au renforcement du lien entre l’humanitaire, le développement et la paix. La capacité d’action des humanitaires dans les crises prolongées est également limitée par des priorités concurrentes, des ressources limitées et des obstacles politiques. 

Aujourd’hui, les preuves de l’efficacité du système à obtenir des résultats et à améliorer le bien-être des personnes touchées par la crise sont plus solides, grâce aux investissements dans la capacité technique, la qualité des programmes et la collecte de données. Des améliorations sont encore nécessaires en matière de responsabilité et de participation. Bien que l’objectif principal des humanitaires soit de sauver des vies, il n’y a pas eu de résultats concluants montrant une diminution des taux de mortalité. Sur un échantillon de 29 interventions humanitaires, seules quatre présentaient des données cohérentes sur la mortalité d’une année sur l’autre (le manque de données pourrait expliquer ce résultat). Dans de multiples secteurs, les humanitaires ont accordé plus d’attention à la qualité de la programmation, se référant fréquemment aux cadres de normes minimales, au suivi et aux évaluations. Dans l’ensemble, le système n’est pas aussi rapide et efficace qu’il pourrait l’être. En effet, la capacité opérationnelle du système à réagir rapidement ne s’accompagne pas d’une augmentation du financement en temps opportun et flexible et, lorsqu’il agit rapidement, il s’appuie sur un financement moindre, ce qui entraîne des réponses inadéquates. 

L’évaluation de l’efficacité du système – est-ce qu’il fonctionne ? – est difficile en raison de l’absence de consensus sur ce que l’action humanitaire devrait accomplir. Les attentes à l’égard des réalisations du système ont changé avec une plus grande importance accordée à la dignité qui pousse le système à répondre à un plus large éventail de besoins, une augmentation des crises prolongées qui mettent à rude épreuve la capacité humanitaire, et une plus grande diversité de perspectives sur ce que devrait être l’action humanitaire au XXIe siècle. Définir l’efficacité en termes de réalisation des objectifs offre une perspective limitée sur les réalisations de l’action humanitaire, car les objectifs sont souvent mal définis et tendent à se concentrer sur ce que les agences font à court terme plutôt qu’à long terme. 

L’action humanitaire protège-t-elle des violences ?  

La protection humanitaire vise à réduire les risques de dommages physiques et psychologiques auxquels sont confrontées les personnes en situation de crise. Le champ d’application de la protection humanitaire a entraîné une certaine confusion quant à la nature de la protection sur le plan opérationnel et les résultats de la protection sont souvent mal définis et façonnés par des facteurs échappant au contrôle des agences humanitaires. Pendant la période d’étude du rapport, la protection a été de plus en plus considérée comme une priorité dans les réponses (en théorie). Cependant, un manque de compréhension commune, un leadership et une responsabilité faible, ainsi qu’une infrastructure de coordination trop compliquée, entre autres, ont limité la mise en œuvre d’une protection efficace. Le leadership en matière de protection s’est amélioré dans certains contextes mais est resté absent dans d’autres, notamment pendant la pandémie de COVID 19. Une certaine forme d’engagement a été entreprise dans plusieurs contextes affectés par des conflits, mais la protection des civils reste un domaine où les progrès mondiaux sont plus faibles que la protection contre la violence basée sur le genre (VBG) et la protection des enfants. Enfin, la programmation de la protection a été difficile à évaluer en raison de la difficulté d’attribuer les responsabilités entre les acteurs humanitaires et les autres acteurs. 

L’un des maux les plus flagrants de l’action humanitaire est l’exploitation et les abus sexuels commis par les travailleurs humanitaires. Le mouvement #AidToo a attiré l’attention sur le harcèlement sexuel de longue date au sein du secteur humanitaire, suscitant une nouvelle prise de conscience à haut niveau des lacunes dans la mise en œuvre de la Prévention de l’Exploitation, des Abus et du Harcèlement Sexuels (PEAHS). Le rapport met en évidence une poussée vers l’embauche de personnel dédié à la PEAHS, motivée par les exigences de conformité des donateurs. Pourtant, 60 % des répondants à l’enquête estiment que la mise en œuvre de la PEAHS n’est que  » moyenne  » ou  » faible « . Dans l’ensemble, dans de nombreux pays, l’assistance aux survivants est inadéquate et entravée par le manque de ressources dédiées ou de mécanismes inter-agences qui peuvent faciliter les renvois vers les services de PSEAH.  

 

L’action humanitaire est-elle « verte » ? 

Alors que le système tente de sauver des vies et de protéger les personnes touchées par la crise, le système humanitaire risque de nuire à l’environnement par sa présence et son empreinte carbone plus large. Les données relatives aux effets du système sur l’environnement sont limitées et les agences ne s’accordent pas sur la manière de mesurer l’empreinte carbone. Les agences ont le sentiment qu’il y a un compromis à faire entre répondre aux besoins physiques immédiats des personnes et répondre aux préoccupations environnementales à plus long terme. Les réponses apportées aux réfugiés par des camps à grande échelle ont provoqué certains des pires impacts environnementaux documentés : manque d’espaces verts, gestion limitée des déchets et faible qualité de l’air dans les camps, sans compter les maladies et les décès causés par l’eau polluée. 

Un aspect positif dans le système, est l’augmentation de l’utilisation appropriée et efficace du carburant dans les programmes, en particulier dans les contextes de déplacement. Contrairement aux rapports précédents, de nombreuses agences ont élaboré des politiques et embauché du personnel pour améliorer la durabilité et réduire les dommages environnementaux Pourtant, selon les prévisions des praticiens de l’aide et des gouvernements hôtes dans les enquêtes SOHS 2022, le changement climatique sera probablement la plus grande menace externe à laquelle le système humanitaire devra faire face dans les années à venir. 

 

Partie 3 : Comment fonctionne le système ? 

Le système traite-t-il les gens avec dignité ? 

Dans les enquêtes, les bénéficiaires de l’aide étaient largement positifs quant à leur sentiment de dignité : en moyenne, 73 % des bénéficiaires de l’aide interrogés dans le cadre de l’enquête SOHS ont déclaré qu’ils avaient le sentiment que les travailleurs humanitaires les traitaient avec dignité. Cependant, dans les discussions de groupe et les entretiens approfondis, les réponses étaient plus mitigées. Les communautés affectées qui ont été consultées au sujet de l’aide qu’elles reçoivent étaient 2,2 fois plus susceptibles de dire que l’aide répondait à leurs besoins prioritaires, 2,7 fois plus susceptibles de dire que l’aide reçue était de bonne qualité et 2,5 fois plus susceptibles de dire que le montant de l’aide était suffisant. Les facteurs démographiques ont également joué un rôle dans le sentiment de dignité des personnes. Les femmes et les personnes âgées de moins de 24 ans étaient plus susceptibles de déclarer avoir été traitées avec dignité dans l’enquête SOHS. 

Dans l’ensemble, la forme de soutien la plus digne que les agences puissent offrir consiste simplement à donner aux gens ce dont ils disent avoir le plus besoin. Comme nous l’avons vu précédemment, les modalités des programmes qui favorisent l’autonomie et la prise en charge par les bénéficiaires de leur propre rétablissement, comme l’argent liquide, l’éducation et le soutien aux moyens de subsistance, sont généralement privilégiées. Cependant, même l’efficacité de ces programmes dépend de la manière dont ils sont mis en œuvre. 

Le système international permet-il une action locale ? 

Les derniers rapports SOHS marquent le début de la prise en compte des préoccupations relatives aux performances du système en matière de complément et de soutien des efforts nationaux et locaux pour répondre aux besoins humanitaires. Depuis lors, la « localisation » est devenue une question clé pour les agences humanitaires en raison des nécessités pratiques découlant de la pandémie et de la nécessité morale suscitée par la réflexion sur le passé colonial du système humanitaire. Pourtant, une augmentation de la rhétorique et de l’attention est rarement associée à des changements significatifs immédiats dans la pratique. Ainsi, malgré les investissements et les avancées, les progrès ont été beaucoup plus lents et inégaux que souhaité, ce qui montre la nécessité de mieux combler les écarts entre les discussions politiques au niveau mondial et les réalités au niveau national. Le chantier du Grand Bargain sur la localisation a été considéré comme le principal moteur de progrès au niveau mondial, donnant un élan aux politiques et mécanismes des agences internationales en matière de localisation. Au niveau national, les agences avaient des interprétations différentes de ce que signifiait concrètement le soutien à l’action humanitaire menée localement, et les objectifs de ces efforts ne faisaient pas l’unanimité. Pour certaines, il s’agissait de localiser le système humanitaire international par le biais de la dévolution du pouvoir et des ressources, tandis que pour d’autres, cette vision conserve des échos du colonialisme. La localisation est également façonnée différemment dans chaque réponse par la dynamique du système humanitaire au niveau du pays et son contexte plus large. 

Le financement direct déclaré aux acteurs locaux et nationaux a été volatil au cours de la période 2018-2021, fluctuant entre un maximum de 3,3 % et un minimum de 1,2 %.

Le financement indirect reste difficile à suivre à l’échelle mondiale en raison de la faiblesse des rapports, mais les chiffres officiels montrent que le financement indirect était relativement faible en 2021. Entre 2018 et 2021, près de la moitié de l’aide humanitaire internationale reçue par les acteurs locaux et nationaux s’est produite dans seulement 3 pays – le Yémen, la Syrie et le Liban – et trois secteurs – la santé, la coordination et les services de soutien et la sécurité alimentaire. Plus généralement, l’incapacité du système à soutenir financièrement les acteurs locaux a continué de soulever d’importantes questions d’équité, car l’absence de financement direct perpétue les inégalités au sein du système. L’obstacle le plus important à l’augmentation du volume de financement des acteurs locaux était l’incapacité perçue de nombreuses ONG locales à répondre aux attentes des donateurs en matière de responsabilité et de conformité, et le manque de soutien au renforcement des systèmes requis pour y parvenir. En plus des difficultés de financement des acteurs locaux, dans la période qui a suivi le SOHS 2018, de nombreux États touchés par la crise ont choisi de retirer le pouvoir aux agences pour exercer un plus grand contrôle sur la façon dont la réponse humanitaire est fournie et par qui. Cela a eu pour conséquence, dans certains contextes, de tendre les relations entre les agences internationales et le gouvernement. Les agences des Nations Unies ont eu tendance à entretenir des relations relativement fortes avec le mouvement lorsque la situation politique le permettait, mais la qualité des initiatives de renforcement des capacités des Nations Unies pour le personnel gouvernemental a été jugée médiocre. L’enquête SOHS auprès du gouvernement a largement révélé que le manque de communication et de consultation avec les gouvernements hôtes était l’une des plus grandes faiblesses du système international. 

Les ONG internationales et nationales considèrent le renforcement des capacités techniques comme une étape importante dans le transfert d’une plus grande responsabilité aux acteurs locaux, mais certains ont remis en question l’encadrement des capacités, estimant qu’il est trop axé sur la conformité et qu’il reflète les priorités des donateurs et des agences des pays les plus riches. Les acteurs locaux ont déclaré que les capacités continuent d’être définies principalement par les agences internationales et ont exprimé le souhait d’avoir plus de poids dans la définition de leurs besoins en capacités. La qualité des partenariats était mitigée, mais pouvait s’améliorer. Une grande majorité des praticiens ont estimé que les possibilités de leadership et de participation des acteurs locaux au forum de prise de décision dans leur contexte étaient soit médiocres, soit passables. Le personnel international et national a signalé que les accords de partenariat traitent les L/NNGO comme des sous-traitants, leurs compétences et leurs connaissances étant reléguées à la mise en œuvre des projets. En outre, une pression a été exercée pour inclure davantage les acteurs locaux et nationaux dans les mécanismes formels de coordination humanitaire, avec des progrès évidents. Les ONG nationales représentent 44% des membres de la coordination des clusters au niveau mondial en 2020 et des améliorations ont également été constatées dans l’utilisation des langues locales appropriées lors des réunions de coordination. Malgré ces améliorations, les rôles de leadership des ONG locales et nationales dans les mécanismes de coordination restent rares. 

ETUDES DE CAS : ACTIONS LOCALES EN SOMALIE ET TURQUIE  

Le système respecte-t-il ses principes ? 

Face aux contraintes, restrictions et attaques croissantes contre l’aide, les humanitaires ont eu de plus en plus de mal à mettre en pratique leurs idéaux d’impartialité, de neutralité et d’indépendance. Au lieu de cela, les agences se sont souvent rabattues sur un impératif « d’accès à tout prix », acceptant des compromis sur leurs principes comme le prix à payer pour opérer dans un contexte fortement contrôlé. Les compromis sont inévitables lorsque les organisations humanitaires tentent de trouver un terrain d’entente entre les principes et le pragmatisme. Globalement, 45% des praticiens de l’aide ayant répondu à l’ enquête ont déclaré que le respect de l’espace humanitaire avait diminué. 

Les principes sont présentés comme des normes directrices pour la plupart des organisations et la plupart des praticiens ayant répondu à notre enquête ont souligné l’importance des principes humanitaires pour leur travail, mais le soutien pratique pour les mettre en pratique est limité. L’absence de politiques claires, d’orientation stratégique et de directives opérationnelles a entraîné une mauvaise compréhension des principes humanitaires. La peur de l’expulsion a eu pour effet de refroidir la volonté collective du secteur de dénoncer les abus commis à l’encontre des civils et les blocages de l’aide. Dans le même temps, l’interprétation des principes a continué à être débattue et revisitée. De nouvelles notions de solidarité ont été proposées et l’on s’est interrogé sur « l’anthropocentrisme » des principes humanitaires à l’ère de l’urgence écologique. 

Comment les agences trouvent-elles l’équilibre entre la défense des intérêts et la présence ? 

Reconnaissant la réduction de l’espace humanitaire et les défis auxquels la communauté internationale est confrontée dans la négociation de l’accès humanitaire dans de nombreux contextes, le coordinateur des secours d’urgence a annoncé en 2021 la création d’une nouvelle unité au sein de l’OCHA pour soutenir des approches « d’accès plus intelligentes ». Cela vise à renforcer l’engagement humanitaire et à offrir des possibilités de tirer parti des relations pour faciliter l’accès humanitaire. 

Ces dernières années, des tensions récurrentes ont été observées entre le fait de dénoncer les abus et de continuer à fournir de l’aide, en particulier dans les pays où le gouvernement exerce un contrôle fort et où les agences doivent choisir si elles veulent payer le prix de leur prise de position publique contre les violations des droits de l’homme et du droit humanitaire. Les analystes ont également constaté une érosion du consensus mondial sur l’importance du droit international humanitaire pour fixer des limites à la guerre. Les liens et les collaborations entre les organisations internationales, nationales et locales ont également été marqués par des déséquilibres en matière de pouvoir, de priorités et de politiques qui ont affaibli le plaidoyer collectif. En réponse à ces lacunes, de nouveaux efforts ont été déployés par les agences humanitaires pour unir leurs forces avec des défenseurs expérimentés d’autres secteurs. Les défenseurs de la protection ont constaté un nouveau pragmatisme créatif dans la collaboration avec les acteurs des droits de l’homme afin de minimiser les risques opérationnels tout en maximisant l’impact de leur plaidoyer. 

Le défi reste de savoir comment maintenir le principe d’indépendance de l’humanitaire par rapport aux agendas politiques des donateurs. Le financement de l’aide humanitaire est souvent influencé et lié à la politique étrangère et aux objectifs nationaux, notamment l’affirmation de la puissance douce, la lutte contre le terrorisme et la limitation de la migration. L’écart entre le financement et les besoins et la dépendance continue à l’égard d’un petit nombre de bailleurs de fonds rendent difficile l’affirmation de l’indépendance des organisations. Les agendas de gestion des migrations ont également compromis l’indépendance de l’action humanitaire. 

 

Conclusion : Le système est-il adapté pour le futur ? 

Comme le décrit en détail le rapport complet, les conditions permettant de fournir une aide humanitaire efficace, efficiente et fondée sur des principes se sont considérablement durcies sur la période 2018-2021. Bien que le secteur soit sujet à des autocritiques, il a prouvé une fois de plus qu’il pouvait être flexible et réussir à faire face à de nouveaux défis majeurs et à soutenir les personnes à travers les crises, en passant à l’échelle et en s’adaptant. Le monde qui entoure le système évolue de plus en plus rapidement et l’on se demande s’il peut suivre le rythme. Le système est-il prêt à relever les futurs défis potentiels ? 

Les nouvelles crises incluent l’augmentation des risques systémiques, les menaces climatiques et la nature changeante des conflits. Alors que le système humanitaire est habitué à travailler dans des crises complexes, il n’est pas aussi facile de travailler dans des contextes qui combinent conflits, catastrophes, déplacements ou maladies. On peut se demander dans quelle mesure des avancées telles que l’analyse multidimensionnelle liée au triple nexus et l’accent mis sur l’action anticipée en matière de changement climatique, préparent le système à l’ampleur du changement dans les crises. En effet, il existe des écarts entre la meilleure compréhension des risques et la capacité d’action limitée. Dans l’ensemble, peu de signes indiquent que les agences repensent la signification de leur mandat face à des risques mondiaux complexes.

En outre, l’évolution de la situation mondiale laisse penser que davantage de personnes seront touchées par l’insécurité alimentaire extrême, les conflits et les catastrophes. En effet, les pénuries liées à l’aggravation de la pauvreté seront probablement une cause et une conséquence de ces crises. L’augmentation de l’extrême pauvreté et de l’exposition aux risques ne signifie pas automatiquement une augmentation du nombre de personnes nécessitant l’aide du système humanitaire international. En effet, les systèmes de protection sociale et les systèmes de gestion des risques de catastrophes peuvent s’adapter et représenter des filets de sécurité pour les populations. La capacité du système humanitaire à faire face à une augmentation de la charge de travail est une question de capacité et de limites. Une charge humanitaire croissante accentuera les dilemmes entre atteindre le plus grand nombre de personnes et les personnes les plus nécessiteuses et le faire d’une manière qui tienne mieux compte de leurs opinions. Redimensionner efficacement le système pour l’avenir, c’est plus qu’augmenter les ressources, c’est aussi réévaluer la portée de ses ambitions et son rôle par rapport aux autres. 

Un message clair ressort du rapport de ces quatre dernières années : les normes fondamentales qui sous-tendent l’action humanitaire sont sous tension. Ces tensions se font sentir dans les sphères économiques et politiques qui s’influencent mutuellement. La pertinence et l’influence du modèle d’aide dirigé par l’Occident sont également remises en question. Si l’héritage colonial continue d’être remis en question et si les contours politiques d’un monde multipolaire se dessinent plus nettement, le rôle de l’aide pourrait être amené à changer. 

 

Eva Miccolis

Rapport complet.