
Après 9 mois de blocus de l’Artsakh ou Haut-Karabakh suivi d’une offensive militaire éclair et de bombardements massifs par l’armée de l’Azerbaïdjan les 19 et 20 octobre, la population Arménienne saisie par la peur et l’effroi a pris la route de l’exode forcé. Ils sont déjà plus de 100.000 déplacés de force sur les 120.000 habitants à avoir trouvé refuge en Arménie.
Rien n’aura donc empêché le pire, ni l’injonction de la Cour Internationale de Justice de l’ONU à rouvrir le corridor de Latchine, ni les appels de la France, de l’Union Européenne, des Etats-Unis ou même de l’ONU et de nombreux autres pays et institutions. Comment en est-on arrivé là ? Quelles leçons devons-nous en tirer. Qui est responsable de ce drame humain ?
Je pense aux écoliers qui chantaient, aux handicapés, aux infirmières que j’avais rencontrés sur place en février 2021 avec Bernard Kouchner, Patrice Franceschi et la Fondation Aurora. Où sont-ils maintenant, que vont-ils devenir ? Un reportage télévisé intitulé « Une ville fantôme sans âme » nous montre la grande place de Stepanakert vide avec des poussettes d’enfants et des bagages abandonnés, des chiens errants. L’exode pour fuir devant la faim et les bombardements. Certains experts parlent d’« épuration ethnique », voire de « génocide » comme l’affirme Luis Moreno Ocampo, ancien procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI).

Je pense à ces Artsakhiotes durs à la peine que j’ai rencontrés et qui ont dû abandonner en catastrophe leurs maisons, leurs champs, leurs bétails, leurs ateliers, leurs cimetières et leurs monastères, eux dont les ancêtres vivaient là depuis 2500 ans !
N’oublions pas les habitants demeurés en Artsakh. Combien sont-ils ? Que vont-ils devenir ? Une mission de l’ONU est sur place, la première depuis 30 ans ! Elle a dorénavant la responsabilité de les protéger, de les secourir, de les accompagner et de le faire savoir.
Mon propos ici est de rapporter des faits avec les conséquences humanitaires qu’ils provoquent pour la population de l’Artsakh et d’évaluer les risques qui pourraient plonger à son tour l’Arménie dans la tourmente.
Dans ma vie d’humanitaire, je n’ai jamais accepté les blocus de la famine et l’épuration ethnique et nous avons toujours fait le choix des secours quand Kaboul ou Sarajevo étaient encerclé, quand l’enclave musulmane de Gorazde en Bosnie était assiégée et durant le génocide des tutsis au Rwanda. Aujourd’hui, c’est le cas de l’Artsakh et demain peut-être de l’Arménie.
L’Arménie havre de paix et de sécurité, est-ce si sûr ?
Les exilés de l’Artsakh reçoivent un accueil et un soutien exceptionnel en Arménie après avoir franchi le pont frontière de Hakari. La solidarité est là avec les habitants, leurs villages, la Croix Rouge Arménienne et les services publics, les associations humanitaires Arméniennes et internationales.
L’Arménie, c’est plus grand que l’Artsakh avec environ 2,5 millions d’habitants sur un territoire de 29.743 km2. Mais à peine ces déplacés de force parviennent-ils épuisés en Arménie avec le peu qu’ils ont pu sauver, que déjà des voix s’élèvent. Le président de l’Azerbaïdjan parle de l’Arménie comme de l’Azerbaïdjan occidental !
Le 25 septembre, alors que le flot de l’exode s’amplifiait, les présidents turcs et azerbaïdjanais se retrouvaient au Nakhitchevan pour poser la première pierre d’un gazoduc qui devrait selon eux traverser le sud de l’Arménie via un « corridor extraterritorial » qui échapperait ainsi à son contrôle, à sa souveraineté. On joue là dangereusement avec la guerre et l’intégrité territoriale de l’Arménie est en cause, d’autant que près de 120 km2 de son territoire sont déjà occupés de force par l’Azerbaïdjan.
Aujourd’hui, il faut secourir les Arméniens de l’Artsakh, il faut aussi secourir l’Arménie et ses habitants qui les accueillent et qui sont eux-mêmes en danger. Si le début du blocus de l’Artsakh en décembre 2022 annonçait finalement déjà le coup de grâce des bombardements des 19 et 20 septembre, alors l’Arménie est à soutenir dès maintenant et dans la durée. Abandonnée, seule, l’Arménie finira par succomber.

Depuis près de 3 ans, après m’être rendu en Artsakh et en Arménie, Défis Humanitaires vous a régulièrement tenu informé de la situation et nous avons publié des lettres de ses habitants que vous retrouverez ci-dessous. J’ai aussi participé à diverses conférences et émissions pour mieux vous informer. Plus que jamais, une information humanitaire est essentielle à la liberté et à la solidarité.
Aujourd’hui, comme vous le savez, il y a urgence et je vous invite personnellement à soutenir dès aujourd’hui Défis Humanitaires (faire un don) pour nous permettre d’amplifier l’information car « Il n’y a pas d’espoir dans le silence des autres ».
Les médias aujourd’hui très mobilisés seront demain beaucoup moins présents et même peut-être à nouveau silencieux.
Grâce à votre soutien, Défis Humanitaires pourra publier un bulletin d’information régulier avec des informations précises sur :
- Les Artsakhiotes réfugiés en Arménie et sur les organisations humanitaires actives sur place.
- La situation en Arménie et les risques pouvant conduire à nouveau à un drame humanitaire.
Si votre soutien le permet (faireundon), Défis Humanitaires pourra envoyer une mission d’information en Arménie auprès des réfugiés et des organisations humanitaires afin de réaliser un reportage à paraître dans une prochaine édition, à produire une vidéo avec des interviews et nous vous proposerons alors un webinaire avec des invités et un débat avec vous.
Ce soutien humanitaire des lectrices et lecteurs peut également être celui de collectivités locales, de fondations, de philanthropes qui veulent être mieux informés, plus solidaires et que j’appelle à nous soutenir dès aujourd’hui (faireundon). Un grand merci pour votre générosité humanitaire.
Alain Boinet.
Président.
Défis Humanitaires.
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Pour en savoir plus sur la situation en Artsakh découvrez les précédents articles de Défis Humanitaires :
La solidarité soumise à rude épreuve
Plaidoyer pour les 120.000 arméniens du Haut-Karabagh
Témoignages des Arméniens d’Artstakh
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