
Une étude du Geneva Water Hub révèle les stratégies de financement liées à l’eau dans une région fragile du Sahel
Une étude sur le financement des projets liés à l’eau dans la zone fragile du Liptako-Gourma au Sahel a ouvert la voie à un dialogue sur les réponses à apporter à la crise sécuritaire que connait la région. L’étude a pour but de révéler comment les initiatives relatives à l’eau à des fins domestiques et productives sont déployées par le biais de projets de développement et d’actions humanitaires dans des zones fragiles telles que la région du Liptako-Gourma, le tout dans un contexte de détérioration de la situation sécuritaire et de crise humanitaire croissante. L’étude s’appuie sur le constat que l’eau est un besoin prioritaire pour les communautés touchées par les conflits ainsi qu’une clé pour la relance de l’économie rurale. Malgré la forte volonté de la communauté internationale de soutenir les efforts de développement des États de la région et de répondre aux besoins humanitaires, une vision solide et globale du rôle stratégique de l’eau fait toujours défaut.
Pour contribuer à cette entreprise complexe, l’un des principaux objectifs de l’étude était de fournir une vue d’ensemble unifiée de toutes les initiatives liées à l’eau qui étaient en cours dans cette zone fragile en 2020. L’étude a recensé un total de 575 engagements budgétaires dans la zone, soit 218 projets de développement et 357 flux d’aide humanitaire, afin de tirer des conclusions sur les stratégies financières dans le domaine des services et de l’utilisation productive de l’eau. L’étude rend visible le portefeuille de projets des bailleurs de fonds et agences qui s’engagent dans le domaine de l’eau à des fins domestiques et productives dans la région. En outre, l’étude intègre les points de vue de leaders et acteurs locaux sur la crise actuelle, qui ont été recueillis lors d’une réunion stratégique en juin 2021 à Ouagadougou. Ils ont été invités à communiquer leur opinion sur le soutien déjà existant, sur le rôle que l’eau pourrait jouer dans la dynamique intercommunautaire locale, ainsi que sur le rôle en zones fragiles que les communautés locales aspirent à jouer dans la solution à la crise actuelle.
Les chercheurs notent que les projets dédiés à l’eau et à l’assainissement présentent d’importantes disparités géographiques : environ 60% des allocations budgétaires sont destinées à des projets urbains alors que 80% de la population de la région est rurale. Mais au-delà de cette lecture classique de la disparité, ils appellent à une vision plus élaborée des différents points d’eau dans les zones rurales du Sahel, appuyée par des cartographies, afin de mieux comprendre les enjeux hydropolitiques derrière le défi clé de la lutte contre les fragilités socio-économiques et les inégalités locales d’accès aux ressources naturelles et aux services de base, qui alimentent la crise sécuritaire.

Le développement d’un accès transparent aux informations sur l’aide internationale ainsi que les autres principes-clé de l’efficacité de l’aide internationale constituent un obstacle majeur dans cette optique. Une vision stratégique est nécessaire pour aller au-delà de l’investissement classique dans les grands cours d’eau afin d’englober les eaux souterraines et les eaux de surface semi-permanentes. Cette vision devrait englober les initiatives communautaires de préservation de l’eau, des sols et des forêts afin d’atténuer la période de sécheresse structurelle projetée dans moins d’une décennie. En outre, les cartes stratégiques mettent en évidence la répartition des incidents violents dans cette zone frontalière de déploiement de projets, ce qui appelle à l’opérationnalisation d’un lien entre les acteurs du développement et de l’humanitaire. Les auteurs remarquent qu’en dépit d’un cadre de coordination très fragmenté, des dialogues et des initiatives de ces acteurs sont en cours pour mettre en œuvre des approches novatrices et collaborer pour renforcer les institutions et les prestataires de services de la région dans le but de relever le défi du redressement durable.

Il existe un consensus fort dans la recherche que toute approche doit relever le défi de la cohérence au niveau local en s’appuyant sur les figures clés des communautés locales. Cela serait nécessaire pour rétablir le contrat social entre les populations et faciliter le retour de la présence de l’État sur fond d’échec des politiques de développement, qui ont eu leur part de responsabilité dans le déclenchement de la crise. La coopération dans le domaine de l’eau a le potentiel d’ouvrir le dialogue entre les communautés rivales et d’inciter les États à réinventer leurs politiques de développement à l’aune de ressource vitale et irremplaçable pour les populations et leur économie rurale.
Tobias Schmitz
Rédacteur en chef du média The Water Diplomat
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