Un rapport de la Banque Mondiale nous alerte sur la crise de la qualité de l’eau polluée par l’azote, l’excès de sel et les polluants émergents tel que le plastique. Voilà ce qui va bousculer les Objectifs de Développement Durable (2015-2030), en particulier l’objectif 6 dédié à un accès universel à l’eau potable en 2030. Défis Humanitaire vous présente ici ces deux rapports. Il y a là un immense défi à relever pour les acteurs de l’eau qui préparent le 9ème Forum Mondial de l’Eau en mars 2021 à Dakar.
Simultanément en Août 2019, le Courrier international publie « Bientôt un monde sans eau », il reprend la publication du New York Times (7.8.2019) présentant une cartographie du World Ressources Institute sur la diminution dangereuse de l’approvisionnement en eau. Cette diminution concerne désormais un quart de la population mondiale à l’horizon 2030 !
WASHINGTON, Communiqué de presse de la Banque Mondiale (à consulter également ici), le 20 août 2019 — Le monde est confronté à une invisible crise de la qualité de l’eau qui réduit d’un tiers la croissance économique potentielle des zones fortement polluées et menace le bien-être humain et environnemental : c’est la conclusion d’un rapport publié aujourd’hui par la Banque mondiale sous le titre Quality Unknown : The Invisible Water Crisis (Qualité inconnue : l’invisible crise de l’eau).
À l’aide de nouvelles données et méthodes, cette étude démontre comment la conjonction de bactéries, d’eaux usées et de produits chimiques et plastiques peut extirper l’oxygène de l’approvisionnement en eau et transformer l’eau en poison pour les êtres humains et les écosystèmes. Afin d’apporter un éclairage sur la question, la Banque mondiale a constitué la plus grande banque de données au monde sur la qualité de l’eau à partir de données relevées sur le terrain dans des stations de contrôle, au moyen de techniques de télédétection et selon le processus d’apprentissage automatique.
Selon le rapport, le manque d’eau potable réduit la croissance économique d’un tiers. Ses auteurs demandent que l’on accorde, au plan mondial, national et local, une attention immédiate à ces dangers qui menacent aussi bien les pays développés que les pays en développement.

« L’eau propre est un facteur essentiel de croissance économique. La détérioration de la qualité de l’eau entrave la croissance économique, aggrave les problèmes sanitaires, réduit la production de denrées alimentaires et exacerbe la pauvreté dans de nombreux pays », constate David Malpass, président du Groupe de la Banque mondiale. « Les pouvoirs publics doivent prendre d’urgence des mesures pour lutter contre la pollution de l’eau de sorte que les pays puissent croître plus rapidement de manière équitable et durable sur le plan environnemental. »
Lorsque la demande biochimique en oxygène — mesure de la quantité de pollution organique qui se trouve dans l’eau et mesure indirecte de la qualité globale de l’eau — dépasse un certain seuil, la croissance du PIB des régions situées en aval subit une baisse pouvant atteindre un tiers en raison des répercussions sur la santé, l’agriculture et les écosystèmes.
L’azote est l’une des principales causes de la mauvaise qualité de l’eau : répandu sous forme d’engrais sur les terres agricoles, il finit sa course dans les rivières, les lacs et les océans où il se transforme en nitrates. Les enfants exposés aux nitrates dès leur plus jeune âge souffrent de problèmes de croissance et de développement cérébral qui ont des répercussions sur leur santé et, plus tard, sur leur capacité à gagner leur vie à l’âge adulte. Le ruissellement et le déversement dans l’eau de chaque kilogramme d’engrais azoté supplémentaire par hectare sont susceptibles de relever dans une proportion pouvant aller jusqu’à 19 % le niveau de retard de croissance chez les enfants et de réduire de quelque 2 % leurs revenus à l’âge adulte en comparaison des enfants non exposés à ces produits.
Le rapport constate aussi que les rendements agricoles diminuent sous l’effet de l’augmentation de la salinité de l’eau et des sols résultant de sécheresses plus intenses, d’ondes de tempête et de l’accroissement de l’extraction d’eau. La quantité de nourriture que l’humanité perd chaque année à cause des eaux salées permettrait de nourrir 170 millions de personnes.
Le rapport recommande aux pays de prendre diverses mesures pour améliorer la qualité de l’eau : politiques et normes environnementales ; évaluation exacte des charges polluantes ; systèmes efficaces d’application de la réglementation ; infrastructures de traitement des eaux facilitées par des mesures d’incitation en faveur de l’investissement privé ; communication d’informations fiables et exactes aux ménages pour encourager la participation citoyenne ; etc.
N.B. Financé en partie par le Partenariat mondial pour la sécurité de l’eau et l’assainissement (GWSP), fonds fiduciaire rassemblant plusieurs bailleurs de fonds basé au sein du Pôle mondial d’expertise en Eau de la Banque mondiale, le rapport peut être téléchargé à l’adresse worldbank.org/qualityunknown
“Le stress hydrique menace un quart de l’humanité”
A ce constat de la Banque Mondiale s’ajoute les travaux du World Resources Institute montrant l’importance du stress hydrique à l’échelle mondiale.
Que signifie-t’on lorsqu’on parle de stress hydrique ? Le stress hydrique correspond à une situation où la demande en eau excède les ressources disponibles. Selon l’OMS, les pays touchés par le stress hydrique sont ceux dont la disponibilité en eau par an et par habitant est inférieure à 1 700 m3. En dessous de 1 000 m3/hab/an, on parle de pénurie d’eau. L’ indicateur du stress hydrique peut aussi se trouver en pourcentage. Il fait alors le rapport entre le besoin en eau et les ressources disponibles.
Que nous dit ce rapport ?
- Le World Resources Institute (WRI) a constaté que les prélèvements en eau dans le monde ont plus que doublé depuis les années 1960, en raison notamment d’une demande croissante.
- De nouvelles données provenant des outils Aqueduct de WRI révèlent que 17 pays – où vit un quart de la population mondiale – sont confrontés à des niveaux de stress hydrique «extrêmement élevés», où l’agriculture irriguée, les industries et les municipalités retirent en moyenne plus de 80% de leurs disponibilités.
- 12 des 17 pays les plus vulnérables au stress hydrique se trouvent au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA). Cependant de nombreuses possibilités restent donc encore inexploitées. Dans cette région, environ 82% des eaux usées de la région ne sont pas réutilisées.
- Enfin, l’Inde serait actuellement le pays le plus touché par cette problématique au vu de ses eaux de surface et souterraine.
Quelques chiffres sur la France :
La France est loin d’être épargnée par ce phénomène puisqu’elle est classée parmi les pays où le stress hydrique est “medium-high” (voir schéma classement et score ci-dessous).
Agriculture: 2,29
Usage domestique: 2,09
Industrie: 2,18
Score: 2.19
Medium – High (20-40%)
Stress hydrique : classement par pays, 2019, World Resources Institute :
Le rapport se termine cependant sur cette conclusion rassurante : « le stress hydrique n’est qu’un aspect de la sécurité de l’eau. Comme pour tout défi, ses perspectives dépendent de la direction choisie par les pays. Parmi les pays où le stress hydrique est relativement élevé, beaucoup ont sécurisé leurs ressources en eau grâce à une gestion appropriée. » De nombreux défis restent encore à venir. Nous sommes assez sceptiques quant à cette conclusion et nous appelons au contraire à se mobiliser pour sauver l’eau des maux qui la menace.
Pour plus d’information sur l’eau et ses enjeux actuels, consultez le Baromètre de l’eau, de l’hygiène et de l’assainissement de 2019, réalisé par l’ONG Solidarités International : ici.
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