Crédits : Solidarités International. Népal, 2016.
Une littérature abondante, redondante, alimentant une bureaucratisation de la pensée nous abreuve sans cesse du terme de « travailleur humanitaire ».
Mais pourquoi ce label estampillé de « travailleur humanitaire » plutôt et simplement que « humanitaire » penserez-vous ? C’est là toute la question. On dit bien agronome, infirmière, ingénieur, paysan ou agriculteur, pilote, éleveur ou marin, et non travailleur pompier ou travailleuse psychologue. Alors, pourquoi ne pas dire tout simplement humanitaire, comme nous le faisons spontanément ?
J’ai bien cherché des comparaisons et je n’ai trouvé que travailleur du sexe ou travailleur de force, sans qu’il n’y ait le moindre lien entre les deux. J’ai bien pensé aussi à l’appel subliminal de « travailleurs-travailleuses ! ». Et cela résonne bien en ce 1er Mai où j’écris ces lignes pour fêter cela en travaillant.
Le syndrome du « aid worker ».
J’ai cru déceler l’origine de cette distorsion de la langue de Rabelais, Ronsard, Léopold Sédar Senghor et Marguerite Yourcenar en remontant à ce qui semble bien être l’origine de la confusion langagière dont le symptôme se nomme « aid worker », en anglais dans le texte. C’est sans doute l’explication la plus plausible. Mais, est-ce que « aid worker » traduit bien humanitaire ?
En creusant, nous constatons que le mot humanitaire n’est souvent qu’un adjectif dérivant du nom commun « humanité ». C’est aussi un adjectif en espagnol avec « trabajador humanitario » et en russe semble-t-il. En Chinois, on dit « attention humanitaire » ou « rendao zhuyi ». Les langues ont bien leur identité, si ce n’est une âme, à respecter.
Mais qu’attend l’Académie Française ?
Selon certains exégètes, c’est avec le développement des secours en temps de guerre, notamment après la bataille de Solférino, que l’adjectif « humanitaire » va prendre le sens qu’il a aujourd’hui comme le confirme Le Littré, Le Petit Larousse et d’autres dictionnaires qui confirment notre position.
Alors, il est sans doute temps que l’Académie française, qui a admis le terme humanitaire en 1878 comme un adjectif, lui reconnaisse enfin un nom reconnu dans la langue française. L’Académicien et ami Jean-Christophe Rufin pourrait en être le héraut talentueux sous la Coupole. En attendant, continuons d’utiliser le terme humanitaire qui se suffit bien à lui-même pour dire ce que nous sommes.
Alain Boinet.