Le financement participatif : une solution pour la solidarité ?

Campagne annuelle sur Commeon de Handicap International, Cambodge ©Handicap International

La philanthropie fait de plus en plus partie intégrante de la construction individuelle et collective de nos sociétés. Le secteur de la générosité est par ailleurs témoin depuis quelques années de l’émergence de nouvelles formes de mobilisation participative. Ces formes innovantes permettent à des porteurs de projets de collecter des fonds en ligne auprès de personnes et structures de tous horizons.

Vous connaissez sûrement ces sites Ulule, Kisskissbankbank ou encore les cagnottes en ligne de Leetchi, où le citoyen engagé comme la fondation ou l’entreprise peut décider de soutenir un projet. C’est exactement de cela dont il est question et ces plateformes peuvent être directement tournées vers la solidarité internationale et l’aide d’urgence. Aujourd’hui, nous vous présentons l’une de ces plateformes : Commeon.

En France, une générosité en pleine mutation

Si le secteur a enregistré en 2018 une baisse inédite de – 4,2 % des dons[1], avec 5,5 millions de foyers fiscaux donateurs, il a tout de même connu une hausse de 70% sur les dix dernières années. Malgré l’instabilité fiscale actuelle et la baisse de 2018, le marché de la générosité en France promet un potentiel de croissance significatif si on le compare aux ratios affichés par nos voisins européens – le montant total des dons représentant 0,11% de PIB en France, quand il est de 0,29% aux Pays-Bas et de 0,56% au Royaume Unis.

En France, les donateurs sont fidèles. 94% des montants des dons reçus proviennent en effet de donateurs fidèles. En parallèle, les formats d’engagement se sont multipliés et les particuliers s’y sont investis pleinement. Les pétitions, cagnottes de soutien et plus largement tout le mouvement de la finance alternative et participative qui a progressé de 39% entre 2017 et 2018 sont le support de ces nouvelles tendances. Les réseaux sociaux semblent favoriser dans ce sens la spontanéité de l’expression et le partage de ces engagements.

La popularité croissante de ces initiatives compense partiellement les bouleversements liés à la fiscalité, à l’exemple du passage de l’ISF à l’IFI, l’augmentation de la CSG pour les seniors, les incertitudes liées au prélèvement à la source.

« Dans ce contexte, Commeon est un opérateur de transition qui accompagne d’un côté les acteurs de l’intérêt général dans le déploiement de leurs projets, et de l’autre côté les donateurs dans leur démarche de générosité. » Thérèse Lemarchand, fondatrice de Commeon

Le financement participatif, mais ça sert à quoi ?

Cette forme de mécénat, couramment appelé le crowdfunding (littéralement  « le financement par les foules »), permet à des porteurs de projets, quelle qu’en soit la nature, de trouver des financements par le biais d’internet, principalement auprès de donateurs individuels.

Commeon, fondée en 2014 sous le nom Culture Time, puis rebaptisée en 2016 avec son élargissement à tous les secteurs de l’intérêt général, est aujourd’hui une vaste plateforme de mécénat participatif. Elle récolte des dons du grand public pour financer des projets à « portée collective dans les domaines de la culture, des arts, du patrimoine, de l’éducation, la solidarité, la santé, l’environnement ou le sport ». Récemment, elle a également rejoint l’agence Hopening en début d’année 2019 au sein de sa filiale Solutions by Hopening qui déploie des solutions innovantes pour une générosité plus partagée.

Les porteurs de projet qui collectent sur la plateforme sont une grande majorité d’acteurs associatifs, mais il y a également des établissements publics, des fondations, des collectivités et enfin des fonds de dotation. Toutes ces structures peuvent être à des stades de maturité très variables. Cela permet à des plateformes comme Commeon de développer un écosystème très riche et de le faire interagir.

Les porteurs de projet peuvent lancer des campagnes classiques affectées à un projet, avec un objectif défini sur une durée limitée, campagnes qui peuvent se renouveler d’une année sur l’autre, ou des programmes de collecte annuels, affectés à la cause générale de la structure et qui permettent de fédérer un noyau de donateurs individuels.

Parmi les autres plateformes de financement participatif, Commeon est la seule plateforme entièrement consacrée au don. Ses services techniques en termes de transaction, de coaching et de stratégie de contenus sont rémunérés par les projets qu’elle héberge, sur la base d’une commission de 8% sur les dons collectés (le taux moyen sur ce type de plateforme), sans coût d’entrée. D’autres profils de rémunérations sont proposés notamment pour les adhérents du don en confiance, et aux entreprises. Le service reste gratuit pour les donateurs.

Qui sont les donateurs, qui donne aujourd’hui en France ?

Depuis 2013, la plateforme a collecté 3,3 M€ auprès de 22 000 donateurs et au profit de 550 projets. Elle s’adresse à tout type de donateurs et notamment aux donateurs les plus modestes puisque les dons peuvent commencer à 10 €.

« Nous fédérons des citoyens engagés, des personnes modestes comme plus fortunées, de façon très large et très ouverte. L’engagement de ces personnes est lié à des causes qui les touchent plus particulièrement, mais aussi à un attachement territorial par exemple, les gens sont très sensibles à faire bouger les choses près de chez eux. » Thérèse Lemarchand, fondatrice de Commeon.

Au-delà des particuliers, la plateforme fédère également de petites et moyennes entreprises du territoire : cabinets d’expert-comptable, notaires, avocats, petites entreprises du bâtiment, etc., qui représentent 15% des montants collectés sur le site. De plus grosses entreprises s’engagent également aux côtés des donateurs pour faire émerger des projets. La plateforme collabore par exemple avec AXA, Crédit Agricole, Microsoft, Vinci, EDF, etc.

50% des donateurs ont moins de 50 ans, 40% ayant entre 35 et 55 ans. De plus, la plateforme Commeon jouit d’une répartition très équilibrée entre donatrices et donateurs (50/50).

Une plateforme innovante qui place le donateur au cœur de la générosité :

 « Les collectes qui rencontrent le plus de succès sont celles qui cherchent à créer une relation privilégiée aux donateurs, qui les font participer à la construction même du projet : les citoyens ont envie de s’impliquer, de changer les choses, et de suivre concrètement la mise en œuvre des changements auxquels ils contribuent. Les projets qui intègrent ces valeurs de participation, de transparence et d’impact rencontrent toujours un écho favorable auprès du public. » Thérèse Lemarchand, fondatrice de Commeon

Commeon a notamment créé le « portefeuille philanthropique » permettant à tous les donateurs d’avoir accès à un espace personnel et sécurisé qui regroupe leurs actions de générosité. Tous leurs dons et réductions fiscales y sont répertoriés, année par année, les dernières actualités des projets qu’ils ont soutenus y figurent, et une sélection de projets personnalisés est proposée.

L’objectif est également que chaque donateur puisse définir son « budget générosité » en mettant de côté un montant ponctuel ou mensuel pour faire ses dons. Grâce à ce dispositif, la plateforme a un don moyen de 126 €, alors qu’il se situe plutôt aux alentours de 70€ sur la plupart des sites de crowdfunding.

Commeon a été labellisé FINANCE INNOVATION dans la catégorie RSE, un label s’adressant aux projets innovants de l’Industrie française, Banque, Finance, Assurance, etc. au titre de son projet d’intégration du portefeuille philanthropique de Commeon aux espaces de banques en ligne.

« C’est un dispositif très ambitieux qui change le rapport à l’argent, et apporte ainsi une nouvelle valeur à la relation bancaire, très fidélisante » Thérèse Lemarchand, fondatrice de Commeon

Le système du « tout ou rien » : oui ou non ?

Il est courant que les sites de financement participatif utilisent le système du « tout ou rien », c’est-à-dire que si l’objectif chiffré du porteur de projet n’est pas atteint les donateurs sont remboursés. Sur Commeon, le parti pris est de s’assurer en amont que le projet sera effectivement réalisé, et que les fonds collectés y seront bien affectés, même si l’objectif visé n’est pas atteint. Ainsi chaque don peut nourrir le projet et c’est à la charge du porteur de projet de bien préciser comment le projet sera mené.

Des projets phares pour la solidarité  portés par des associations :

La plateforme a notamment levé des fonds destinés à un projet d’accueil de mineurs isolés à Paris avec Utopia 56. Cette collecte au profit d’Utopia 56, était un programme de collecte annuel. La collecte a duré un peu plus de 2 ans, de mars 2017 à juin 2019 et a réuni 192 mécènes. L’intérêt pour l’association était de proposer à ses donateurs, différents paliers de dons, de 10 à 100 €, avec un module de don libre, tout en les reliant à différents dispositifs d’urgence : la recharge d’un téléphone portable, la fabrication d’une carte consulaire ou d’un passeport, des tickets de métro, etc. Plus d’un millier de jeunes ont pu être soutenus grâce aux dons !

Mineurs non accompagnés, Paris, ©Utopia56

Sur le même modèle, Handicap international fait également une campagne annuelle sur Commeon, pour aider des enfants en situations d’handicap dans le monde. Cette année, la campagne se porte sur des enfants cambodgiens : programme en ligne.

 

Solidarité nationale pour les Antilles, un projet de la Fondation de France.

« Les collectes qui rencontrent un fort écho médiatique, comme dans le cas de collectes d’urgence notamment, témoignent également de la volonté de faire front commun de la part des donateurs. Comme nous avons pu le constater au cours de la création des collectes au profit des victimes de l’ouragan Irma et de la reconstruction de Notre-Dame, la courbe de dons indique que les premières heures sont clés. » Thérèse Lemarchand, fondatrice de Commeon

Dégâts causés par l’ouragan Irma aux Antilles ©Fondation de France

Suite à l’ouragan Irma de 2017, les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy ont été particulièrement touchées : 95 % du territoire a été détruit. Face à la détresse des populations durement frappées, la Fondation de France a lancé un appel à la solidarité nationale pour les Antilles sur Commeon, qui a été relayé au sein la société Generali auprès de ses collaborateurs. L’objectif de la Fondation de France était alors, comme d’autres structures urgentistes, de diversifier ses sources de collectes.

« Commeon est un partenaire logique des urgentistes au regard de son investissement au profit de l’intérêt général. » Béatrice de Leyssac, Responsable du Développement, Commeon

C’est la Fondation de France, en tant que collecteur des dons, qui a organisé la répartition des actions et a distribué les dons. Grâce à la collecte, elle a pu répondre à l’urgence immédiate et aux besoins non couverts : accueil des victimes, coordination et évaluation des différentes aides à leur fournir. Par la suite, la Fondation de France a défini 3 axes d’intervention : l’aide aux victimes, la relance économique et la reconstruction, en privilégiant l’action sur le terrain par l’envoi d’un chargé de mission à Saint-Martin.

Cette campagne a été réalisée de façon extrêmement rapide, lancée par les équipes de Commeon en moins de 12h. L’entreprise Generali a également organisé une collecte interne : 171 donateurs parmi les agents ou les collaborateurs ont contribué à hauteur de 13.975 €. Generali a doublé cette somme, et l’association GPMA, proche de Generali, a versé 10.000 €. Et, au total, ce sont donc 37.950 € qui ont été versés à la Fondation via ce relai, auquel est venu s’ajouter la collecte auprès du grand public.

Les perspectives futures du financement participatif : le défi est de continuer à innover !  

« Nous invitons les acteurs de l’intérêt général à faire preuve d’audace et à se fédérer pour faire grandir la générosité. Nous avons la conviction que tous ont un rôle à jouer pour dessiner la société de demain ! » Thérèse Lemarchand, fondatrice de Commeon

La multiplication de levées de fonds communes entre structures partenaires ou consortiums, peut être un axe innovant. A ce titre, Commeon a développé en 2017 une campagne collective : #SOLIDARITÉDIGITALE, qui réunissait 30 ONG sur cette plateforme commune afin de faciliter les dons des citoyens en fin d’année. Education, environnement, solidarité, toutes les causes étaient réunies et l’ensemble des collectes était rassemblé sur une même page. De plus, chaque ONG disposait d’une page de collecte dédiée.

Campagne annuelle sur Commeon de Handicap International, Cambodge ©Handicap International

Les résultats ont finalement été très positifs avec 415 000 impressions[2] totales de publications, un âge moyen des donateurs de 41 ans, qui est jeune par rapport à la moyenne d’âge du donateur en France, un don moyen à 172€, avec une quinzaine de retombées presse.

Se nourrissant de ces initiatives innovantes, les modes de financement participatifs sont appelés à être de plus en plus utilisés dans le secteur de la solidarité et deviennent progressivement des outils robustes aux services des associations, fondations, ONG et autres structures mettant en œuvre une aide humanitaire ou de développement, et une action de sauvegarde du patrimoine culturel et naturel, tant au plan national qu’international.

Thérèse Lemarchand, fondatrice de Commeon
Béatrice de Leyssac, Responsable du Développement, Commeon
Sarah Boisson, rédactrice pour Défis Humanitaires

Biographie Thérèse Lemarchand :

Thérèse est diplômée de l’École Nationale des Ponts et Chaussées et de l’Imperial College de Londres. Elle débute sa carrière chez EDF à l’ingénierie nucléaire.

En 1999, elle s’engage dans la culture aux côtés d’Opéra Gallery à Singapour.

De retour en France, elle rejoint l’équipe de lancement de l’une des premières galeries d’art en ligne enviedart.com puis la direction opérationnelle et commerciale de la Galerie Arcturus.

Elle revient chez EDF en 2007 à la Direction Commerciale, où elle sera Responsable Grands Comptes.

Passionnée d’art contemporain, convaincue de l’importance de la philanthropie dans la construction individuelle et collective, et frappée par l’émergence des nouvelles formes de mobilisation participative et digitale, Thérèse lance en 2014 Culture Time, qui deviendra Commeon en 2016 dans le but de développer le mécénat participatif.


[1] Source : Baromètre de la générosité 2018 de France Générosités

[2] Une impression (ou un vu) est, en information, l’unité de mesure utilisée pour quantifier le nombre fois qu’un objet est vu par les internautes, en général une publicité, une image, un son ou une vidéo.

Une réflexion au sujet de « Le financement participatif : une solution pour la solidarité ? »

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