« Ne laissons pas tomber l’Afghanistan » !

Le-Monde-logo

Dans une tribune au « Monde » parue le 27 novembre 2018, un collectif, réunissant notamment des membres d’ONG, d’anciens diplomates et des artistes, appelle le gouvernement français à réévaluer sa politique à l’égard de Kaboul et à réaffirmer les liens d’amitié et de coopération qui lient les deux pays.

En tant qu’amis de longue date de l’Afghanistan, impliqués dans des actions de solidarité avec ses populations, nous nous inquiétons de l’apparente prise de distance de la diplomatie de la France à l’égard de ce pays, pourtant situé au cœur des crises et des recompositions à l’œuvre dans cette partie du monde. Dit plus brutalement, l’Afghanistan a-t-il disparu des radars français ?

La France et l’Afghanistan sont liés par un Traité d’amitié et de coopération signé en 2012. Les deux pays entretiennent une relation fidèle bientôt centenaire, portée par « l’esprit » comme l’avait dit le Général de Gaulle. L’éducation en a été le socle, et les commémorations de Mai 68 ont permis de rappeler que c’est à cette époque que Georges Pompidou avait posé la première pierre du nouveau bâtiment du prestigieux Lycée Esteqlâl. L’archéologie et ses trouvailles remarquables en ont constitué un autre fondement. L’exposition qui vient de se tenir au Musée de l’Ordre de la Libération autour de Joseph Hackin a souligné la profondeur de cette démarche culturelle. Les deux peuples se sont aussi rencontrés dans les heures sombres de l’occupation soviétique, avec le travail des « French doctors » qui restent encore aujourd’hui dans la mémoire de la population afghane. Enfin, le sacrifice de 90 soldats français au service de la paix domine la décennie 2004-2013 de l’engagement militaire de la France.

Où en est-on à présent ? Les relations franco-afghanes sont au point mort. Les insurgés en faisant exploser en mai 2017 un camion chargé d’explosifs à proximité des ambassades occidentales ont réussi à réduire la présence française. Transfert du service culturel à Paris, délocalisation de la Délégation Archéologique Française et de l’Agence Française de Développement, gel de facto du traité d’amitié, division par deux des crédits alloués à la coopération et aux projets de développement, silence des autorités françaises concernant l’Afghanistan. Quant au dialogue politique de haut niveau il paraît bien insuffisant au regard des enjeux : sécurité régionale, lutte contre la radicalisation, consolidation de l’état de droit, protection des biens culturels, réchauffement climatique.

L’Afghanistan, décrit il y a peu comme un lieu décisif pour la paix mondiale, semble avoir disparu des préoccupations des dirigeants français. A-t-il disparu aussi du cœur des citoyens français ? Le nombre d’émissions, de publications et de manifestations culturelles qui lui sont consacrées semble prouver le contraire. Et les milliers de jeunes Afghans arrivant en France après avoir perdu tout espoir dans leur pays trouvent chez nous le plus souvent de la solidarité et de l’amitié. Par leur venue ils témoignent que leur pays a un immense besoin de soutien pour lui permettre d’échapper à l’emprise des démons intérieurs et extérieurs. Comment rester sourds à leur appel ?

Nous n’ignorons pas que la France ne peut pas être partout. Mais n’est-elle plus en capacité d’honorer même ses traités d’amitié ? Est-elle devenue si peu généreuse qu’elle n’entend plus les demandes pressantes d’une population qui n’en peut plus de se trouver prisonnière du jeu de ses voisins et des grandes puissances ?

Nous appelons les autorités françaises à réévaluer leur politique à l’égard de l’Afghanistan. Nous attendons notamment d’elles la réaffirmation que la France reste aux côtés des Afghans et entend respecter ses engagements. Outre qu’elle ne serait pas dénuée de réalisme, une telle attitude serait conforme, selon nous, à notre histoire et à nos valeurs. Comme jadis nous voulons crier : « Ne laissons pas tomber l’Afghanistan ».

AFRANE (Amitié Franco-Afghane)
Barmak AKRAM, Cinéaste
Philippe BERTONECHE, Président d’AFRANE
Alain BOINET, Fondateur de Solidarités International
Guy CAUSSE, Médecin (MDM)
Guilda CHAHVERDI, Femme de théâtre
Eric CHEYSSON, Chirurgien, Président de la Chaîne de l’Espoir
Stéphane CRESCITZ, Président de MRCA
Louis DE BROISSIA, Ancien ambassadeur
Emmanuel DELLOYE, Ancien diplomate
André DE MARGERIE, Membre d’AFRANE
Bernard DUPAIGNE, Ethnologue
Dominique DUPUY, Présidente de Mères pour la Paix
Odile FAURE-OBERLIN, Médecin (MRCA)
Patrice FRANCESCHI, Ecrivain
Philippe GAUTHIER, Directeur de production dans le cinéma
Etienne GILLE, Ancien président d’AFRANE
François GRUNEWALD, Directeur général et scientifique du Groupe URD
Chekeba HACHEMI, Présidente d’Afghanistan Libre
Françoise HOSTALIER, Présidente du club France-Afghanistan
Régis KOETSCHET, Président de MADERA
Pierre LAFRANCE, Ambassadeur de France
Véra MARIGO, Présidente du CEREDAF
Ehsan MEHRANGAIS, Président Afghanistan Demain
Louis MEUNIER, Ecrivain
Pierre MICHELETTI, Enseignant à l’Institut d’Etudes Politiques de Grenoble
Anne NIVAT, Grand reporter
Philippe OBERLIN, Médecin (MRCA)
Jean-Jacques PERENNES, Dominicain
Jean-Pierre PERRIN, Journaliste et écrivain
Yves QUERE, Membre de l’Académie des Sciences
REZA, Photojournaliste
Gilles ROSSIGNOL, Ecrivain, ancien président d’AFRANE
May SCHINASI, Historienne
Vincent SCHNEITER, Ancien diplomate
Frédéric TISSOT, Médecin-Diplomate
Mohammed ZAHER, Président de l’ACAS

Laisser un commentaire