Par Gilles COLLARD, directeur général de l’Institut Bioforce
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Une récente évaluation[1] le montre sans ambiguïté : 75 % des acteurs humanitaires opérant dans le contexte de la crise syrienne pointent le manque de ressources humaines qualifiées comme l’un des premiers facteurs limitant pour la gestion et le développement de leurs programmes.
Il s’agit bien d’une problématique partagée par une grande majorité et pourtant encore sous-évaluée. Est-il besoin de rappeler que la présence de personnel qualifié – et donc formé – est au cœur de tous les grands enjeux actuels des interventions humanitaires: qualité, réactivité, redevabilité, accès aux populations … ? On imagine dès lors que des solutions communes et mutualisées vont se dessiner et être encouragées. C’est loin d’être le cas.
Du coté des bailleurs, la tentation est grande de réduire le soutien aux seuls coûts directs des opérations. La DG ECHO consacre moins de 1% de son budget annuel au financement de la formation des personnels humanitaires à travers le Réseau NOHA et, récemment en Afrique, à travers le Centre régional de formation Bioforce à Dakar. A l’échelle de la France, si la nouvelle stratégie humanitaire mentionne bien la formation, elle en réserve l’emploi aux seuls diplomates et militaires et dans le seul champ du Droit Humanitaire International. Aucune mention n‘est faite de la nécessité de former les équipes pour améliorer l’efficacité de l’aide.
Certes, de plus en plus de projets financés par ces bailleurs intègrent un volet de « renforcement de capacités » d’organisations nationales partenaires. Cela constitue un progrès mais on gagnerait en efficacité en investissant, en amont, dans le renfort des compétences individuelles du personnel de ces organisations.
Du coté des acteurs, chacun déploie ses propres solutions de survie. Souvent l’on « s’adapte » aux niveaux de compétences locales, ou bien l’on développe une capacité interne de formation, coûteuse, chronophage et loin du cœur de métier de ceux qui s’y attèlent. Difficultés opérationnelles quotidiennes ou volonté de maîtriser sa propre chaîne de recrutement et de formation: quelles raisons conduisent à un tel manque d’anticipation et de réflexion autour d’une solution partagée ? A minima pourquoi ne pas relayer la nécessité d’y travailler de façon plus ouverte et systématique ?
Notre secteur entend afficher l’image d’un secteur professionnel à part entière, composé de personnels qualifiés à même de relever ses nombreux défis, et en premier lieu, celui d’être à la hauteur des besoins. Comme tout secteur professionnel, il est nécessairement appelé à développer la formation professionnelle continue : Maintenir et développer les compétences que son mandat exige est un enjeu majeur de crédibilité. Cela doit représenter un effort commun des trois principaux groupes qui le composent : les ONG & leurs équipes (la demande), les organismes de formation (l’offre) et les bailleurs (le financement).
Que chacune de ces entités en soit convaincue : seul un effort commun permettra de répondre au problème de tous.
Gilles Collard.
Directeur Général de l‘Institut Bioforce.
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[1] Questionnaire envoyé par Bioforce entre le 1er et le 15 mars aux ONG internationales et nationales via les plateformes de coordination en Turquie, Syrie, Liban et Jordanie. Le pourcentage est calculé sur la base des organisations ayant répondu au questionnaire.
Une réflexion au sujet de « La formation des acteurs humanitaires, l’affaire de tous ! »