CICID 2018, de réels progrès… A amplifier !

Edouard Philippe, à la sortie du CICID (08.02.2018).

C’est avec beaucoup d’impatience, avouons-le, que nous attendions les décisions du CICID concernant la solidarité internationale.

Le Premier ministre, Edouard Philippe, en a présenté les conclusions le 8 février. Je ne vais pas ici commenter dans le détail les 12 pages du CICID que vous trouverez ci-dessous avec le communiqué de presse du Premier ministre et celui de Coordination Sud.

Je me concentrerai sur quelques décisions et d’abord sur l’Aide Publique au Développement (APD) et sa trajectoire d’ici 2022, dont tout dépend finalement. L’objectif ayant déjà été fixé par le président de la République à 0.55% du RND en 2022,  la trajectoire décidée par le CICID est de 0 .44% en 2018 ainsi qu’en 2019 pour passer ensuite à 0.47% en 2020 ; 0.51% en 2021 ; et 0.55% en 2022 !  Ce sera, à 0.55% du RNB, le plus haut niveau depuis 1995 et cela correspond à environ 6 milliards d’augmentation sur le quinquennat pour passer de 9.3 ME à 15.3 ME. Chacun appréciera !

Je vais surtout parler chiffres et j’aimerais dire pourquoi. Ce n’est ni par obsession comptable, ni par intérêt étroitement corporatiste ! Simplement, il n’y a pas d’aide humanitaire sans ressources financières. Je sais bien que l’aide ne se réduit pas à cela, mais sans moyens pas de secours.

Parmi les points positifs, outre l’APD, il y a l’augmentation très significative de l’aide humanitaire, un rééquilibrage de l’aide en faveur des dons, en particulier pour les Pays les Moins Avancés (PMA) en Afrique et l’engagement d’atteindre 1.5 milliards d’euros pour lutter par l’adaptation contre le dérèglement climatique.

Et l’adaptation c’est très important. A titre d’exemple, l’eau – sous ses formes diverses (accès à l’eau, potabilité, agriculture, inondation, ouragan, élévation du niveau de la mer, pollution, etc…) – est au centre des mesures d’adaptation pour les populations gravement affectées par le dérèglement climatique.

Il semble bien que le gouvernement ait enfin pris conscience de l’importance des crises humanitaires, du retard de la France dans ce domaine et de la nécessité d’un rattrapage. Le budget de l’aide humanitaire va donc être porté à 500 millions d’euros, ce qui est une très bonne nouvelle. Tout en rappelant toutefois que nous avions proposé que 10% de l’APD soit affectés à l’aide humanitaire pour répondre au manque chronique de ressources internationales qui s’élèvent à environ 15 milliards de dollars chaque année. Et 10% c’est la moyenne que les pays de l’OCDE y consacrent !

Comme le Fonds d’urgence humanitaire (FUH), les organisations internationales (NUOI) et l’aide alimentaire représentent environ 150 millions d’euros, l’augmentation à 500 millions d’euros représente  un peu plus d’un triplement de l’aide, ce n’est pas rien !

Cependant, dans l’immédiat, sans progression de l’APD d’ici 2020, il pourrait n’y avoir aucune augmentation du faible budget humanitaire actuel, soit 30 ME en ce début d’année, pour faire face aux crises au Yémen, au Mali, au Nigéria, au Myanmar ou au Bengladesh, en RDC et ailleurs. Il serait juste d’abonder le budget du Centre de crise et de soutien du Quai d’Orsay en cours d’année.

De plus, le CICID s’engage à mettre enfin en œuvre une coordination entre les phases d’aide d’urgence, de reconstruction en sortie de crise en lien avec la reprise du développement. Il s’agit maintenant de le concrétiser tant cela manque.  Dans ce but, je suggérerais de renforcer le fonds de stabilité du Centre de Crise et de Soutien du Quai d’Orsay dans sa partie reconstruction mise en œuvre par les ONG. Et  de se coordonner efficacement avec la Facilité d’atténuation des vulnérabilités mis en œuvre par l’AFD, et dont le budget, qui est actuellement de 100 ME, devrait doubler d’ici 2022.

En revanche, nous avons besoin d’en savoir plus sur l’engagement du Premier ministre à doubler l’aide transitant par les ONG d’ici à 2022. Le doublement de quoi, quand et avec quel outil ou guichet comme on dit dans l’administration ?

Ainsi, nous n’avons aucune nouvelle du dispositif « initiatives ONG » de l’AFD (DPO) pour le développement dont le budget a été de 77 ME en 2017. A ce stade c’est un mystère pour les ONG.  En toute logique il devrait au moins doubler et on serait encore loin du compte. Rappelons que Coordination Sud demande un milliard d’euros d’APD transitant par les ONG en 2022, soit environ 6% de l’APD française. Et ce n’est ni un luxe ni une anomalie quand on sait que les pays de l’OCDE y consacrent en moyenne 12.9% de leur APD !

L’essentiel finalement c’est que ces engagements soient tenus et que ces questions trouvent des réponses satisfaisantes. Dans un peu plus d’un mois, le 22 mars, la 4ème Conférence Nationale Humanitaire (CNH) présidée par le ministre, Jean-Yves Le Drian, présentera la nouvelle Stratégie nationale humanitaire. Ce sera le moment d’être à la hauteur des défis humanitaires auxquels nous devons faire face collectivement,  dans la diversité des situations et des acteurs engagés sur le terrain des crises. Nous en reparlerons prochainement.

Alain Boinet.

Lire les conclusions du CICID.

Lire le communiqué de presse du Premier ministre.

Lire la tribune de Coordination SUD dans La Croix.

Lire le communiqué de presse de Coordination SUD sur les résultats du CICID.