
Vous vous êtes engagés à Paris, New-York et Davos à augmenter notre Aide Publique au Développement (APD) de 0.38% à 0.55% du RNB d’ici la fin de votre quinquennat en 2022. Bien que l’objectif de référence soit fixé à 0.7% et que des pays comme l’Angleterre et l’Allemagne l’aient atteint, comment ne pas saluer cette décision d’autant que l’APD de la France n’a pas cessé de diminuer depuis 2011. En effet, pour passer de 10.5 milliards d’euros en 2018 à 15.3 milliards en 2022, il faut augmenter l’APD chaque année de 1.5 milliards d’euros !
Mais, pour être effective, votre décision doit s’inscrire dans une trajectoire progressive qui seule la rendra possible. En effet, sans trajectoire sur le quinquennat, l’objectif de 0.55% risque de ne pas être atteint. C’est pourquoi nous attendons avec impatience, le 8 février, la déclaration du premier ministre, Edouard Philippe, dans le cadre du Comité Interministériel de la Coopération et du Développement International (CICID).
Monsieur le Président, lors de la réunion que nous avons eu avec vous à l’Elysée le 5 septembre dernier, nous vous avons notamment proposé d’affecter 10% de l’APD à l’aide humanitaire, comme cela est le cas en moyenne parmi les pays de l’OCDE, et vous nous avez alors répondu « J’y suis favorable ». Alors, ce serait le bon moment pour le faire.
Est-il utile ici d’évoquer les souffrances des populations en Centrafrique, au Mali, au Myanmar et au Bengladesh, au Yémen et en Syrie, la déstabilisation durable et contagieuse de ces crises, les malheurs des populations déplacées ou réfugiées, pour se convaincre que moins de 1% de l’APD affecté actuellement par la France à l’humanitaire n’est tout simplement pas à la hauteur des défis quotidiens et immenses auxquels nous faisons face ? Le Centre de Crise et de Soutien du Quai d’Orsay, qui fait un excellent travail, ne dispose que d’un budget de 30 millions d’euros en ce début d’année 2018 ! Relever efficacement ces défis implique également désormais de coordonner les réponses d’urgence, de reconstruction et de développement, au cas par cas en fonction des situations rencontrées.
Monsieur le Président, il est une autre décision que nous attendons depuis longtemps et qui répondrait à votre attente que nous partageons d’une plus grande réactivité et efficacité de l’aide. Les associations humanitaires et de développement en France apportent une contribution forte à la solidarité internationale, qu’il s’agisse de leur engagement et de leur expertise, des financements privés qu’elles mobilisent et de la sensibilisation du public qu’elles suscitent, comme enfin de la connaissance et de la proximité avec les populations et les acteurs des pays où elles sont actives.
Mais le partenariat entre les ONG et les pouvoirs publics dans notre pays ne représentent au total qu’environ 3% de l’APD, là où la moyenne parmi les pays de l’OCDE est de 12.9% ! Une synergie renforcée apporterait un plus grand impact de l’aide et un lien renforcé avec les opinions publiques, ici et là-bas. Dans ce but, Coordination Sud, la Coordination Humanitaire et Développement et les ONG proposent un partenariat entre l’Etat et les ONG portant sur 1 milliard d’euros en 2022. Là aussi la progressivité est incontournable dès 2019. Elle démontrerait votre volonté d’engager vraiment le changement.
Nous croyons que ces décisions rencontreront la compréhension de nos concitoyens puisque 77% d’entre eux déclarent (Baromètre AFD) que les problèmes qui se posent dans les pays en crise auront à terme un impact sur leur propre mode de vie et qu’une majorité est favorable à l’aide humanitaire et au développement.
Monsieur le Président, vous avez déclaré que vous croyiez au courage en politique et nous espérons que cela sera bien le cas avec le CICID pour que l’APD progresse dès 2019 selon une trajectoire portant celle-ci à 0.55% du RNB en 2022, pour que 10% de celle-ci soit affecté à l’aide humanitaire et enfin pour que le partenariat avec les ONG soit porté progressivement à 1 milliard d’euros et progresse de manière significative dès 2019.
La 4ème Conférence Nationale Humanitaire, que vous pourriez présider le 22 mars prochain, serait alors l’occasion de présenter une Stratégie humanitaire de la République Française disposant enfin des ressources d’une véritable stratégie internationale.
Alain Boinet.
Lire la tribune de Coordination SUD sur le CICID.
Vous devez vous connecter pour laisser un commentaire.