Choléra, note sur la situation actuelle

Note de synthèse établie par Inès Legendre. 7 mars 2023.

Juba, Soudan du Sud.
Femmes et enfants se bousculent pour avoir de l’eau potable. @VincentTremeau

Principaux faits :

  • La plupart des personnes infectées n’auront aucun symptôme ou que des symptômes bénins et peuvent être traitées avec succès avec des sels de réhydratation orale.
  • Sous le titre « Ending Cholera: A global roadmap to 2030 » (Mettre fin au choléra : une feuille de route jusqu’à 2030), une stratégie mondiale de lutte a été lancée en 2017 avec pour cible de diminuer de 90 % des décès ayant pour cause le choléra.
  • Selon les études, on estime qu’il y a chaque année 1,3 à 4 millions de cas de choléra, et 21 000 à 143 000 décès inhérents à la maladie dans le monde.
  • Le choléra est une maladie diarrhéique aiguë, dont on peut mourir en quelques heures en l’absence de traitement.
  • La mise à disposition d’eau salubre et des services d’assainissement est primordiale pour lutter contre la transmission du choléra et d’autres maladies à transmission hydrique.
  • Pour les cas graves, un traitement rapide par perfusion de liquide et d’antibiotiques par voie intraveineuse s’impose.
  • Des vaccins anticholériques administrés par voie orale doivent être utilisés conjointement à l’amélioration de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement pour limiter les flambées de choléra et favoriser la prévention dans les zones connues pour être à haut risque.

Données actuelles : 

Depuis 2021, on assiste à une hausse du nombre de cas de choléra, dont la distribution géographique dans le monde augmente elle aussi. En 2021, 23 pays, principalement des régions de l’Afrique et de la Méditerranée orientale de l’OMS, ont signalé des flambées de choléra. Cette tendance s’est poursuivie en 2022, plus de 29 pays (Graph1) ayant notifié des cas ou des flambées de choléra. Au 30 novembre 2022, 16 de ces pays avaient fait état de flambées prolongées.

Graphique 1 : Incidence des cas de choléra (y compris les cas estimés de diarrhée aqueuse aiguë) pour 100 000 habitants notifiés à l’OMS entre le 1 er janvier et le 30 novembre 2022. @WHO

Cette année, après des années de déclin, le nombre de cas de choléra et le nombre de décès dus à cette maladie sont à nouveau en hausse dans le monde. Les flambées épidémiques de 13 pays qui n’avaient pas signalé de cas de choléra en 2021 sont particulièrement alarmantes. Certains de ces pays n’avaient plus signalé d’épidémie de choléra depuis des années (entre 3 et 30 ans), et plusieurs d’entre eux ne sont pas considérés comme des pays d’endémie.

Graphique 2 : Cas de choléra notifiés à l’OMS par an et par continent, taux mondial de létalité, 1989-2021. @WHO

Principales causes des nouvelles épidémies1 :

  1. Changements climatiques – inondations et sécheresse généralisées
  2. Crises humanitaires, instabilité politique et conflits
  3. Multiples situations d’urgence
  4. Surveillance sous-optimale, tardive
  5. Chaîne d’approvisionnement en produits médicaux
  6. Disponibilité limitée des ressources sanitaires
  7. Disponibilité du vaccin anticholérique oral

EPIDEMIE NOUVELLE PAYS PAR PAYS

Haïti :

Entre 2010 et 2019, Haïti avait connu une énorme épidémie de choléra qui avait touchée plus de 800 000 personnes et fait 10 000 morts.

Depuis le mois d’octobre 2022, Haïti est frappé par une recrudescence de malades atteint du choléra. MSF estime traiter 270 patients par jour depuis octobre.

Entre le 2 octobre et le 6 décembre 2022, un total cumulé de 13 672 cas suspects de choléra, dont 283 décès (le taux de létalité est de 2,05 %) ont été signalés par le ministère haïtien de la Santé publique et de la Population dans les dix départements du pays. Quatre-vingt-six pour cent (n=11 751) de tous les cas signalés ont été hospitalisés. Le département de l’Ouest représente le pourcentage le plus élevé (89%, N=12 112) de cas suspects. Sur les 13 672 cas suspects de choléra déclarés, 59% sont des hommes et les groupes d’âge les plus touchés sont les enfants de 1 à 4 ans (19%), suivis des 20 à 29 ans (15%) et des 30 à 39 ans (15%).

Figure 1 : Nombre de cas suspects de choléra (n=13 672) signalés en Haïti du 2 octobre au 6 décembre 2022. Haiti Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP). Data reproduced by PAHO/WHO

Sarah Château, responsable Haïti chez MSF2, explique que la vaccination peine à se mettre en place efficacement, faute de vaccins disponibles.

Également, Haïti fait face à une situation politique désastreuse, ce qui amène à des répercussions environnementales catastrophiques : le pays ayant été bloqué notamment à cause du prix de l’essence, les déchets vecteurs de la maladie sont partout et polluent l’eau, l’insécurité est généralisée et la santé des Haïtiens est en danger. Selon Josette Hibou, ancienne ministre de la Santé : les hôpitaux sont pratiquement dysfonctionnels et le pays a besoin d’au moins 145 millions de dollars pour endiguer la pandémie3.

Liban :

Depuis octobre 2022, le Liban voit un nombre conséquent de sa population touchée par le choléra. Le ministère de la Santé comptait, en décembre dernier, plus de 4.912, dont 23 décès4. Au 18 janvier 2023, le Liban se retrouve avec un total de 6.158 cas suspects, dont 23 décès associés. Près de la moitié des cas suspects et confirmés sont âgés de moins de 15 ans et 6% sont âgés de 65 ans et plus. Les femmes continuent de représenter 53% des cas. Dans l’ensemble, 19 % des cas suspects et confirmés ont dû être hospitalisés.

Comme la plupart des autres pays frappés par l’épidémie de choléra, le premier vecteur est le non-accès à une eau potable de qualité. Depuis 3 ans, le Liban, touché par une très forte crise économique a vu son système s’effriter petit à petit :

« Le nombre d’heures d’électricité publique fournies stations de pompage d’eau a chuté de 75% » Suzy Hoayek – Conseillère au ministère de l’Energie et de l’Eau.

« Une seule de nos trente stations de traitement des eaux usées est utilisée en raison des retards de paiement de l’Etat aux opérateurs privé »5

Une première campagne de vaccination, financée par l’OMS à hauteur de 600.000 vaccins s’achève, mais le pays reste dans l’attente de 900.000 autres doses supplémentaires. Des financements internationaux, dont un fonds de 30 millions d’euros de l’Union européenne destiné à subventionner les quatre Etablissements régionaux des eaux, sous la tutelle du ministère, devraient toutefois permettre de remettre en service ces stations d’épuration début 2023.

En parallèle, Au 10 janvier, plus de 870.000 doses de vaccin ont été fournies. De plus, plus de 8.200 kits d’hygiène contre le choléra ont été distribués aux foyers touchés.

Plus de 485.000 litres de carburant et 34 tonnes de chlore ont été fournis aux stations de pompage et aux usines de traitement des eaux usées pour assurer le fonctionnement et la sécurité de l’eau distribuée par le réseau public6.

Syrie :

Depuis fin août, une souche similaire à celle du Liban circule en Syrie. Selon l’ONU, 77.561 cas suspects de choléra ont été enregistrés en Syrie au total entre le début de l’épidémie fin août 2022 et le 7 janvier 2023, dont 100 décès.

La diffusion du choléra s’est accélérée par un accès inadapté à l’eau potable et à des installations d’assainissement désastreuses. En effet, depuis le début de la guerre en Syrie en 2011, c’est près de 2/3 des stations d’épurations d’eau, la moitié des stations de pompage et 1/3 des châteaux d’eaux qui sont fortement endommagés voir inexploitables (Banque Mondiale)7.

« Le recours aux eaux insalubres de l’Euphrate pour la consommation domestique et l’irrigation a facilité la propagation de la bactérie » – Dr Aula Abbara8.

Le gouvernement syrien à reçu fin novembre 2 millions de doses, financées par Gavi (organisation mondiale du vaccin).

En ce début d’année, les premières doses de vaccins anti-choléra sont arrivées le 19 janvier dans les zones qui échappent au contrôle du régime dans le nord-ouest de la Syrie où l’épidémie se propage. Environ 1.7 millions de vaccins ont pu être transportés et acheminés, par voie terrestre. Dans la région échappant au contrôle du gouvernement dans le Nord-Ouest, 38.000 cas suspects ont été recensés, dont 6000 au cours du seul mois de janvier 2023, et 20 décès, selon les responsables de cette région.

Les problèmes qui se posent sont les suivants : une guerre pérenne qui a complètement détruit les infrastructures d’assainissement et l’accès à l’eau potable, renforcée par des zones rebelles davantage reculée, fragilisées et avec un accès aux infrastructures encore plus difficile.

« Heureusement », le Conseil de sécurité de l’ONU a voté ce lundi 9 janvier, la prolongation pour 6 mois (jusqu’au 10 juillet 2023), de sa résolution 2642 autorisant l’acheminement de l’aide humanitaire vers la Syrie par la frontière turque, ce qui pourra faciliter l’envoi des vaccins9.

Malawi :

Depuis le 3 mars 2022, le Malawi, pays enclavé du sud-est de l’Afrique connait une crise de choléra sans précédent. Elle a touché plus de 33 600 personnes, parmi lesquelles 1093 en sont mortes.

Le problème majeur, encore une fois, vient de la pénurie de vaccins lié à la multiplication des foyers de choléra dans le monde. Seule 24.5% de la population malawienne des huit districts ciblés a pu être vaccinée.

Également, les zones rurales du Malawi sont des zones reculées, dont l’accès à l’eau potable et aux services d’assainissement sont très restreints. La population dépend principalement du lac Malawi pour à la fois se laver, pêcher, nettoyer la nourriture ainsi que faire ses besoins. Dès lors, Bérangère Guais, responsable adjointe des urgences MSF explique : « le manque d’eau potable, la mauvaise hygiène alimentaire et la faible présence et utilisation des latrines restent sans réponse au niveau communautaire. Pour enrayer cette pandémie, mais aussi pour mieux la préparer à l’avenir, des efforts importants doivent être déployés dans ces domaines10. »

Sans compter les précipitations actuelles qui renforcent la propagation de l’épidémie.

Ethiopie :

Mardi 31 janvier, le bureau de coordination des affaire humanitaires de l’NU (OCHA) alerte sur la situation en Ethiopie. Plus d’un million de personnes serait menacé par le choléra dans la province Ethiopienne d’Oramia, nombre de cas de personnes affectées qui aurait augmenté de 30% depuis le mois de janvier dernier11.

Au 30 janvier 2023, 1.055 cas de choléra ont été signalés dont 28 décès. Selon l’institut éthiopien de santé publique (EPHI), plus d’un million de personnes sont à haut risque dans les dix woredas touchés.

Face à cette menace, les autorités sanitaires éthiopiennes et les partenaires humanitaires ont entamé, le 13 janvier dernier, une campagne de vaccination orale contre le choléra dans les régions de Somali et d’Oromia. Selon un décompte effectué le 30 janvier, plus de 76.000 personnes à risque ont reçu une dose, ce qui représente 99% de la population totale ciblée

Burundi :

Le ministère de la Santé Publique et de la Lutte contre le SIDA (MSPLS) a déclaré, ce 1er janvier 2023, l’épidémie de choléra dans les Districts Sanitaires Nord et Centre de la Mairie de la Bujumbura. « En cette date du 1er janvier 2023, 5 cas sont hospitalisés au Centre de traitement de choléra à l’Hôpital Prince Régent Charles pour une prise en charge et 7 sont sortis guéris12 », peut-on lire dans une déclaration sortie par le MSPLS. Ainsi, la Ministre de la Santé Publique et de la Lutte contre le SIDA a déclaré « l’épidémie de choléra dans le District Nord et le District Centre de la Mairie de Bujumbura » et attiré « l’attention des pouvoirs publics et de la population burundaise et celle des zones touchées en particulier » pour conjuguer les efforts afin de circonscrire et arrêter la propagation de cette épidémie.

Objectifs importants :

En octobre 2017, les partenaires du Groupe spécial mondial de lutte contre le choléra ont lancé une stratégie intitulée « Ending Cholera: A global roadmap to 2030 » (Mettre fin au choléra : une feuille de route jusqu’à 2030). Dirigée par les pays, cette stratégie vise à faire baisser de 90 % le nombre des décès liés au choléra et à éliminer la maladie dans 20 pays d’ici 2030.

La feuille de route mondiale comporte 3 axes stratégiques :

  1. Une détection précoce et une riposte rapide pour endiguer les flambées: la stratégie met l’accent sur l’endiguement des flambées – où qu’elles surviennent – grâce à une détection précoce et à une riposte multisectorielle rapide, avec une participation communautaire, le renforcement de la surveillance et de la capacité de laboratoire, la préparation des systèmes de santé et des fournitures et l’appui aux équipes d’intervention rapide ;
  2. Une approche multisectorielle ciblée pour éviter une résurgence du choléra: la stratégie invite les pays et les partenaires à mettre l’accent sur les « points chauds », ces zones relativement peu étendues les plus touchées par la maladie, où la transmission peut être interrompue notamment par une amélioration de l’approvisionnement en eau potable, des moyens d’assainissement et de l’hygiène ainsi que par l’administration du VCO ;
  3. Un dispositif efficace de coordination couvrant l’appui technique, la sensibilisation, la mobilisation des ressources et le partenariat aux niveaux local et mondial. Le Groupe spécial offre un cadre solide pour aider les pays à intensifier leurs efforts de lutte contre le choléra en se fondant sur des programmes intersectoriels qu’ils dirigent eux-mêmes et en leur apportant les ressources humaines, techniques et financières nécessaires.

 

 

En mai 2018, la Soixante-et-Onzième Assemblée mondiale de la Santé a adopté une résolution visant à promouvoir la prévention et la lutte contre le choléra et à entériner le document « Ending Cholera: A global roadmap to 2030 ».

 

 

 

Actions / Volontés de l’OMS13 :

L’OMS lance aujourd’hui un appel de fonds d’un montant de 2,54 milliards de dollars (USD) pour répondre aux urgences sanitaires en 2023 et fournir une aide à des millions de personnes dans le monde confrontées à des situations d’urgence sanitaire. Le nombre de personnes ayant besoin d’aide humanitaire a augmenté de près d’un quart par rapport à 2022, pour atteindre le nombre record de 339 millions.

Actuellement, l’OMS répond à un nombre sans précédent de situations d’urgence sanitaire qui s’entrecroisent : les catastrophes liées au changement climatique telles que les inondations au Pakistan et l’insécurité alimentaire qui ravage l’ensemble du Sahel et la région de la Corne de l’Afrique ; la guerre en Ukraine ; et les effets sanitaires des conflits au Yémen, en Afghanistan, en Syrie et dans le nord de l’Éthiopie – toutes ces situations d’urgence viennent s’ajouter aux perturbations des systèmes de santé causées par la pandémie de COVID-19 et les épidémies de rougeole, de choléra et d’autres maladies mortelles.

Note établie par Inès Legendre pour la revue en ligne Défis Humanitaires dans la perspective de la Conférence de l’ONU sur l’eau, Objectif 6 des ODD, à New York du 22 au 25 mars 2023, ainsi que de la Journée Mondiale de l’Eau du 22 mars 2023.

1 Pour davantage de détails sur les causes : https://www.who.int/fr/emergencies/disease-outbreak-news/item/2022-DON426

2 Source : https://www.francetvinfo.fr/sante/epidemie-de-cholera-en-haiti-la-situation-est-grave-alertent-les-ong_5488809.html

3https://www.who.int/emergencies/disease-outbreak-news/item/2022-DON427

4 https://news.un.org/fr/story/2022/11/1129652

5https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/en-syrie-et-au-liban-le-retour-en-force-du-cholera-1886649

6https://news.un.org/fr/story/2023/01/1131442

7 https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/en-syrie-et-au-liban-le-retour-en-force-du-cholera-1886649

8https://www.lefigaro.fr/flash-actu/syrie-premiers-vaccins-anti-cholera-pour-les-zones-rebelles-20230119

9https://news.un.org/fr/story/2023/01/1131182#:~:text=Le%20Conseil%20de%20s%C3%A9curit%C3%A9%20de,Syrie%20par%20la%20fronti%C3%A8re%20turque.

10https://www.msf.fr/actualites/le-malawi-face-a-la-plus-importante-epidemie-de-cholera-de-son-histoire

11https://news.un.org/fr/story/2023/01/1131842#:~:text=Plus%20d’un%20million%20de%20personnes%20sont%20menac%C3%A9es%20par%20une,du%20mois%20de%20janvier%202023.

12 https://reliefweb.int/report/burundi/lepidemie-de-cholera-declaree-dans-deux-districts-sanitaires-en-mairie-de-bujumbura

13 https://www.who.int/fr/news/item/23-01-2023-who-launches-funding-appeal-to-help-a-record-number-of-people-in-complex–intersecting-health-emergencies  

 

 

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