Bref compte rendu de la Conférence Nationale Humanitaire du 16 novembre à Paris

640x420-ct6ad5D’abord, soulignons le caractère exceptionnel de cette conférence qui a réunie, sous la présidence du ministre d’Etat, Alain Juppé, en présence du ministre de la Coopération, Henri de Raincourt, de la commissaire européenne, Kristalina Georgieva, Michèle Striffler, rapporteur permanent du parlement européen pour l’aide humanitaire, les associations humanitaires, les représentants des pouvoirs publics avec des représentants des Nations Unies et d’autres acteurs comme VOICE (coordination européenne de 83 ONG humanitaires), la CNCDH, l’Admical, la Fondation de France, Cités Unies France, Coordination sud et d’autres encore en présence d’environ 300 participants. Je ne reviendrai pas ici dans le détail sur les discours officiels qui se trouvent à la fin de ce bref compte rendu.

La conférence, qui se déroulait au ministère des Affaires étrangères, sur le site de convention, a été particulièrement bien organisée, dense et aiguisée, tant dans ses interventions que dans les débats. Il faut ici saluer l’implication du Centre de Crise, du comité de pilotage. Sur le thème « face aux enjeux humanitaires, quels partenariats ? », la CNH s’est articulée autour de trois tables rondes : les recommandations du rapport Boinet-Miribel, les défis humanitaires et les relations entre les acteurs. Je ne tenterai pas ici de relater la teneur des interventions et des débats tant ceux-ci ont traité un très large éventail de sujets suivis de débats très riches. Et nous devrions disposer prochainement d’une présentation vidéo puis, ultérieurement, des actes de la conférence.

Que faut-il en retenir pour l’essentiel ?

D’abord, que la plupart des responsables humanitaires étaient présents. Les interventions ont combinées tout à la fois une grande liberté de propos, une réflexion de fond sur les sujets traités et un grand sens des responsabilités. Le terme maturité est revenu à plusieurs reprises pour qualifier cette conférence et ces participants. C’est un signe des temps qui n’empêche nullement le débat contradictoire, je dirai même bien au contraire, comme nous l’avons vu sur plusieurs sujets.

Ensuite, j’ai le sentiment que nous avons compris que nous faisions face à des défis considérables qui allaient aller en s’amplifiant et que nous avions à réfléchir ensemble comment mieux le faire collectivement et chacun dans son rôle et ses responsabilités. Sans verser dans le catastrophisme, les conflits toujours vivaces et les catastrophes qui vont en s’amplifiant se télescopent dangereusement avec une démographie progressant à vive allure, tout comme d’ailleurs l’urbanisation, sur fond de grande pauvreté chronique. Par ailleurs, la multiplication des acteurs et leur diversification soulèvent également des questions de cohérence et d’efficacité globale de l’action humanitaire, dans les grandes crises très particulièrement.

Enfin et surtout, cette conférence a débouché sur quelque chose d’essentiel. La décision d’Alain Juppé que la France se dote d’une stratégie humanitaire d’ici le printemps prochain. Il a défini 4 priorités et il a notamment annoncé la mise en place d’un « groupe de concertation humanitaire » réunissant pouvoirs publics et ONG humanitaires. Cette stratégie s’inspirerait du rapport Boinet-Miribel qui « jette les bases d’une stratégie humanitaire nationale » selon lui et ceci dans le cadre du consensus européen sur l’aide humanitaire qui exprime pour l’essentiel les préoccupations des ONG sur le plan des principes et des pratiques.

Je souhaite conclure ici provisoirement en soulignant le fait qu’avec ce rapport et cette conférence, grâce à l’implication et l’apport de tous, l’humanitaire est en voie de faire un grand pas en avant dans notre pays. Un humanitaire ou impartialité et partenariat se conjuguent pour plus d’efficacité au service des populations en danger. Alain Boinet

 

>Discours d’ouverture de Henri de Raincourt, Ministre de la Coopération à l’ouverture de la Conférence nationale humanitaire. (Paris, le 16.11.2011)

>Présentation du Rapport et de la Conférence

>Programme de la Conférence

>Document de cadrage de la Conférence (Tables-rondes)

>Rapport Boinet-Miribel

Une réflexion au sujet de « Bref compte rendu de la Conférence Nationale Humanitaire du 16 novembre à Paris »

  1. Je réagis au post d’Alain qui rend compte de la Conférence Nationale Humanitaire du 16 novembre dernier. En effet, les débats furent très riches, denses, et souvent aiguisés, à tel point, d’ailleurs, que la contradiction de l’humanitaire à la française m’a de nouveau frappé : une histoire et un « ADN » (comme dirait Alain) fait d’engagement et de sens de l’action, souvent dans une tradition « libertaire » qu’a soulignée François Grünewald, mais, en même temps, un tropisme « intello », qui, parfois, donne l’impression que, tel le mille pattes de la parabole taoïste, nous ne parvenons plus à avancer, occupés et préoccupés que nous sommes à analyser et comprendre le mouvement de notre propre marche… Ors, j’ai toujours pensé que, à l’instar du judoka qui pense dans le temps même où il s’adapte à la situation par le geste adapté, nous devons, nous humanitaires « penser dans le mouvement », et non nous perdre à l’occasion dans un « qui sommes-nous, où allons-nous » qui, du point de vue d’un oublié Somalien, Afghan ou Congolais, pourrait sembler quelque peu surréaliste. Cette tendance, d’ailleurs, touche ses limites, de mon point de vue, quand on écoute un humanitaire aussi brillant, compétent et légitime que Rony Brauman, lequel se perd dans un système de réflexion et une posture intellectuelle fondée sur le contrepied qui peut toucher à l’absurde et au comique… Dans le même temps, si l’on a entendu s’exprimer le besoin de donner à l’humanitaire les moyens d’anticiper et de prévenir l’émergence de crises humanitaires, j’ai peu perçu le besoin, pourtant essentiel à mes yeux (et de plus en plus), d’anticiper, par une analyse géopolitique, sur les évolutions et bouleversements des rapports de force qui, sur le terrain, conditionnent pourtant notre action… ou son impossibilité. La situation du monde est, en vérité, le produit de la violence du monde, et il nous appartient, si nous prétendons être des acteurs lucides et efficaces dans le monde, de regarder en face cette réalité, et avec autant de compétence et d’expertise, si possible, que nous en employons à analyser l’évolution des « problématiques » » humanitaires… Mais tout cela n’est pas l’essentiel. L’essentiel, comme le dit Alain, était que « tout le monde était là », ce qui en dit long sur cet engagement qui nous unit et nous habite tous, sur l’importance de cet évènement qui marque à quel point il est inimaginable, aujourd’hui, de se figurer un monde sans humanitaire, et sans humanitaires. Disons quand même que, si l’on prend la peine de l’ouvrir, le rapport établi par Alain et Benoît Miribel est d’une très grande qualité, en ce qu’il analyse et surtout synthétise remarquablement, le paysage actuel et à venir, les contraintes, les enjeux et les défis qui sont les nôtres. Avec tout l’engagement et l’expertise que nous avons entendu s’exprimer le 16 novembre dernier, et avec également la révolte et l’audace sans lesquels nous ne sommes plus rien, je ne doute pas qu’à l’occasion de la prochaine Conférence Nationale Humanitaire, il apparaitra que nous avons su répondre à l’essentiel de ces défis… Pierre Brunet, écrivain, ancien volontaire et permanent de SOLIDARRITES INTERNATIONAL, membre de son Conseil d’Administration.

Laisser un commentaire