SOUDAN, chronologie du désastre.

Les affrontements se poursuivent à Karthoum. Crédit Photo : France Diplomatie

Cet article reprend de manière synthétique la chronologie des événements depuis le 15 avril quand les combats ont éclaté à Khartoum. Ceux-ci se poursuivent actuellement et pourrait durer avec des  conséquences désastreuses pour la population.

Depuis le 15 avril, les combats font rage à Karthoum et dans plusieurs régions du Soudan, notamment au Darfour. Ces combats opposent le chef de l’armée soudanaise, le général Abdel Fattah al-Burhan, dirigeant le Soudan depuis son coup d’Etat en 2021, aux paramilitaires du général Mohamed Hamdane Daglo, qui commande les Forces de Soutien Rapide (FSR)[1], héritière des Janjawid, « cavaliers du diable », qui ont mené une sale guerre au Darfour en 2003-2004 contre les tribus noires soudanaises.

En 2019, à la suite du putsch de l’armée mettant fin au pouvoir du président Omar Al Bachir, à la tête du pays depuis 1989, les deux généraux ont été nommés président (Abdel Fattah Al-Burhan) et vice-président (Mohammed Hamdane Daglo dit Hemetti) du Conseil de souveraineté chargé d’assurer la transition jusqu’à la mise en place d’un gouvernement élu démocratiquement.

Toutefois, en 2021, une tentative de transition démocratique a été empêchée par les forces armées d’Al-Burhan, et depuis les deux généraux se disputent le pouvoir. De son côté, l’Armée régulière veut absorber la force dissidente de la FSR dans ses rangs tandis qu’Hemetti s’y oppose, ce qui a déclenché la guerre en cours.

Un pays en proie à des enjeux internationaux et régionaux

En raison de la situation géographique du pays qui relie l’Afrique subsaharienne à l’Afrique du Nord et au Sahel, ainsi que des ressources naturelles dont il dispose, le Soudan représente un allié stratégique. Chacun des deux camps entretient des liens privilégiés avec des puissances étrangères.

Al Burhan, à la tête de l’armée soudanaise, à le contrôle du complexe militaire et industriel qui tient l’économie du pays et il est notamment soutenu par l’Egypte.

Hemetti quant à lui, contrôle les mines d’or avec le concours du groupe Russe Wagner qui exporte cet or qui soutient l’effort de guerre de Moscou en Ukraine.  Les FSR partagent également des intérêts avec l’Ethiopie, les Emirats Arabes Unies et l’Arabie Saoudite.[2]

Des affrontements meurtriers, des civils en première ligne

Ce samedi 29 avril, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a rapporté que le nombre des morts dans les affrontements au Soudan était passé à 420, dont 264 civils et celui des blessés à 3 700.

A El Fasher, au Nord du Darfour, la situation est dramatique. Le nombre de victimes s’accroit à mesure que les combats s’intensifient. L’hôpital Sud de El Fasher, soutenu par Médecin Sans Frontières est l’un des seuls à être encore ouverts. Claire Nicolet, responsable adjointe des urgences de MSF au Soudan exprime son inquiétude quant au manque de moyens, aux routes bloquées qui empêchent l’approvisionnement de matériels et de médicaments, à la capacité d’accueil et de lits insuffisante ainsi qu’au personnel dépassé et débordé.

« Il y a tellement de patients qu’ils sont soignés par terre dans les couloirs, parce qu’il n’y a tout simplement pas assez de lits pour accueillir autant de blessés. » – MSF

Les ONG internationales et soudanaises somment demandent un cessez-le-feu et l’engagement des belligérants à épargner les civils ainsi qu’un accès humanitaire d’urgence.

Une situation humanitaire déjà fragile

Cette nouvelle guerre intervient dans un pays déjà profondément marqué par une situation humanitaire dramatique. L’ONU estime à 2,5 millions de déplacés internes installés dans des camps à la suite de la guerre de 2003-2004. Le PAM (Programme alimentaire mondial) a également annoncé que 15 millions de personnes, soit un tiers de la population, ont besoin d’aide et font face à une insécurité alimentaire grave.

Les conflits d’accès l’eau et aux pâturages ainsi qu’au peuplement des terres fertiles, qui divisent les communautés arabes et les populations agricoles noires, se sont accrus depuis le coup d’Etat d’octobre 2021, fragilisant encore davantage la situation humanitaire sur place.

Evacuation des ressortissants français. Crédit Photo : Diplomatie France

Mise en place des évacuations des ressortissants et fermeture des ambassades au Soudan

Au terme de deux jours de discussion et sous la pression des Etats-Unis et de l’Arabie Saoudite, une nouvelle trêve a été acceptée par l’armée régulière soudanaise et par les Forces de Soutien Rapide. Dans ce contexte, les rapatriements de ressortissants étrangers ont pu s’amplifier.

De nombreux Etats, comme la Suisse et la Suède, à l’instar de la France ont fermé leurs ambassades au Soudan. Les Etats-Unis, le Japon, la Chine ainsi que certains pays européens comme l’Allemagne, les Pays-Bas ou encore l’Italie ont procédé depuis dimanche à des évacuations et plus d’un millier de ressortissants de l’UE ont été évacué du Soudan[3].

Un communiqué du Quai d’Orsay nous informe que de nouvelles rotations d’Airbus A400M de l’armée de l’air française ont ainsi eu lieu lundi 23 et mardi 24 entre Khartoum et Djibouti et a permis d’évacuer près de 500 ressortissants français et étrangers.

Grâce à la frégate Lorraine de la Marine nationale, la France a permis en tout l’évacuation de 1000 personnes de plus de 50 nationalités dont 216 français. (Communiqué de la porte-parole du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, en date du 28/05/2023).

Credit photo : Etat-Major des Armées.

Réactions de la communauté internationale

La communauté internationale exprime sa vive inquiétude sur les répercussions régionales de la crise actuelle. Josep Borrell, vice-président de la Commission européenne a déclaré que « nous devons continuer à pousser en faveur d’un règlement politique. Nous ne pouvons pas permettre que le Soudan, qui est un pays très peuplé, implose car cela enverrait des ondes de choc dans toute l’Afrique ».

De son côté, le secrétaire Général de l’ONU, Antonio Guterres invite le Conseil de Sécurité, à envisager toute mesure permettant d’endiguer cette crise et « éloigner le Soudan du bord du précipice. ». Le Conseil de Sécurité, présidé par la Russie s’est réuni en urgence mardi 25 avril pour discuter de la crise en cours.

Conclusion toute provisoire.

Au moment où nous publions cette édition les combats se poursuivent en particulier dans la capitale Khartoum. Si ceux-ci devaient durer, les coupures d’eau, d’électricité et les difficultés de ravitaillement pourraient pousser beaucoup de ses habitants à quitter la capitale.

Il faut noter que la population s’organise et que de nombreuses initiatives sont prises par des Soudanais pour venir en aide à ceux qui en ont besoin. On pourrait imaginer la mise en place d’un dispositif humanitaires dans des quartiers calmes de Khartoum ou à la périphérie et la mise en place de couloirs d’acheminement de l’aide humanitaire.

Le Sous-secrétaire général adjoint des Nations-Unies en charge des affaires humanitaires et coordinateur des secours d’urgence, Martin Griffiths, effectue une mission dans la région et vient de déclarer qu’il fallait un 1,5 milliard de dollars pour l’aide d’urgence au Soudan. Il a nommé Antoine Gérard d’OCHA qui connait bien ce pays comme coordinateur humanitaire au Soudan.

Mardi 2 mai, les dirigeants de l’armée et des forces paramilitaires en guerre au Soudan ont signé un « accord de principe », pour une trêve du 4 au 11 mai, lors d’un échange avec le président sud-soudanais, Salva Kiir. Ce cessez-le-feu temporaire sera-t-il respecté ou rompu, à l’instar des précédentes trêves ?

Sans préjuger de la suite, il apparaît difficile de trouver une solution pacifique dans l’immédiat tant que la guerre durera à Khartoum puisque l’objectif est le contrôle de la capitale et des lieux de pouvoir. Si celle-ci devait s’arrêter par la victoire de l’un des deux camps, elle pourrait se poursuivre ailleurs dans le pays et notamment au Darfour.

Chronologie et mise en perspective réalisée par Inès Legendre.

 

[1] RSF : Forces de Soutien Rapide. Il s’agit de milices issues de tribus arabes du Darfour régularisées en 2013 par l’ex-président Omar Al Bachir pour se protéger d’un éventuel coup d’Etat. On estime que les FRS regroupent environ 100 000 hommes.

[2] Hemetti a fourni des milliers de combattants à l’Arabie saoudite en guerre au Yémen, puis au maréchal Haftar en Libye en guerre contre le pouvoir central de Tripoli, et enfin par la mise en coupe réglée des zones d’orpaillage du Darfour et la vente de cet or. https://www.jeuneafrique.com/1438423/politique/au-dela-de-laffrontement-quel-avenir-pour-le-soudan/

[3] Le chef de la diplomatie de l’Union européenne, Josep Borrell, a indiqué en marge d’une réunion des ministres des Affaires étrangères des Vingt-Sept à Luxembourg que plus d’un millier de ressortissants de l’UE avaient été évacués du Soudan.

 

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