Etat des lieux des générosités en France.
Par Laurence de Nervaux, responsable de l’Observatoire de la philanthropie de la Fondation de France, Daniel Bruneau, ancien Président de France Générosités et ex Directeur de la recherche de fonds et de la communication des petits frères des Pauvres, et Antoine Vaccaro, président du CerPhi .
L’Observatoire de la Philanthropie – Fondation de France, en partenariat avec le CerPhi et les principales organisations collectives s’intéressant au financement privé pour l’intérêt général (1), sous la conduite de Daniel Bruneau (2), s’est attelé à la lourde tâche de réaliser une réelle première en France : estimer et tracer les différentes sources de générosité des Français.
Mission pas impossible, mais ardue tant les ressources et les canaux d’acheminement sont divers et les outils comptables normatifs indigents.
Dans l’optique de disposer des sources les plus exhaustives possibles, les animateurs du projet ont retenu l’année 2015 comme année de référence des dons effectués ou des legs reçus.
Cette étude n’a pas la prétention d’atteindre d’emblée la promesse d’exhaustivité et de précision que nous pourrions espérer dans nos rêves. Elle est une première pierre posée d’un édifice statistique et comptable qui se complétera lors de chaque nouvelle édition.
Quels enseignements pouvons-nous tirer de ce premier exercice ?
Tout d’abord un montant global de 7,5 milliards d’euros, qui a surpris certains d’entre nous, plus pessimistes quant à la générosité de nos concitoyens particuliers et entreprises.
Une générosité majoritairement issue des particuliers, par les dons en déduction de l’impôt sur le revenu (2,6 milliards d’euros), par les dons en déduction de l’ISF (246 millions d’euros) et par les legs (estimés à 1 milliard d’euros).
L’ensemble des ressources en provenance des particuliers a connu une progression robuste jusqu’en 2015. Les données plus récentes montrent, cependant, un tassement de la progression des dons déduits de l’impôt sur le revenu en 2016. L’estimation du montant des legs, dépassant le milliard d’euros, qui peut connaître de fortes variations annuelles, semble confirmer son rôle de ressource stratégique et stable pour le secteur. En effet l’élasticité de ce type de ressources est moins sujet aux conjonctures que les dons courants.
La robustesse du mécénat d’entreprises se confirme, malgré les écarts entre les données issues de la DGFIP (Direction générale des finances publiques) et celles d’Admical, fondées sur des sondages donc nécessairement déclaratives et estimatives. Le groupe de travail est parvenu à l’hypothèse d’un montant de 2,9 milliards (mécénat déduits et non déduits de l’IS) qui semble bien refléter cette réalité. On note également, sur la décennie étudiée, que l’expansion du phénomène est portée par l’implication d’entreprises de plus en plus nombreuses, notamment les petites et moyennes entreprises.
Enfin, l’autre grande conclusion porte sur la diversité des autres petits ruisseaux qui alimentent les ressources privées des organisations : collectes populaires, financements participatifs, dons en nature alimentaires ou d’objets, générosité embarquée et produits partage, qui réunissent environ 150 millions d’euros.
Quels sont les bénéficiaires emblématiques de cette générosité ?
Les organisations cultuelles
Le total de la générosité reçue par les diocèses de l’Eglise catholique s’élève à près de 630 millions d’euros en 2015, dont environ 40 % font potentiellement l’objet de déduction fiscale.
Les Eglises protestantes recueillent, quant à elle, plus de 180 millions d’euros.
Nous n’avons pas pu recueillir d’éléments pour le judaïsme, l’islam ou d’autres religions.
Nous approchons probablement le milliard d’euros pour l’ensemble des religions, soit autour de 15 %. En comparaison, sur les 390 milliards de dollars donnés par les Américains en 2016, 30 % vont aux religions.
Les partis politiques et campagnes électorales
Les dons aux partis politiques et campagnes électorales ont recueilli plus de 100 millions d’euros. Montant en baisse régulière depuis 2012, mais qui connait des variations significatives.
Les organismes publics
Les organismes publics (opérateurs nationaux ou territoriaux, collectivités et services de l’Etat) bénéficient eux aussi de la générosité privée. Autre chiffre inédit produit par cette étude : ils recueillent chaque année environ 200 millions d’euros de dons et legs. Les principaux bénéficiaires en sont les grands établissements culturels nationaux, les hôpitaux et les communes.
Associations et fondations
Nous ne nous sommes pas attachés à ce stade à étudier la répartition de ces dons par grands secteurs de l’intérêt général ni par catégorie juridique. Nous devons nous en remettre pour cela à d’autres sources d’information, notamment les travaux d’Admical, France générosités et Coordination Sud.
Pour les particuliers, les dons vont essentiellement aux associations et fondations qui œuvrent pour la protection de l’enfance, la recherche médicale et la lutte contre l’exclusion. Les moins de 35 ans, qui représentent 23 % des donateurs, privilégient pour leur part la protection des animaux, l’aide d’urgence internationale ou encore l’aide aux victimes de conflits. «On constate un clivage générationnel entre les 50 ans et plus, qui favorisent davantage la protection des plus faibles et les moins de 50 ans, qui se positionnent en faveur du combat contre la pauvreté ou de thématiques humanistes et internationales (notamment les moins de 25 ans)(3).
Pour les entreprises, l’Admical nous donne un éclairage très précis. Le mécénat va prioritairement au social (17 %), à la protection du patrimoine (15 %), l’éducation (14 %), le sport (12 %), la santé (10 %), la recherche scientifique (9%) et en 7ème position, avec 8 % des dons, vers l’humanitaire et la solidarité internationale (4).
Concernant les dons au secteur de la solidarité internationale, qui intéresse plus particulièrement les lecteurs d’Alternatives Humanitaires, nous renvoyons à l’étude Argent & Associations de solidarité internationale 2012-2016 menée par Coordination SUD, en collaboration avec le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) et l’Agence française de développement (AFD) (5).
En 2015, le secteur des associations françaises de solidarité internationale représentait a minima 688 millions d’euros, contre 539 millions d’euros en 2012. Un secteur qui connaît donc une forte croissance (+27 %) malgré un sentiment global de repli sur soi.
En synthèse, nous observons une France généreuse dont la mobilisation est en progression régulière, même si en comparaison avec d’autres pays occidentaux, nous restons dans le milieu du peloton.
On constate une diversité des ressources avec la confirmation de ressources traditionnelles comme les legs, l’affirmation régulière de la part prise par les entreprises dans ce concert et l’attente de la vague des dons numériques et…, une grande question à très court terme : quel sera le comportement des contribuables en fonction des changements fiscaux ? Les retraités, cœur de cible de la collecte, impactés par l’augmentation de la CSG resteront-ils fidèles et aussi généreux ? Ceux qui ne sont plus assujettis à l’ISF et ceux concernés par l’IFI continueront-ils à faire des dons importants ? Le débat reste ouvert pour quelques semaines entre les optimistes et les pessimistes. Et en 2019, le prélèvement à la source ne va-t-il pas perturber gravement les donateurs ?
Cliquez ici pour lire l’étude complète : Panorama national des générosités de l’Observatoire de la philanthropie de la Fondation de France.
Laurence de Nervaux, Responsable de l’Observatoire de la philanthropie de la Fondation de France (Cliquez ici pour voir la biographie de Laurence de Nervaux).
Daniel Bruneau, Ancien Président de France Générosités et Directeur de de la recherche de fonds et de la communication des petits frères des Pauvres (Cliquez ici pour voir la biographie de Daniel Bruneau).
Antoine Vaccaro, Président du CerPhi (Cliquez ici pour voir la biographie Antoine Vaccaro).
Précisions :
(1)
(2) Daniel Bruneau, ancien Président de France Générosités et Directeur de de la recherche de fonds et de la communication des petits frères des Pauvres.
(4) Cliquez ici pour lire voir le baromètre d’Admical sur le mécénat d’entreprise.
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