Journée Mondiale de l’Humanitaire le 19 août, quel progrès ?

La « Journée Mondiale de l’aide Humanitaire » est célébrée tous les 19 août depuis 2008. Si les humanitaires ont fêtés cela à leur manière en mettant en œuvre les secours appropriés, les déclarations officielles n’ont pas manquées. Il nous faut d’abord les saluer car ces prises de position sont utiles pour renforcer l’impératif de solidarité avec les populations en danger. Il faut également les prendre au mot car l’aide humanitaire est-elle toujours à la hauteur des besoins et des risques des victimes de guerre, de catastrophe, d’épidémie sur fond d’extrême pauvreté ?

A l’occasion du 19 août, c’est Martin Griffiths, secrétaire général adjoint des Nations-Unies pour les affaires humanitaires, qui précise qu’aujourd’hui 303 millions d’êtres humains ont un urgent besoin d’aide humanitaire et qu’il garde un « grand espoir » malgré « les profondeurs du désespoir et de la division ». Joseph Borell et Janez Lenarcic pour la Commission Européenne saluent « …tous ceux qui travaillent en première ligne, qui risquent constamment leur vie pour en sauver d’autres et réduire les souffrances humaines ». Même le président des Etats-Unis, Joe Biden depuis la Maison-Blanche, a déclaré que les humanitaires ont « …plus que jamais besoin de notre protection et de notre soutien » et « Il est donc impératif que nous renforcions collectivement notre réponse humanitaire ». C’est Antonio Guterres, Secrétaire général de l’ONU qui a rappelé que « Très loin des projecteurs », « Envers et contre tout, souvent au péril de leur vie, les humanitaires apaisent les souffrances dans les conditions les plus dangereuses qui soient ». Il va jusqu’à dire que « Les humanitaires représentent ce que l’humanité a de meilleur ». J’ajouterai qu’il nous faut avec humilité et conviction en apporter la preuve chaque jour pour être à la hauteur de notre mission de sauver des vies !

 

Urgence humanitaire au Népal après le tremblement de terre en avril 2015 @Alex Cauvin

Le thème de cette journée cette année est « il faut tout un village » entre les personnes touchées, les voisins qui s’entraident, les humanitaires locaux, nationaux et internationaux avec des compétences et capacités diverses et complémentaires. Sans oublier les services publics et les Etats car ils sont la solution durable à soutenir et promouvoir.

Cette reconnaissance ne peut pas ne pas nous questionner et nous être aussi utile auprès des opinions publiques, des gouvernements et des divers acteurs de la vie politique, économique et sociale. Mais pour réaliser notre mission humanitaire, au-delà du soutien moral de ces dirigeants, nous avons surtout besoin de mesures concrètes et de politique adaptée et exigeante de leur part.

En saluant leur déclaration, voilà ce qu’ils pourraient faire de mieux pour apporter à l’humanitaire ce dont il a besoin pour gagner en efficacité dans les secours.

L’humanitaire est fondé sur les principes d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance. Ceux-ci s’appliquent à tous et le partenariat entre les acteurs humanitaires et les acteurs Etatiques ou inter-étatiques doivent scrupuleusement les respecter et les appliquer. Aux humanitaires d’en montrer l’exemple les premiers dans l’action quotidienne en évitant tout risque de politisation partisane pour d’autres finalités que celle des secours impartiaux.

Au-delà de l’engagement, l’aide humanitaire ce sont des moyens pour répondre à des besoins vitaux de personnes en danger. En 2020, nous avons constaté que si les besoins humanitaires avaient augmenté rapidement, les ressources étaient restées au point mort alors qu’elles avaient connu une augmentation continue les années précédentes. C’est OCHA qui constate cette année que les besoins sont évalués à 46,3 milliards de dollars mais que seulement 15 milliards ont été mobilisés en milieu d’année ! Qu’en sera-t-il à la fin de l’année alors que l’Ukraine requiert d’immenses moyens que l’on ne peut tout de même pas retirer aux victimes d’autres crises, du Sahel au Proche-Orient.

Disons-le, le Droit International Humanitaire (DIH) est en danger d’affaiblissement, si ce n’est de remise en cause, par les Lois anti-terroristes (COTER), qui risquent d’une part de « criminaliser « les humanitaires sur les territoires où ils apportent des secours et où opèrent des groupes dits terroristes et, d’autre part, en nous imposant des obligations de criblage administratif des populations secourues. L’application mécanique et sans intelligence de ces mesures aura pour effet de faire reculer l’aide aux victimes et de mettre en danger les humanitaires. Qui prendra cette responsabilité.

Enfant amputé des deux jambes suite à des bombardements en Syrie. @UOSSM

De même, lors du 1er Sommet Humanitaire Mondial en mai 2016, une des décisions collectives avaient été de décider de simplifier l’administration de l’action humanitaire qui a la fâcheuse tendance de se bureaucratiser au risque d’affaiblir la réactivité, l’adaptation, l’accès, l’impact indispensables aux secours et d’en accroître le coût. Mais cela ne semble pas avoir eu lieu. Bien au contraire, la bureaucratie prospère et coûte de plus en plus cher dans tous les domaines de l’aide aux populations. Pourquoi les institutions ne font pas ce à quoi elles s’engagent publiquement ? Peut-on croire que toujours plus de bureaucratie c’est toujours mieux d’humanitaire ! Quelle est l’institution qui donnera l’exemple de la simplification vertueuse, efficace et suffisante pour tous ?

Par ailleurs, l’industrialisation de l’aide est aussi un danger au bout de la chaine humanitaire. Face aux grandes crises comme celle de la sécurité alimentaire générée par la guerre en Ukraine, il est indispensable de massifier les volumes de l’aide internationale. Mais, à l’autre bout de la chaine, l’aide doit au contraire savoir s’adapter au plus près des besoins de chaque population, des modes de vie, des capacités pour être optimisée de manière qualitative au profit des destinataires de l’aide. Dans cette voie, la diversité des acteurs et leur complémentarité est un atout majeur alors qu’un « modèle unique » conçu pour gérer d’abord du volume affaiblirait finalement l’écosystème humanitaire qui s’est construit dans le temps par une sorte d’empirisme organisateur régulièrement revisité. Comme tout le monde ne peut pas tout faire et que quelques-uns ne peuvent pas faire ce que font tous les autres, la synergie de la diversité est un atout déterminant.

Distribution d’aide alimentaire en Haïti @Solidarités International

Au-delà de ces messages aux dirigeant et aux institutions partenaires que sont les Nations-Unies, les Etats, la Commission Européenne et d’autres que l’on qualifie de « bailleurs » dans les ONG mais qui sont d’abord des partenaires, pour conclure, je souhaite replacer tout cela dans un cadre plus global.

Si l’humanité est une, l’humanité est aussi diversité qui mérite respect et reconnaissance. Une diversité de peuples, de pays et nations, d’Etats, de cultures, de langues, de mode de vie, de religion, de cuisine, de musique et de bien d’autres « identités » inscrite dans l’histoire. A l’inverse, la massification est l’une des caractéristiques des systèmes totalitaires ou celle d’une vision qui réduirait l’être humain au rôle exclusif de producteur et de consommateur dans un monde qui ressemblerait à un vaste supermarché.

La guerre en Ukraine, au-delà de la liberté et de l’indépendance, est aussi une guerre géopolitique mondiale qui va modifier l’ordre existant et l’équilibre du monde. Certains pensent que c’est la fin du « mondialisme », voire de « l’universalisme » et l’affirmation du localisme, des nations, des peuples, des religions et de l’histoire comme cadres d’appartenance collectif nécessaire à la gouvernance souveraine de chaque peuple et à la sécurité des communautés humaines. Si l’humanitaire a fonctionné dans le « mondialisme », il peut tout autant s’adapter à ces cadres de vie qui ont tout autant besoin d’humanitaire en temps de crise.

A condition de faire plus attention aux « autres », en particulier aux petits peuples, aux petits pays, aux cultures minoritaires qui nécessitent d’autant plus notre attention, notre respect et notre aide qu’ils sont petits et souvent l’objet de domination et de grands malheurs dans leur histoire. Dans ce contexte que l’on pourrait qualifier de « relocalisation humaine», les acteurs humanitaires peuvent et doivent aussi alerter, mobiliser et agir face à des risques globaux de plus en plus menaçants comme le changement climatique, les sécheresses et les inondations extrêmes, la raréfaction de l’eau et de la biodiversité dont l’humanité dans sa diversité à partout le plus urgent besoin pour vivre. L’humanitaire saura t’-il y contribuer, c’est là tout le défis.

Enfin, je souhaite ici remercier celles et ceux qui rendent possibles cette édition de Défis Humanitaires par leur don même modeste (faire un don). Merci.

Alain Boinet.

Sauve qui peut mondial !

Réfugiés de la RDC attendant dans le centre de transit de Nyakabande Transit Center dans la ville de Kisoro, Uganda. BADRU KATUMBA / AFP (7 juin 2022)

Réfugiés, conflits, RDC, Ukraine, OTAN, blé, BRICS, humanitaire !

130 jours de guerre en Ukraine ont déjà provoqué 5,5 millions de réfugiés et 6,28 millions de déplacés à l’intérieur du pays sur une population totale de 44 millions d’habitants. Et les combats font rage dans le Donbass chassant les habitants des zones de front.

Le 20 juin, à l’occasion de la « Journée Mondiale des Réfugiés », le HCR (Haut-Commissariat des Réfugiés des Nations-Unies) annonçait que le monde comptait 89,3 millions de personnes déracinées de force à la fin 2021, mais ce nombre est passé à 100 millions en mai 2022. Dans le même temps, signalons une information positive, 5,7 millions de personnes déracinées sont retournées dans leur pays d’origine en 2021.

Notons que plus des deux tiers de l’ensemble des réfugiés, sans compter les déplacés internes, proviennent de cinq pays seulement : Syrie (6,8 millions), Venezuela (4,6 millions), Afghanistan (2,7 millions), Soudan du Sud (2,4 millions) et Myanmar (1,2 million). Pays connaissant des guerres civiles ou des troubles graves.

Ainsi, en République Démocratique du Congo (RDC), depuis le début de l’année, plus de 700 000 personnes ont dû fuir leurs habitations et le pays compte 5,9 millions de personnes déplacées internes. Mais ces chiffres bruts nécessitent d’être complétés pour mieux en comprendre les drames humains.

Le Coordinateur Humanitaire des Nations-Unies en RDC, Philippe Lemarquis, dénonce les 11 sites de déplacés attaqués en Ituri par des groupes armés, au Nord-Kivu et au Sud-Kivu, les 15 structures de santé et écoles prises pour cible depuis le début de l’année. Rien que dans l’Ituri, 128 structures de santé ont été mises hors d’usage. Et que dire des 116 incidents de sécurité qui ont visés les humanitaires et leurs matériels !

En RDC comme ailleurs, si nous savons que l’humanitaire ne va jamais sans risque, il est essentiel de rappeler sans cesse avec force et conviction que les civils doivent être protégés et que les humanitaires ne sont pas des cibles !

Pour mettre les chiffres en perspective, comme Défis Humanitaires le propose à ses lecteurs, afin d’ anticiper les crises à venir comme les capacités humanitaires nécessaires pour y faire face, soulignons que le nombre de réfugiés et déplacés a plus que doublé en dix ans (2010-2020) et que les conflits et la démographie en Afrique vont encore augmenter le nombre de personnes à secourir dans les années à venir si la prévention des crises et les solutions politiques sont absentes ou impuissantes !

Courrier International n° 1650 du 16 au 22 juin

Connaitrons-nous « l’ouragan de famines » que craint Antonio Guterres, secrétaire général des Nations-Unies ?

C’est Annia Ciezadio qui écrit dans The Washington Post (1) que 28% des exportations mondiales de blé proviennent d’Ukraine et de Russie, mais qu’au total, les exportations ne représentent que 30 % de la production mondiale ! En attendant, 22 millions de tonnes de céréales sont toujours bloquées en Ukraine. Et si le blé Russe ne fait pas l’objet de sanctions, celles-ci s’appliquent par ailleurs aux chaînes logistiques et financières nécessaires pour le vendre et l’acheminer.

Quand on sait qu’un tiers du blé importé par le Moyen-Orient et l’Afrique venait de Russie et que la moitié du blé du PAM (Programme Alimentaire Mondial des Nations-Unies) provenait en 2021 de l’Ukraine et de Russie, il y a de quoi s’alarmer. Depuis notre dernière édition de Défis Humanitaires, concernant l’idée de « couloirs humanitaires » ou de « corridor du blé », rien ne s’est encore vraiment concrétisé début juillet. Si Martin Griffiths, secrétaire général adjoint des Nations-Unies chargé des questions humanitaires, et Rebecca Grynspan, secrétaire générale de la CNUCED (Conférence des Nations-Unies sur le commerce et le développement) préparent un accord global incluant « l’exportation sécurisée des céréales ukrainiennes par la mer et l’accès aux produits alimentaires et aux engrais russes sur les marchés mondiaux, particulièrement pour les pays en voie de développement », le compte à rebours de la faim est déjà bien engagé en ce mois de juillet.

Déjà la pandémie de la Covid-19 avait provoqué une grave perturbation des chaînes logistiques et une augmentation des prix. Pour mémoire, rappelons que la faim menaçait 811 millions d’êtres humains en 2005, 607 millions en 2014 et 811 millions en 2020. Combien seront-ils cette année ?

Déjà en Egypte, premier pays importateur de céréales dans le monde couvrant 80% de ses besoins, le Maréchal Al-Sissi appelle au dialogue national afin d’anticiper les conséquences dangereuses d’une inflation galopante et du manque de pain.

Au Kenya, selon le Mail & Guardian de Johannesburg, le prix d’un sac de 2 kg de blé a augmenté de 25% et le prix de l’huile de cuisson de 42% depuis le mois d’avril 2021.

Plus grave encore, selon The Guardian, le système alimentaire mondial menace de s’effondrer. Système complexe détenu à 90% par 4 grands groupes mondiaux pratiquant une logique de flux constant, ce système alimentaire s’est développé sur le modèle des banques qui prévalait lors de la crise de 2008 et, comme à l’époque, « une perturbation peut faire basculer l’ensemble ».

S’il devient urgent de diversifier la production mondiale et de renforcer «…les facteurs susceptibles d’empêcher un effondrement systémique », il convient aussi d’abord d’alimenter en blé les pays et populations qui en ont un urgent besoin aujourd’hui même.

Sommet de l’OTAN durant lequel la Turquie signe un accord avec la Suède et la Finlande pour leur d’adhésion à l’OTAN. ©OTAN (CC BY-NC-ND 2.0)

Escalade militaire en Ukraine.

Depuis la fin juin, on a l’impression d’être entré dans une nouvelle phase d’escalade de la guerre en Ukraine. La réunion du G7 avec ses sanctions renforcées, le Sommet de l’OTAN avec les demandes d’adhésion de la Finlande et de la Suède, les tensions autour de l’enclave Russe de Kaliningrad, la livraison d’artillerie lourde à longue portée et, bientôt, de missiles sol-air NASAMS américain à moyenne et longue portée le démontre. Sans doute s’agit-il d’un soutien renforcé militaire face aux difficultés de l’armée ukrainienne dans le Donbass.

La riposte de la Russie ne s’est pas fait attendre quand le porte-parole du Kremlin, Dimitri Peskov, déclare que la guerre contre l’Ukraine « pourrait s’achever en un jour, si les forces ukrainiennes déposaient les armes et se pliaient aux conditions de la Russie ». Rien de moins.

Sur le terrain, les Russes se sont emparés de la ville de Severodonesk et de Lyssychansk. Déjà les frappes se portent sur les nouvelles cibles, à Kramatorsk et Sloviansk. Les Ukrainiens renforcent leur puissance de feu, notamment à l’aide des canons français Caesar et des obusiers américains M771 et, prochainement, des lance-roquettes HIMARS d’une portée de 80 km.

Canon français Caesar livré à l’Ukraine.

Autant dire que la priorité de part et d’autre est à la guerre et qu’elle durera au moins jusqu’à l’hiver qui gèle les combats et les positions. Cela représente plus qu’un doublement du temps de la guerre, de 4 à 9 mois et, par conséquence, de destructions pour les populations, les infrastructures. L’armée ukrainienne est en mauvaise passe dans le Donbass mais elle peut espérer une usure de la machine militaire russe alors qu’elle-même se bat chez elle et qu’elle peut mobiliser des soldats nombreux et motivés. La prochaine ligne de front va s’établir durant l’été devant les villes de Sloviansk et Kramatorsk et nous allons vivre de nouveaux déplacements de populations, des blessés, des morts et des villes rasées, sans parler des crimes de guerre. Par conséquent, les humanitaires devraient augmenter leurs secours dans l’urgence comme dans la durée.

Un changement de monde.

La rupture semble maintenant consommée et pour longtemps entre la Russie et ce que l’on peut qualifier de monde occidental avec l’Europe en première ligne. Vu de Paris, Washington, Bruxelles ou Berlin, nous pouvons penser que la Russie est isolée, à quelques exceptions près, et comme le dit le Président de la République, Emmanuel Macron, qu’elle a commis une erreur stratégique majeure que certains voudraient lui faire payer au prix le plus fort par la défaite.

Mais, vu de Pékin, Delhi, Pretoria ou Dakar, c’est assez différent. Pour preuve, au moment même où se réunissait le G 7 et l’OTAN, le Groupe des BRICS se réunissait à Pékin. Celui-ci rassemble donc le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud qui représente 41 % de la population mondiale, 24% du PIB et 13% du commerce international. Parmi les sujets abordés figurait celui de la réforme du système multilatéral. Le président chinois, Xi Jimping, a dénoncé à la tribune « l’élargissement des alliances militaires » en spécifiant que les sanctions étaient une arme à double tranchant qui allait revenir comme un « boomerang ». Ce qui fait dire à certains commentateurs que la Chine a clairement choisi son camp !

14ème Sommet des BRICS à Pékin 24/06/2022. Jairus Mmutle/GCIS (CC BY-ND 2.0)

Le ministre des Affaires étrangères chinois, Wong Yi, a d’ailleurs appelé nombre de pays à rejoindre les BRICS et particulièrement l’Indonésie ou se déroulera le prochain G20 auquel Vladimir Poutine devrait participer au mois de novembre prochain.

Simultanément, la Chine a augmenté ses importations de pétrole brut de 55% entre mai 2021 et mai 2022. Et l’Inde à multiplié par 9 ses importations de pétrole brut, même si elle cherche à diversifier ses achats de matériels militaires majoritairement russes.

La Russie est donc moins isolée que cela et d’autres alliances se nouent qui vont dessiner les relations internationales, si ce n’est les cristalliser en alliances concurrentes. C’est un changement de monde auquel nous assistons avec l’Ukraine comme déclencheur ou plutôt même comme accélérateur !

Et l’humanitaire dans tout cela ?

Le monde s’antagonise, devient plus incertain et plus conflictuel. Les règles hier encore communément admises sont remises en cause. La période qui a suivie la chute du mur de Berlin et la disparition de l’URSS, il y a une trentaine d’années, tourne la page et nous entrons dans l’inconnu des nouveaux rapports de force internationaux.

Ne sommes-nous pas déjà dans une guerre mondiale des hydrocarbures et du gaz, de l’alimentation en céréales, en engrais et entre des modèles politiques antagonistes, une guerre des mémoires et des ambitions ?

La guerre en Ukraine va-t-elle durer, s’amplifier, déborder ou ira-t-elle vers une solution négociée. Une nouvelle guerre froide commence t’elle quand le ministre des Affaires étrangères Russe, Sergueï Labrov, déclare qu’un nouveau rideau de fer s’abat sur l’Europe ? En tout cas, Vladimir Poutine aura réussi à renforcer l’OTAN et l’Union Européenne, à stimuler leur esprit de défense.

C’est dans ce contexte que s’est ouvert début juillet à Lugano en Suisse une conférence réunissant 40 pays et de nombreuses organisations internationales mobilisés pour définir les conditions de la reconstruction de l’Ukraine. Cela pourrait sembler venir à contre-temps, cependant la reconstruction sera longue et couteuse. Alors, autant s’y préparer dès maintenant.

En tout cas, l’action humanitaire aura beaucoup à faire avec un monde moins globalisé, moins de multilatéralisme, avec plus de souveraineté et de volonté d’indépendance et de reconnaissance. Pour que l’humanitaire ne sorte pas éreinté de la grande lessiveuse de l’histoire à un moment ou la nécessité des secours n’aura jamais été aussi urgente, il va falloir appliquer nos principes sans transiger sur le fond tout en s’adaptant beaucoup sur la forme afin de ne pas laisser les victimes seules face à l’adversité, à la cruauté, sauver des vies, reconstruire et promouvoir un avenir à l’espérance et au droit des peuples à être libre et à se développer.

En espérant que cet article vous sera utile, je vous remercie personnellement pour le soutien que vous pouvez nous apporter (faireundon) pour permettre la publication régulière de Défis Humanitaires.

Merci et rendez-vous à la prochaine édition début août.

Alain Boinet.

 

– (1) Dans Courrier International n° 1650 du 16 au 22 juin, vous trouverez un très bon dossier sur « L’arme du blé ».