Philanthropie : cartographie des fondations françaises agissant en faveur du développement international

Réalisée par le Centre d’étude et de recherche sur la Philanthropie (CerPhi) en partenariat avec l’Observatoire de la philanthropie de la Fondation de France, pour le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, cette étude sortie en mai 2019 avait pour objectif d’établir une cartographie géographique et statistique de l’aide au développement apportée par les fondations françaises. Le lecteur pourra accéder à l’intégralité de la restitution de l’étude sur le site du CerPhi[1].

L’étude a permis d’analyser les réponses d’une trentaine de fondations et fonds de dotation français, chiffre qui pourrait sembler faible. Mais si on compare ces résultats au nombre de fondations revendiquant une intervention dans le périmètre concerné, nous avons une bien meilleure perspective : 32 sur 165 fondations.

En terme de montant, ce rapport est encore plus favorable, s’il est mis en relation avec les sommes reçues par les principales organisations de solidarité internationale (OSI) françaises.[2] Pour 2015, l’année de référence de l’étude, le montant affiché par ces organisations en provenance des fondations, s’élève à 87 millions d’euros.

Montant à mettre aussi en rapport avec les résultats de l’étude de la Fondation de France[3], qui permet d’estimer le montant global dépensé en aide internationale, par les quelques 165 fonds et fondations actifs dans ce domaine, à 121 millions d’euros.

Un chiffre qui peut sembler peu élevé mais qui est cohérent avec le fait que moins de 5 % des fonds et fondations sont actifs dans le domaine de l’aide internationale.

Rappelons à ce sujet que l’étude de l’OCDE diffusée en 2018 donne une estimation globale pour les fondations interrogées (c’est-à-dire les plus importantes dans le domaine) de 8 milliards de dollars sur une année, soit environ 7 milliards d’euros, représentant près de 5 % du volume de l’APD.  La  part des fonds et fondations françaises serait d’environ 1,7%.

Conférence de présentation de l’étude au MEAE, le 24 juin 2019.

Ce qui ressort de cette étude, c’est la part assez cohérente, en valeur relative, du poids des fondations quelle que soit leur origine, dans l’aide au développement. Cette part est à rapprocher du soutien qu’apportent les émigrés de ces pays qui représente 470 milliards d’euros.[4]

Cette faiblesse ne fait que confirmer que les fondations opératrices, distributrices, à dotation et même collectrices se tournent plus systématiquement vers des projets domestiques : action sociale, culture, protection du patrimoine et recherche médicale sur leurs propres territoires.

Je laisse le lecteur découvrir l’ensemble des résultats de l’étude sur le site du CerPhi, pour lui soumettre cette réflexion qui devient récurrente dans l’analyse des actions philanthropiques des fondations internationales.

Les fondations philanthropiques peuvent changer la face du monde et leurs interventions sont parfois décisives mais dans l’aide au développement, à l’exception de la plus en plus décriée Fondation Gates, nous sommes loin du compte.

C’est d’ailleurs une réelle question de style et de méthodes des fondations anglo-américaines qui grâce à leurs visions prophétiques et leur puissance ont montré, depuis des décennies, leur pouvoir d’influence.

Les fondations Rockefeller, Carnegie, Ford, plus récemment Soros, et bien sûr encore Gates ont, par la puissance et les alliances qu’elles sont capables de nouer, infléchi des pans entiers de secteurs économiques et sociaux : 

  • révolution verte en Inde,
  • sécurité sociale en France,
  • enseignement supérieur en Afrique,
  • et plus récemment éradication de maladies épidémiques.

Peu de fondations d’Europe continentale et françaises, notamment, ont montré de telles capacités, puissance et collaboration.

Il est vrai que le droit des successions sur le continent est moins favorable qu’aux Etats-Unis et qu’au Royaume-Uni et que les collaborations, dans le pays des querelles de clocher,  sont plus compliquées.

Mais la montée fulgurante des milliardaires français dans le classement mondial des plus riches, une certaine forme de « protestantisation » de la société française[5] et une possible évolution du droit des successions, et par voie de conséquence de la philanthropie, devraient rapprocher ces pratiques.

Antoine Vaccaro
Président du CerPhi

Antoine Vaccaro, docteur en science des organisations et des économies non marchandes, est Président du Cerphi (Centre d’étude et de recherche sur la philanthropie) et de FAIRCOM, une agence de communication d’intérêt général. Il est aussi le fondateur de\Non-Profit et de l’agence Excel et a travaillé dans des organisations telles que la Fondation de France et Médecins du Monde. Enfin il est aussi chargé de cours au Celsa, à l’Université du Management Associatif et à l’école des mines.

 


[1]http://www.cerphi.org/veille/etudes-cerphi-cartographie-des-fondations-francaises-agissant-en-faveur-du-developpement-international/

[2]«Etude Argent & Associations de solidarité internationale 2012-2016 » https://www.coordinationsud.org/document-ressource/etude-argent-associations-de-solidarite-internationale-2012-2016/

[3]https://www.fondationdefrance.org/fr/fonds-et-fondations-en-france-un-secteur-en-pleine-croissance

[4]https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2017/04/21/remittances-to-developing-countries-decline-for-second-consecutive-year

[5] Où en sommes nous ? Une esquisse de l’histoire Humaine, Emmanuel Todd. Seuil (2017).

Laisser un commentaire