9ème Forum Mondial de l’eau : des défis, des enjeux, une promesse à tenir.

Ouverture du KoM à Dakar le 20 juin 2019 pour la préparation du 9ème FME

Où en sommes-nous après deux jours de réunion à Dakar, les 20 et 21 juin, qui avaient pour objectif de préparer et de lancer le prochain Forum Mondial de l’Eau (FME) se déroulant dans la capitale du Sénégal en mars 2021.

600 participants venant de 53 pays, dont 400 africains, ont réfléchi ensemble au contenu des 4 priorités de ce Forum : la sécurité de l’eau, la coopération, l’eau et l’agriculture, les outils et moyens.  Ce n’est pas ici le lieu d’en faire un compte-rendu d’autant que le site du Conseil mondial de l’Eau (CME) apporte beaucoup d’information à ce sujet ainsi que l’entretien croisé des deux co-présidents du Forum.

Il s’agit plutôt de se concentrer sur certaines caractéristiques que ce Forum devrait avoir et d’éviter par ailleurs de se disperser en une multitude de sujets au risque de l’émiettement et d’un manque d’impact.

Un Forum mondial pour l’Afrique qui a soif.

Par définition le FME est mondial et il doit assumer cette dimension pour réussir. Mais le 9ème Forum sera le premier à se tenir en Afrique subsaharienne. Or, c’est là que l’accès à l’eau et l’assainissement sont le moins développé dans le monde et l’on sait que la population va doubler sur ce continent d’ici 2050 pour atteindre 2,5 milliards d’habitants. C’est un défi immense à relever. C’est donc la première priorité pour le Forum que de se consacrer à l’Afrique qui a soif.

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Alexandre Giraud, directeur général de Solidarités International au KoM à Dakar, Juin 2019.

Si l’Afrique compte nombre de pays ayant une croissance à deux chiffres, si l’Afrique est un continent riche en ressources naturelles et en promesse de développement, si la jeunesse africaine représente un potentiel immense d’énergie et d’initiative, n’oublions pas que l’Afrique connait aussi 28 conflits violents dont 11 guerres dans des pays pauvres (chiffres du HIIK). Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad, RCA, RDC, Somalie, Soudan du Sud, nord du Nigéria… La liste est longue sans parler des destructions liées à des catastrophes (ouragan, sécheresse, inondation), comme il y a peu au Mozambique. Pour ces populations en danger, le Forum pourrait représenter un événement démultiplicateur de solidarité.

Un Forum qui réponde concrètement aux besoins des populations.

Mais ces pays étaient peu représentés à Dakar et ces urgences humanitaires s’expriment donc peu dans la salle. Il y a là je crois un enjeu majeur pour le Forum. Si le FME ne concentre pas une partie significative de son programme aux besoins de ces populations, il nous sera difficile de mobiliser les acteurs humanitaires pour préparer et participer à ce Forum. Il vaut mieux le dire maintenant, d’autant que trop peu d’ONG humanitaires et de développement participent habituellement au Forum Mondial de l’Eau. Mais, rappelons-le à tous, nous ne serons ni en Corée ni au Brésil, ni même en Turquie, mais au cœur de l’Afrique qui a soif !

Il se trouve que le thème de ce Forum est « La sécurité de l’eau pour la paix et pour le développement », et nous espérons que celui-ci inclura effectivement l’humanitaire dans son programme. Pendant trop longtemps, et encore aujourd’hui, une frontière mentale s’est opérée dans les esprits entre pays en paix et en développement et la terra incognita des pays en guerre oubliés. Ces pays ont, plus que les autres, besoin d’eau et d’assainissement, de paix et de développement et de l’articulation entre l’urgence et les sorties de crise avec la reconstruction, la stabilisation et la reprise du développement. Ne pas s’en occuper, outre une sorte de non-assistance à personne en danger, c’est prendre le risque de voir ces crises s’étendre géographiquement et s’intensifier.

Membres des organisations participants à la délégation du Partenariat Français pour l’Eau (PFE).

Le Forum de la sécurité de l’eau pour la paix et le développement doit largement inclure les pays, les acteurs, les populations des pays en crise et permettre leur participation active pour apporter des réponses concrètes à leurs besoins. Car ce Forum se veut celui des réponses à des besoins et ceux dont nous parlons ici sont les plus urgents.

La relation de l’eau et de la paix apparaît de plus en plus comme une question d’actualité. Et l’on voit bien comment une eau en quantité insuffisante à partager entre les différents usagers peut devenir un objet de litige, de tension, voire de conflit. Ce qui est vrai au niveau d’un bassin transfrontalier l’est tout autant à un niveau local. L’enjeu est stratégique face à la demande croissante d’eau, à la pollution quand ce n’est pas au gaspillage qui touche d’abord les zones soumises à un stress hydrique.

Un Forum qui fasse sa place à l’action humanitaire.

Mais une explication est ici nécessaire. Notre mission humanitaire est d’apporter l’eau potable et l’assainissement pour répondre aux besoins vitaux des personnes, communautés et populations qui en sont dépourvues sans aucun critère politique, ethnique ou religieux et donc de manière impartiale et indépendante. Si cette action humanitaire a pour conséquence de réduire des tensions qui peuvent exister, c’est très bien mais la finalité demeure d’apporter l’eau potable et l’assainissement notamment pour réduire la mortalité due à l’eau insalubre. L’aide humanitaire n’est pas un instrument politique avec la paix comme finalité et l’eau pour moyen, de même que l’eau ne peut pas être un moyen de guerre.  Enfin, la paix est un processus dont seul le politique a les clefs.

Alain Boinet, KoM du 9ème FME, Dakar juin 2019.

Un Forum qui stimule les Objectifs de Développement Durable 2030.

En matière d’eau et d’assainissement, il y a des réponses de développement et des réponses humanitaires qui doivent se coordonner, s’épauler autant que possible partout où cela est nécessaire. La réponse globale au niveau humain de la planète, ce sont les Objectifs de Développement Durables (ODD) qui prévoient notamment (Objectif 6 sur les 17) un accès universel à l’eau et l’assainissement d’ici 2030, y compris dans les situations de crise pour n’abandonner personne ! Le dernier Rapport d’UN-Water indique que nous ne sommes pas sur la bonne trajectoire pour y parvenir. C’est là que le 9ème Forum Mondial de l’Eau, tout en gardant sa spécificité, pourrait à Dakar se donner la mission de se mobiliser pour contribuer à atteindre les ODD dans 11 ans seulement. Si je me suis concentré dans cet article sur ce qui pourrait manquer au Forum, n’oublions pas sa dimension mondiale et la diversité des questions qui se posent pour la sécurité de l’eau.

Enfin, pour gagner en cohérence, en synergie, en efficacité, il semble logique de mobiliser pour la sécurité de l’eau tous les outils et moyens, la coopération, l’eau pour l’agriculture, l’aide humanitaire et au développement dans l’espoir de contribuer à la paix.

Alain Boinet.

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