Leçons sur les abus sexuels dans l’humanitaire

L’affaire des abus sexuels commis par des expatriés d’OXFAM en Haïti en 2011 a eu un écho international retentissant qu’il ne faut pas sous-estimer tant l’amalgame entre prédateurs sexuels et humanitaires est choquante et condamnable. Et soyons lucides et honnêtes, aucune ONG n’est à l’abri de tels agissements.

Cette « affaire » largement médiatisée aura des conséquences multiples et variées dans les relations avec les donateurs, privés et publics, les médias, entre les ONG elles-mêmes et même avec les autorités locales, voire les populations secourues.

En effet, au-delà d’OXFAM c’est toute la communauté humanitaire qui a été touchée, d’autant que l’on a vu que les prédateurs en question passaient d’une ONG à l’autre en changeant de pays.  Si cette affaire et ses prolongements sont encore en cours et sans préjuger des rebondissements possibles, il est nécessaire dès maintenant de chercher à en tirer des leçons utiles pour l’avenir immédiat.

  • Les organisations humanitaires doivent reconsidérer leur logiciel, leur système de référence, leur formation, leur suivi, leur système d’alerte dans une démarche de tolérance zéro.
  • Au-delà de ces mesures techniques indispensables, l’essentiel est dans l’esprit et la culture qui animent chaque organisation et qui font de la simple morale, du civisme, de l’empathie avec les victimes, les populations et ses collègues des bases fondamentales de l’engagement humanitaire.
  • Les abus sexuels ne sont pas les seules fautes graves auxquelles l’humanitaire est confronté. C’est également le cas de tout ce qui touche à la corruption et au détournement de fonds qui doivent tout autant être pris en compte.
  • Face à des abus sexuels, sans même parler de viol, de vol ou de corruption, les humanitaires doivent systématiquement réaliser des enquêtes documentées et, si nécessaire, porter plainte et engager des poursuites en justice.
  • Il importe tout autant de définir une grille de gravité des fautes afin de ne pas mettre au même niveau des faits d’une extrême gravité à des manquements mineurs.
  • Il importe de rappeler et d’assurer les formations nécessaires aux expatriés et aux nationaux qui peuvent être déstabilisés ou, dans certains cas, profiter des situations de chaos, de déstructuration sociale et de l’absence des règles et des services habituels de l’Etat dans les situations de crise.
  • La conscience de la gravité des abus en tout genre, la prévention, la formation, les procédures, la documentation, les poursuites en justice si c’est justifié, la transparence sont les meilleures réponses aux abus.

Enfin, concernant les médias et les journalistes, dans l’emballement médiatique nous avons constaté des postures et attitudes diverses. Certains journalistes se sont comportés comme des procureurs à charge généralisant l’opprobre sur tout le monde humanitaire là ou d’autres ont fait leur travail honnêtement et avec professionnalisme.

La première attitude est facile, démagogique et au fond pas du tout déontologique et devrait aussi nous conduire à interpeller ses journalistes pour mieux les informer et qu’ils comprennent que l’égarement de quelques brebis galeuses ne doit pas condamner l’immense majorité de celles et ceux qui se dévouent à l’action humanitaire au prix parfois de leur propre sécurité.

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