Présidentielle 2017, mais où est la solidarité internationale ?

Nous savions que la politique étrangère n’était habituellement ni un argument, ni un atout dans les campagnes électorales, fussent-elles présidentielles. Et si, durant le premier tour des élections présidentielles, on s’est jeté Poutine, Bachar al-Assad, ou Daesh au visage, il s’agissait plus de disqualifier que d’avoir un véritable débat de fond constructif entre les partisans d’une certaine realpolitik et ceux qui privilégient  les droits de l’homme. Et pourtant, l’Europe est bien au centre de la campagne tant elle est vécue comme une question essentielle par les Français, comme la mondialisation est perçue comme une réalité à maîtriser. En tout cas, manifestement, le débat nation-Europe-monde n’a jamais été aussi exacerbé et ne semble pas proposer de complémentarité positive.

Mais où est donc passé la solidarité internationale ?

Mais surtout, nous regrettons l’absence totale dans les débats de la solidarité internationale, qu’il s’agisse de l’action humanitaire ou de l’aide au développement, et ce malgré la famine qui menace actuellement 20 millions d’êtres humains en Afrique. Et pourtant, plus que jamais par le passé, les associations et  coordinations d’ONG ont cherché par de multiples initiatives à se faire entendre et à peser dans cette campagne pour que des engagements positifs soient pris pour le prochain quinquennat. Pour enfoncer le clou, constatons que la solidarité internationale n’est pas encore considérée comme une question cruciale lors des élections. C’est encore un sujet marginal. Il en a été de même du développement durable (ODD 2015-2030) et du dérèglement climatique. Ceci est accablant et dangereux dans le monde d’aujourd’hui.

La solidarité commence ici.

Mon propos n’est pas de laisser penser que les problèmes de politique intérieure de notre pays, qu’il s’agisse de chômage et d’emploi, d’éducation et de santé, d’identité et d’immigration, de retraite et de sécurité, ne seraient que les problèmes d’un pays riche, voire égoïste et replié sur lui-même. D’autant que la France n’est pas du tout en bonne santé.  La première des responsabilités d’un pays est bien de s’occuper des siens et l’élection est censée apporter légitimité et autorité à ceux qui sont chargés de répondre aux intérêts collectifs des français et à leur unité sur des fondements partagés, au-delà de la pluralité des opinions. Mais, ses intérêts nationaux si légitimes sont indissociablement liés à des enjeux, des échanges internationaux qui concernent la sécurité, l’économie, le commerce, la culture, l’avenir et bien d’autres domaines d’échange.

Un débat simpliste entre la France, l’Europe et le monde et vice versa.

Les élections – à l’exception de l’Europe et du vaste fourre-tout de la mondialisation – semblent toujours cloisonner entre les sujets de politique intérieure et ceux des intérêts à l’international que tout pays a, singulièrement pour la France du fait de son histoire, de ses responsabilités et de la mission qu’elle se donne dans le monde. Mais le débat est resté binaire et simpliste en opposant frontalement les partisans d’une mondialisation qui n’apporterait que du bien et ses opposants pour lesquels elle est un vecteur de dissolution, de dépendance et d’appauvrissement.

Et pourtant les français sont plus réfléchis que ce que les candidats à l’élection présidentielle ne semblent le penser.

Oui, nos concitoyens sont plus avisés qu’on ne le pense quand on découvre, dans la 11ème édition du Baromètre de l’Agence Française de Développement, qu’à la question « Avez-vous le sentiment que dans les dix ou quinze années à venir, ce qui se passera dans les pays en développement – par exemple sur le plan politique, économique, climatique, démographique… – peut avoir un impact sur votre mode de vie ? » 77% des français répondent OUI !  Quant à savoir si un soutien financier et technique fourni à ces pays par nos soins peut contribuer à réduire les risques, ils sont 72% à le penser vis-à-vis des pandémies, 62% pour la mauvaise gestion des ressources naturelles, 58% sur les flux migratoires et 54% sur les questions de violence et de sécurité.

Des français lucides face à des défis considérables.

Effectivement, les défis sont bien là alors que nous étions 3 milliards sur terre en 1960 et que nous serons 8 milliards en 2024 et 10 milliards en 2056. L’Afrique seule va passer de 1,2 milliard d’habitants en 2015 à près de 2,5 milliards en 2050, c’est-à-dire doubler de population. C’est d’ores et déjà une véritable bombe démographique qui génère des mouvements migratoires en Afrique même vers l’Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire, le Nigéria ainsi que vers les pays riverains de la Méditerranée et vers l’Europe. Il en est de même dans des proportions diverses sur tous les continents. Alors, comment s’organise-t-on ensemble pour réussir à maîtriser ce défi démographique d’un développement durable et de la coopération entre Etats  pour les mettre en œuvre ?

Car les défis collectifs ne manquent pas. Celui du dérèglement climatique et des catastrophes météorologiques qui condamnent chaque année près de 23 millions d’êtres humains à se déplacer pour survivre. Selon les prévisions, d’ici 2020 la moitié de la population mondiale vivra dans les régions soumises à un stress hydrique d’accès à l’eau. Pourtant, désespérer n’est jamais une option d’autant que des progrès considérables ont été réalisés entre 2000 et 2015, en faisant reculer la pauvreté dans le monde. Mais il y a encore énormément à faire pour générer un développement durable pour tous et permettre ainsi aux populations de vivre partout chez elles et d’échanger avec les voisins.

Seule la coopération entre les peuples et les nations peut le permettre en mobilisant les ressources nécessaires pour un monde plus stable, plus sûr, plus équilibré. Dans ce contexte, le modèle producteur-consommateur qui voudrait que d’un côté il y ait le monde, de l’autre des individus, et rien entre les deux relèvent d’une vue de l’esprit qui ne peut apporter aucune réponse réaliste et concrète dans un monde plus incertain, plus dangereux et dont la vitesse de transformation risque bien de nous échapper et de nous exploser au visage ! N’ayons pas un débat de retard !

Mon expérience humanitaire dans le monde depuis près de 40 ans, c’est celle de l’extraordinaire diversité d’une même humanité, celle des peuples, des ethnies, des communautés, des langues, des pays, des religions, des coutumes, et ce monde multiple d’une infinie richesse est une réalité à respecter et à faire cohabiter. Quand les Etats s’affaiblissent, le risque de conflit est toujours là prêt à naître et à se propager.

Constatons malheureusement que notre pays n’a jamais été aussi fracturé que durant les élections présidentielles de 2017. Continuer ainsi n’est pas une option car la dislocation n’est jamais impossible. Nous le savons par expérience des crises que nous vivons dans le monde. Il est urgent de se rassembler autour du socle commun de notre pays, de relancer l’Europe des peuples pour faire face ensemble aux atouts comme aux désordres de la mondialisation. C’est tout l’enjeu d’un modèle mondial de solidarité réaliste, humain, volontaire, respectueux du droit des peuples pour faire face ensemble aux défis colossaux qui sont juste là devant nous.

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